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Arts et culture

Que racontent les œuvres mal entretenues de l’Université d’Ottawa ?

Emmanuelle Gauvreau
12 novembre 2023

Crédit visuel : Emmanuelle Gauvreau — Cheffe du pupitre Arts et Culture

Chronique rédigée par Emmanuelle Gauvreau — Cheffe du pupitre Arts et Culture

S’asseoir quelque part sur le campus, pour étudier, peut-être. On réfléchit à comment on pourra faire une différence, un jour, peut-être simplement lors de nos cours. Se démarque-t-on ? Puis, on lève les yeux, à la recherche de motivation ; sur les murs, dans les parcs, sur les plafonds de l’Université d’Ottawa (U d’O) se trouvent quelques œuvres et installations d’art négligées.

L’art est peut-être subjectif, d’accord, mais s’il y a bien une chose que j’ai apprise, c’est que l’on est ce que l’on consomme. Cela ne se limite pas à la nourriture : les œuvres que l’on rencontre régulièrement affectent tout à fait notre quotidien.

Les œuvres d’art qui se trouvent à l’U d’O, pour la plupart, n’ont rien d’inspirant. Peut-être au point d’être négligées par l’Université elle-même. Plusieurs n’ont aucune enseigne de contextualisation pour les accompagner, en plus d’être placées à des endroits contre-intuitifs. Elles accumulent la poussière et les regards des étudiant.e.s qui, j’en suis persuadée, n’y restent pas longtemps accrochés.

Je vous amène avec moi pour faire un petit tour et recontextualiser certaines œuvres que vous pourriez avoir confondues pour de la décoration, ou simplement manquées en raison de leur emplacement.

L’initiative collaborative Le Canot de la réconciliation (2017) à STEM

C’est Marcel Labelle, fière personne algonquine et métisse qui a construit à l’aide d’étudiant.e.s, de professeur.e.s et d’employé.e.s de l’U d’O le Canot de la réconciliation, Nibi Aki, de treize pieds. Une initiative en réponse aux appels à l’action de la Commission de vérité et de réconciliation qui serait davantage touchante si le canot n’était pas placé au sol, caché derrière un divan dont le bleu tend vers le barbeau et le pastel !

Sculpture massive Connectivi-T (2017-2018) par Hélène Rochette au Carrefour des apprentissages

La sculpture Connectivi-T par la sculptrice québécoise Hélène Rochette, occupe toute la hauteur du Carrefour des apprentissages. L’université peut être un parcours sinueux pour certain.e.s et l’œuvre composée principalement d’aluminium naturel et anodisé en est une fidèle représentation. « Les jonctions colorées sont l’expression des rencontres interdisciplinaires et humaines qui favorisent les échanges d’idées et qui caractérisent les fondements du développement de la connaissance universitaire », peut-on lire sur l’enseigne de l’U d’O. L’œuvre est immense, ses couleurs se fondent au décor et son placement devant les escaliers prédestine bel et bien la communauté uottavienne à une commotion cérébrale…

Nouvelle murale extérieure Pond (2023) par Kellen Hatanaka à l’extérieur de Montpetit

Pond (2o23), par l’artiste torontois Kellen Hatanaka, se veut une tentative d’« adoucir » et d’« harmoniser le paysage architectural qui l’entoure », peut-on lire sur l’enseigne installée la semaine dernière. On y observe des poissons aux airs ludiques dans un étang, ce « lieu de contemplation ». Un ajout coloré qui détonne en effet avec le gris austère qui recouvre les bâtiments de l’U d’O, mais qui n’honore pas le reste du travail de l’artiste en raison du manque de figures humaines et des proportions étroites du mur.

Les petites vagues blanches au plafond des couloirs entre Montpetit et Morisset

Dans les plafonds des couloirs entre Montpetit et Morisset se trouvent des sculptures ondulées blanches qui rappellent un peu des anguilles ou des tagliatelles oubliées dans l’eau bouillante. Tentent-elles de contribuer à la circulation des étudiant.e.s, d’aider la circulation d’idées ? Mystère ! Ce que l’on sait toutefois est qu’elles sont à certains endroits étrangement cachées.

Graffitis sur toiles par Mique Michelle dans le sous-sol de Simard

Si ce n’était pas de son style unique et de sa popularité comme artiste de graffiti en Ontario français, il n’y aurait aucun moyen de savoir que les trois œuvres mal cadrées côte à côte et cachées dans le sous-sol de Simard sont de Mique Michelle. Pas de titre ni de détail pour décrire ces trois portraits des personnes disproportionnées, traversées par ce qui semble être des feuilles et des jets colorés.

Une chaise à l’hommage de Félix Leclerc (2008) devant le Monument de la Francophonie de l’Ontario

La sculpture par Michel Goulet n’est pas là pour qu’on s’y assoie, même si son placement incite les passant.e.s au contraire. Sur son siège, un poème de Félix Leclerc, auteur-compositeur-interprète, poète, écrivain, acteur québécois et militant engagé du Québec qui a étudié au Juniorat Sacré-Coeur ainsi qu’à l’Université d’Ottawa entre 1928 et 1933. Serait-elle placée à un endroit de même à tenter une réconciliation entre les souverainistes et les francos-ontarien.n.es ?

Les œuvres de Katerina Mertikas à Fauteux

Les murs de Fauteux ont un peu plus d’uniformité que les autres bâtiments. On y trouve une collection de peintures à l’huile sur toiles par l’artiste visuelle gréco-canadienne Katerina Mertikas, dont on reconnaît le style par ses bonshommes ludiques sans visage sur paysages canadiens. Un visuel se mariant à merveille à toutes les affiches de sensibilisation pour la santé mentale qui inondent les mûrs du pavillon pour étudiant.e.s en droit, mais qui promet un torticolis en raison de son placement en hauteur.

La question se pose : quel type d’image l’U d’O tente-t-elle de refléter d’elle-même au travers de son art ? Quel message envoie-t-elle ? Les œuvres qui s’y trouvent sont peut-être des dons pour la plupart, mais elle pourrait faire un effort pour faire du campus un lieu propice à rêvasser, à s’inspirer et à pousser les limites du possible ! Son choix d’œuvre, son entretien et ses emplacements portent à se questionner si elle ne perçoit pas sa population comme étant, elle aussi, une simple décoration mal entretenue.

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