Crédit visuel : Camille Cottais – Rédactrice en chef
Éditorial rédigé par Camille Cottais – Rédactrice en chef
Semaine d’intégration à l’Université d’Ottawa (U d’O) organisée par et pour les étudiant.e.s, la Semaine 101 a cette année encore rassemblé des centaines de nouveaux visages en quête d’appartenance. Mais derrière la façade festive et les rituels d’initiation se cache une réalité plus complexe. Comme guides, membres des associations étudiantes ou simples spectateurs de cette célébration, il est grand temps de mener une introspection sur les véritables enjeux, excès et limites de cette semaine d’intégration à l’Université.
La Semaine 101 offre une occasion d’intégration à l’Université, favorisant l’émergence de liens sociaux et d’un fort sentiment d’appartenance. Néanmoins, il est important de souligner que cette expérience n’est pas incontournable. En réalité, pour beaucoup d’entre nous, nos amitiés se sont forgées en dehors de cet événement, au fil des années passées sur le campus.
Plusieurs membres de La Rotonde n’y ont d’ailleurs jamais participé, que ce soit en raison d’une absence d’association étudiante dynamique, d’activités incompatibles avec leurs horaires de cours, d’un désintérêt pour le type d’événements proposés, ou tout simplement parce qu’ils.elles ignoraient l’existence même de cette semaine d’intégration. Pour celles et ceux d’entre nous qui y ont pris part, trois limites majeures sont apparues : l’impact écologique des trousses, l’accessibilité des activités, ainsi que la place du français.
Français, où es-tu ?
Cette année, il semble qu’il y ait eu des améliorations significatives au niveau des guides, avec une présence du français plus accrue. Dans certaines associations, la majorité des guides étaient même francophones. De plus, chaque guide francophone portait un macaron pour faciliter son identification — une initiative louable mise par la Commissaire aux affaires francophones du Syndicat étudiant de l’U d’O (SÉUO).
Pourtant, ne nous laissons pas abuser par ces apparences. Malgré des efforts certains, les événements ont majoritairement eu lieu en anglais. Mentionnons le cas de la cérémonie d’ouverture : au cours de celle-ci, à l’exception notable de la co-présidente de l’Association des étudiant.e.s autochtones, les intervenant.e.s se présentaient dans les deux langues, puis continuaient leur discours exclusivement en anglais. Même les francophones ont adopté cette dynamique, à l’instar de la présidence du Syndicat.
Et que dire de Franco-Fête, censée célébrer la francophonie ? Malgré de bonnes intentions, ce fut un véritable flop : un très petit nombre d’étudiant.e.s de première année ont daigné s’y rendre. L’horaire choisi, le vendredi pendant de nombreux cours, ainsi que le peu d’activités proposées, ont contribué à son échec. Il incombe aux francophones de réclamer leur place dans les activités du campus, en français, sans que cela ne relève d’un événement séparé.
Bref, malgré les efforts visibles déployés par la Commissaire aux affaires francophones et son équipe, l’anglocentrisme reste profondément enraciné, surtout au sein de notre Syndicat étudiant bien-aimé. Demander aux francophones de se manifester s’ils.elles ont besoin d’une traduction ou leur offrir un résumé expéditif d’une longue discussion en anglais n’a absolument rien d’un véritable bilinguisme.
Bienvenue dans le monde de la précarité étudiante
L’accessibilité est un autre sujet qui mérite d’être abordé sans détour. Commençons par le coût des trousses, dont l’achat est obligatoire pour participer à la plupart des événements : généralement fixé entre 60 et 100 dollars, cet investissement peut sembler exorbitant, particulièrement pour les étudiant.e.s internationaux.ales qui doivent jongler avec de nombreux autres frais.
Nous exigeons donc une réelle transparence et une réévaluation des pratiques en matière de tarification des trousses. Car à l’heure actuelle, ce qui est mis en avant n’est pas la solidarité étudiante, mais plutôt une introduction cinglante à la précarité qui les attendra tout au long de leur parcours universitaire. Quoi de mieux pour accueillir nos nouveaux.elles étudiant.e.s que de leur faire découvrir les joies de la vie étudiante à travers des coûts exorbitants et une exploitation peu dissimulée ?
Il serait trop facile de blâmer uniquement les associations étudiantes. Ces dernières doivent se procurer les trousses du SÉUO, vendues à 35 dollars l’unité, avant d’y ajouter leurs propres objets puis de les revendre comme des produits de luxe aux étudiant.e.s de première année. Et comme il est quasiment impossible d’estimer le nombre de trousses réellement nécessaires, cela entraîne un gaspillage flagrant, tant d’argent que d’objets. En fait, beaucoup d’associations se retrouvent même dans le rouge après la Semaine 101.
S’intégrer en consommant
En matière d’écologie, la Semaine 101 se révèle être l’apogée du consumérisme par excellence à l’Université. Les étudiant.e.s se retrouvent à payer 100 dollars pour un baluchon contenant un chandail, une gourde, un décapsuleur, un verre à shot et autres accessoires inutiles qui finiront, soyons honnêtes, jetés dans une poubelle ou oubliés au fond d’un placard. Quelle belle façon de célébrer leur arrivée sur le campus que de les plonger la tête la première dans le tourbillon de la surconsommation !
Certes, nous saluons le fait que le Centre de développement durable du Syndicat tente de faire des miracles en offrant un service de mentorat aux associations pour concevoir leurs trousses de façon plus responsable. Mais ces efforts sont encore à la traîne et ne suffisent pas à masquer l’ampleur du problème. Nous nous demandons par exemple ce qui est fait de toutes ces trousses invendues. Pourquoi le Syndicat ne propose-t-il pas de racheter ces trousses supplémentaires aux associations pour alléger leur fardeau financier ? N’est-ce pas là une belle façon de maximiser les profits sur le dos des associations étouffées par des coûts déjà lourds ?
La Semaine 101 réinventée
Nous vous voyons déjà lever les yeux au ciel : « Il est bien beau de critiquer, mais que proposez-vous comme solutions ? ». Et pourtant, une alternative aux méandres de l’inaccessibilité et du surconsumérisme estudiantin existe déjà : bienvenue à la Semaine 101 alternative, également connue sous le nom d’ALT 101 Week pour nos ami.e.s anglophones, organisée par l’organisme à but non lucratif OPIRG-GRIPO depuis 2005.
En entrevue avec La Rotonde, Nina Tamara Barbosa Ponce, organisatrice de l’événement cette année, explique qu’il s’agit d’une alternative plus politique, plus écologique et plus accessible à la Semaine 101 traditionnelle. La semaine alternative est entièrement gratuite et propose des activités variées telles que la visite d’une ferme communautaire, un atelier de cuisine végétalienne, une visite des rues d’Ottawa centrée sur l’histoire des personnes noires, ou encore une séance d’art-thérapie au parc.
L’accessibilité – qu’elle soit financière, physique ou informationnelle – est le fil conducteur de ces événements, assure l’organisatrice. GRIPO s’efforce d’être « aussi écologique que possible », encourageant les étudiant.e.s à apporter leurs propres récipients et à éviter le gaspillage.
Il serait temps que les générations futures qui organisent la Semaine 101 s’inspirent de ces initiatives. Pourquoi se contenter de baluchons remplis de gadgets inutiles quand on peut célébrer l’intégration en cultivant des liens authentiques, et ce, sans détruire la planète ni vider les poches des étudiant.e.s ?