Inscrire un terme

Retour
Éditorial

Quand le masque caquiste tombe

Rédaction
3 octobre 2022

Crédit visuel : Pixabay

Éditorial rédigé par le comité de rédaction de La Rotonde

En ce jour d’élection provinciale au Québec, les citoyen.ne.s vont devoir faire un choix. Le choix de reconduire, ou non, au gouvernement, un parti qui a adopté comme stratégie de campagne un honteux discours anti-immigration. Un discours blessant et insultant qui vient vous affirmer, vous immigrant.e.s, que non, vous n’êtes pas les bienvenu.e.s !

L’Université d’Ottawa accueille sur son campus un nombre conséquent d’étudiant.e.s internationaux.ales, dont plusieurs ont fait le choix de vivre de l’autre côté de la rivière. Si les loyers y sont plus abordables, les possibilités d’emploi post-diplôme en français y sont également attrayantes : de quoi envisager un établissement à long terme dans cette région où le taux de chômage est l’un des plus bas de la province (3,4% pour août 2022).

Oui, mais voilà : c’est précisément sur ce point que le bât blesse. Malgré les appels constants du patronat pour augmenter les seuils d’immigration dans la province afin de pallier la pénurie de main-d’œuvre, le gouvernement Legault s’entête à faire tout ce qui est en son pouvoir pour ne pas accueillir plus d’étranger.ère.s. Désormais coincée entre la réalité économique et son idéologie nationalo-conservatrice, la Coalition Avenir Québec (CAQ) semble avoir fait un choix électoraliste clair : un virage à droite, bien à droite !

Quatre ans de politique injurieuse

Si la gang de Legault s’est lâchée avant ces élections, ses tendances anti-immigration ne datent toutefois pas d’hier. En 2019, c’est le jeune lieutenant caquiste, Simon Jolin-Barrette, qui montrait la voie en essayant de réformer le Programme de l’expérience québécoise (PEQ).  Ce programme d’immigration permettait initialement de déposer une demande de résidence permanente après un an d’emploi à temps plein, peu importe la catégorie d’emploi. Le ministre de l’Immigration d’alors avait voulu restreindre les critères, pour ne choisir que les profils susceptibles d’intéresser le Québec. Une conception de l’immigration particulière, qui venait révéler la nature de la considération caquiste à l’égard des immigrant.e.s.

C’est finalement en 2020 que le PEQ sera réformé, avec pour changements principaux l’obligation d’avoir travaillé 24 mois à temps plein, l’exclusion de certaines catégories d’emplois et le doublement des délais de traitement (24 mois contre 12 mois auparavant). Si cette mouture se voulait moins brutale que sa version originale, elle ne devait toutefois sa révision qu’au scandale qu’elle avait fait naître. Jolin-Barrette avait finalement été obligé de réviser sa réforme face à l’indignation grandissante et avait présenté ses excuses devant la presse, une pratique devenue depuis coutume à la CAQ.

Le gouvernement progressiste-conservateur, qui n’a d’ailleurs de progressiste que le nom, avait en parallèle mené à terme un autre projet tout aussi controversé : l’adoption de la Loi sur la laïcité. Interdisant le port du moindre signe religieux pour les personnes en position d’autorité, y compris vêtements et bijoux, cette législation négative venait dévoiler la vraie nature de l’idéologie caquiste, reposant sur l’intolérance et la division.

Finalement, le dernier coup de fusil du gouvernement Legault remonte à juin 2022, avec l’entrée en vigueur de la Loi sur la langue officielle et commune du Québec, plus communément appelée Loi 96. Venant renforcer la Loi 101, cette loi a été perçue comme étant extrêmement discriminatoire à l’égard de la population anglophone de la province puisqu’elle venait, entre autres, révoquer le statut bilingue des municipalités ne comportant pas une majorité d’anglophones.

L’immigration, une menace ?

Si ces quatre années de réformes discriminatoires ne laissent plus de place au doute quant à la position de la CAQ sur l’échiquier politique, c’est toutefois lors de ces dernières semaines que celle-ci s’est le plus illustrée. En adoptant un discours populiste qui n’a rien à envier à ceux des Trump et autres Zemmour de ce monde, les représentant.e.s de la province québécoise sont passés en mode attaque, s’en prenant face caméra aux nouveaux.elles arrivant.e.s. 

C’est le grand chef qui s’est lancé le premier sur ce terrain glissant en associant, avec une assurance déconcertante, l’immigration à la violence et à l’extrémisme. « Les Québécois sont pacifiques, ils n’aiment pas la chicane […] il faut s’assurer qu’on garde ça comme c’est là actuellement », affirmait-il plein d’enthousiasme. Si ces propos n’ont certainement pas manqué de galvaniser son électorat rural et très peu exposé à l’immigration, ils sont venus rappeler, si besoin était, que tant que la CAQ dirigera cette province, l’immigrant.e sera stigmatisé.e. On ne parlera même pas des affirmations tenues par l’actuel ministre provincial de l’immigration, qui sont quant à elles dignes d’une discussion de comptoir.

Comme à son habitude après chaque bourde, Legault s’est ensuite excusé, avouant que ses allégations ont éventuellement pu porter à confusion. Parce que oui, après vous avoir insulté d’extrémiste, cet homme a encore assez de cran pour vous dire que c’est vous qui ne le comprenez pas bien. S’il a affirmé par la suite que son but était de rassembler (oui, rassembler !), ses paroles sont une nouvelle fois venues le trahir quelques jours plus tard, lorsqu’il a affirmé, avec tout autant d’aplomb, qu’accueillir 50 000 immigrant.e.s par an serait du suicide. Du suicide économique ? Certainement pas. Du suicide politique ? Peut-être.

Manœuvre électorale bien connue

En effet, si ces propos scandaleux confirment l’idéologie nationaliste et conservatrice de la CAQ, ils s’inscrivent toutefois dans une stratégie bien connue des démocraties occidentales qui consiste, pour un parti bien à droite, d’aller chercher des voix encore plus à droite. La lutte dans certaines circonscriptions s’annonçant effectivement très serrée, l’adoption d’un tel discours à quelques jours des élections traduit une tentative de rallier les voix les plus radicales pour grappiller quelques sièges à l’Assemblée nationale. 

Cela peut également se traduire par une tentative de masquer un bilan économique peu réjouissant, puisque plusieurs indicateurs démontrent une croissance plus faible par rapport à d’autres provinces. Si l’on se penche sur l’emploi par exemple, on observe une évolution positive de 3,1 % au Québec contre 6,8 % en Ontario. Concernant la population active, on constate une augmentation de seulement 1,8 % en 4 ans contre 6,2 % en Ontario, ceci s’expliquant par un nombre élevé de départs en retraite et une croissance démographique faible. L’immigration comme solution, pensez-vous ? Oui, mais non !

Quels que soient les objectifs de cette attitude politique radicale et décomplexée du gouvernement québécois, la population immigrante, qui contribue largement à l’enrichissement culturel, social et économique du pays, ne devrait jamais avoir à faire face à autant d’injures. L’identité québécoise, que Legault le veuille ou non, s’est forgée au fur et à mesure des nouvelles arrivées, ce qui lui donne son caractère unique. Le Québec, comme toute autre province ou pays, n’a pas besoin d’un gouvernement qui le divise, mais qui le rassemble pour affronter, ensemble, les vrais problèmes. Problèmes qui ne sont certainement pas de savoir si vous êtes Québécois.e de souche ou non !



Inscrivez-vous à La Rotonde gratuitement !

S'inscrire