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Éditorial

Les universités pour dissiper l’écran de fumée

Rédaction
5 novembre 2018

Éditorial

Par : Mathieu Tovar-Poitras – Rédacteur en chef

La légalisation du cannabis au Canada le 17 octobre 2018 marquait la concrétisation d’un projet tant attendu pour certains et tant décrié par d’autres. En ce moment, ce qui retient l’attention est la pénurie du produit. Toutefois, ce changement de politiques ouvre plus que des portes de succursales.

La décision du gouvernement fédéral de légaliser la consommation de marijuana a fait du Canada une figure de proue à l’international quant à ce dossier. En effet, la prise de position canadienne s’immisce dans un courant mondial qui dure déjà depuis plusieurs années. Depuis la décision de l’Uruguay de légaliser la production, la distribution et la consommation de cannabis en 2013, l’État sud-américain est devenu un modèle, mais aussi un échantillon expérimental aux yeux des autres pays.

Sans négliger le contexte sociohistorique de cet acteur qui a été victime du trafic de narcotiques, les structures ambitieuses qu’a instaurées le président de l’époque, José Mujica Cordano, sont rapidement devenues les sujets d’analyses multidisciplinaires. Chaque pays semble avoir adopté des approches et des mécanismes sensiblement différents.

Les Pays-Bas, emblème de la culture populaire entourant le cannabis, n’ont pas en réalité légalisé le produit (surprise). Les normes adoptent plutôt une approche centrée sur la tolérance, malgré qu’un mouvement visant une légalisation ait émergé durant les dernières années. Aux États-Unis, le cannabis est toujours illégal au niveau fédéral, mais certains États ont régi autrement sur leur territoire.

Tout récemment, la Cour suprême du Mexique a jugé comme étant inconstitutionnelle l’interdiction catégorique de consommer du cannabis en permettant à deux plaignants le droit d’en prendre à des fins récréatives. Bien entendu, ce sera au législateur mexicain de régir ou non vers la concrétisation de la légalisation. La décision du tribunal ouvre toutefois la voie vers des changements d’envergure.

Le Canada a quant à lui adopté une approche centralisée dans la légalisation du produit, mais décentralisée dans la mise en œuvre ainsi que les normes encadrant le système. Conformément au principe du fédéralisme canadien, les provinces se sont vues accorder, entre autres, les responsabilités liées à la vente et les municipalités ont un certain droit de regard sur la vente et la consommation sur leur territoire.

Enjeu multidisciplinaire

D’un point de vue académique, ce mécanisme est une mine d’opportunités. La section common law de la Faculté de droit de l’Université d’Ottawa a rapidement identifié cela en annonçant la création d’un cours intensif sur les lois régissant le cannabis. Offert dès 2018-2019, l’objectif de ce cursus est de préparer les futurs juristes à cette nouvelle réalité et à combler un certain vide doctrinal. Toutefois, ce cours n’est qu’un exemple d’initiatives adoptées pour développer les connaissances en lien avec le dossier.

L’aspect légal étant une dimension évidente, il serait pourtant ridicule d’ignorer les impacts de cette réalité sur d’autres disciplines. Les ramifications de la légalisation s’étendent vers des horizons allant des sciences pures à l’informatique, en passant par les arts.

Prenons la sphère informatique qui s’avère particulièrement intéressante dans ce contexte. Les modèles de vente légale au Canada ont adopté les plateformes en ligne comme véhicules premiers de ce commerce. En revanche, ce dernier pourra être développé davantage compte tenu de la réplication de ces plateformes ainsi que le développement de ce modèle de vente. Les universités canadiennes devraient être des vecteurs premiers de ce développement sectoriel.

D’un point de vue entrepreneurial, les écoles de gestion pourraient s’inspirer de ces modèles pour développer chez leurs étudiant.e.s des approches alternatives. En effet, que ce soit du point de vue de la production, de la distribution, de la publicité ou de la rentabilité, des pistes défiant les conventions peuvent — et doivent — être explorées davantage.

Le modèle d’affaires des compagnies et entreprises liées au commerce légal peut être extrapolé afin que certains de leurs éléments viennent enrichir le bagage théorique et les formes d’application concrètes de ces principes.

Aux universités d’être aventureuses

Dans tous les cas, l’optique ne doit pas seulement être centrée sur le contexte canadien. Se limiter à ce critère spatial mènerait à un appauvrissement intellectuel étant donné que la pluralité de modèles à travers le monde permet non seulement d’élargir nos champs de référence, mais aussi de confronter nos idées et nos structures. D’un point de vue utilitariste, cette confrontation d’idées permet de faire évoluer la société en remettant en question les fondements de notre pensée.

Ce développement intellectuel et social peut provenir de partout et de n’importe qui. Les universités ont toutefois la responsabilité d’être une marmite d’idées qui, parfois, se confrontent. Toutefois, tel que dans le cas du commerce de cannabis, elles doivent développer les filons inexploités pour enrichir la diversité et la profondeur des idées.

La mise en place de cours spécialisés, la création de programmes ou tout simplement une intégration dans les syllabus permettraient de développer les connaissances liées à cette réalité. Des éléments transversaux pourront ensuite être intégrés au sein d’autres domaines.

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