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Arts et culture

Lutter pour une société basée sur plus d’accessibilité

Culture
22 mars 2021

Crédit visuel: Nisrine Nail – Directrice artistique

Article rédigé par Aïcha Ducharme-LeBlanc – Cheffe de pupitre Arts et culture

Le terme anglophone ableism, ou capacitisme en français, désigne la discrimination subie par les personnes en situation de handicap. Selon la BBC, il met un mot sur ce préjudice de plus en plus observable aujourd’hui, et ancré dans les structures des institutions modernes. Deux expert.e.s reviennent sur les origines de cette marginalisation, et donnent des pistes pour y remédier. 

Michael Orsini, professeur à l’Institut d’études politiques et à l’Institut d’études féministes et de genre à l’Université d’Ottawa, et Susanne Commend, chercheure sur l’histoire du handicap, remarquent que les expériences des personnes en situation de handicap sont trop souvent mises de côté. Les spécialistes tiennent avant tout à signaler qu’il.elle.s ne peuvent pas parler au nom de l’ensemble de la communauté des personnes ayant un handicap, mais tendent à élaborer une étude critique de la situation actuelle. 

Lutte historique

L’histoire de cette communauté marginalisée est souvent méconnue, mais elle est empreinte d’une volonté de ses membres à se battre pour être considéré.e.s comme des citoyen.ne.s à part entière, partage Commend. Les avancées pour les droits des personnes avec un handicap remontent aux deux guerres mondiales, alors que de nombreux soldats revenaient du front avec de graves blessures. 

« C’est un peu paradoxal, car il y a eu énormément de mort.e.s et de pertes, mais les blessures [des survivant.e.s] ont fait en sorte que les gens s’intéressent à la manière de réhabiliter les vétéran.e.s de guerre », révèle Commend. C’est à partir de ce moment que plusieurs efforts ont été entrepris pour réadapter les blessé.e.s afin qu’ils.elles réintègrent la vie sociale. 

À partir des années 60, dans le sillage des luttes féministes et des droits civiques, un mouvement de défense des personnes en situation de handicap a émergé. Celui-ci revendiquait l’inclusion sociale ainsi que le droit à l’autonomie et à la pleine participation en société pour tou.te.s. Selon Commend, une des demandes les plus importantes de ce mouvement était le changement des lois pour « accepter, et permettre à ces personnes de vraiment intégrer la société ». 

Certaines lois ont depuis été modifiées, et d’autres, comme la Loi canadienne sur l’accessibilité, ont été promulguées. Malgré ces progrès, la discrimination à l’égard des personnes vivant avec un handicap persiste d’après Orsini et Commend, notamment dans les mentalités de la population générale. 

Discrimination banalisée 

Selon Commend, l’idée de la capacité d’une personne ne doit pas être considérée uniquement en termes de ses aptitudes ou ce qu’elle peut faire, mais doit aussi tenir compte des obstacles que la société lui impose. « Si une personne aveugle vivait dans un pays où il y avait juste des personnes aveugles, elle ne serait pas “handicapée” », rappelle-t-elle. 

Orsini, quant à lui, explique que le capacitisme réfère à un système d’oppression qui discrimine les personnes en situation de handicap, les percevant comme étant en dehors de la norme valide, qui est imbriqué dans les structures des institutions sociétales. Dans le domaine du droit, par exemple, le débat sur le projet de loi C-7 sur l’aide médicale à mourir pose souvent la question de la qualité de vie des personnes avec un handicap, notamment vis-à-vis de leur dépendance à d’autres personnes. « Le fait qu’une personne ait besoin d’un peu d’aide avec quelque chose ne veut pas forcément dire qu’elle manque d’une qualité de vie », revendique-t-il. 

Le professeur ajoute que le capacitisme est très répandu dans les universités, où l’on présume que tou.te.s les étudiant.e.s ont les mêmes capacités pour étudier et remettre des travaux dans un délai de temps donné. Il observe que « même s’il y a des accommodements [offerts pour certain.e.s étudiant.e.s], il existe une manière par laquelle le système [éducationnel] renforce l’idée qu’il existe un.e étudiant.e “normal.e” ». 

Pour les deux expert.e.s, les questions relatives à l’accessibilité et aux droits des personnes en situation de handicap ne sont pas correctement appréhendées. D’une part, Orsini souligne qu’il est plus facile de reconnaître le besoin d’accessibilité pour des handicaps physiques et visibles que pour ceux qui sont invisibles tels que les problèmes de santé mentale, dont la compréhension est moindre. D’autre part, Commend appuie que des sujets tels que la maternité ou encore la sexualité des personnes en situation de handicap demeurent encore très tabous. 

Induire un changement 

Il reste beaucoup de travail à faire pour atteindre la pleine reconnaissance des droits des personnes avec un handicap, concèdent Orsini et Commend. Les deux insistent cependant sur le fait qu’il est possible de faire une différence grâce à des actions individuelles avec une approche intersectionnelle, qui prend en considération le chevauchement de plusieurs systèmes d’oppression, tels que le racisme, le sexisme, le classisme et le capacitisme. 

Orsini met l’accent sur l’importance de mettre en lumière la voix et les perspectives de ces personnes. « Il faut poser des questions aux concerné.e.s, comme : “Qu’est-ce qui peut rendre [cet endroit, cette situation] plus accessible pour vous ?” », suggère le professeur. 

À son tour, Commend croit en une éducation centrée sur l’acceptation des différences dès le plus jeune âge, comme étant la meilleure façon de défaire les préjugés concernant les variétés de handicaps qui existent. La chercheure rappelle également qu’il faut toujours être vigilant.e et accorder une attention aux droits des personnes, surtout des plus marginalisé.e.s, parce qu’ils sont toujours à risque d’être ébranlés. Elle affirme fermement qu’il est essentiel pour la population de se rappeler que les personnes en situation de handicap sont aussi dignes que le reste de la population et, par conséquent, devraient aussi jouir d’autant de droits et de libertés.

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