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Éditorial

Quand vient le temps des remboursements 

Rédaction
5 octobre 2020

Crédit visuel : Nisrine Nail – Directrice artistique

Par Caroline Fabre – Rédactrice en chef 

Si le gouvernement canadien s’est montré financièrement clément envers les étudiant.e.s entre mars et septembre, le mois d’octobre marque la fin de cette bienveillance. Terminés les lattés épicés à la citrouille, terminés les décorations et costumes pour Halloween, terminés les trajets en trottinettes électriques ; l’heure est maintenant au remboursement des prêts étudiants.

Mis en place le 30 mars dernier, le moratoire de six mois concernant le remboursement des prêts d’études canadiens est arrivé à expiration le 30 septembre. Les mesures, telles que la Prestation Canadienne d’Urgence Étudiante (PCUE) et la Prestation Canadienne d’Urgence (PCU) ont également pris fin au même moment. Ce sont plusieurs centaines de milliers d’étudiant.e.s qui se retrouvent sans aide financière, submergé.e.s par ces remboursements.

Charge mentale démesurée 

Le gouvernement avait annoncé vouloir « faciliter la vie des personnes qui doivent rembourser une dette d’études et qui sont touchées par la situation exceptionnelle provoquée par la COVID-19 », tel que rapporté par Radio Canada. En tout, près de neuf milliards de dollars ont ainsi été alloués aux mesures de soutien financier pour les étudiant.e.s durant cette période de crise sanitaire.

Alors d’où vient l’urgence de demander un remboursement dès maintenant ? Est-ce qu’il ne serait pas possible de retarder un peu cette échéance ? Certes, nous ne savons pas comment la pandémie évoluera, mais les études sont déjà anxiogènes, et elles le sont encore plus avec la COVID-19. 

Le gouvernement a facilité temporairement la vie des personnes qui doivent rembourser leur dette d’études, c’est bien vrai. Mais ce n’était que pour la compliquer maintenant. Tant que le virus ne s’est pas arrêté, l’aide doit continuer. 

Reculer pour mieux sauter, comme dit le proverbe. Mais est-ce que les étudiant.e.s seront capables de sauter ? Il est fort possible que non. Les charges de travail ont considérablement augmenté, il y a plus de travaux à rendre, de lectures à faire, de vidéos à visionner, confiaient plusieurs étudiant.e.s à La Rotonde, la semaine passée. Ces dernier.ère.s n’ont pas besoin de source supplémentaire d’anxiété, surtout puisque l’« un des groupes d’âge les plus vulnérables aux problèmes de santé mentale est celui des 15 à 24 ans, la clientèle typique des universités et des collèges », constatait la Fédération des étudiantes et étudiants du Campus universitaire de Moncton.

Entre 2005 et 2015, l’Ontario comptait parmi les provinces « affichant les dettes d’études les plus élevées – la moyenne s’élevant à plus de 28 000 $ », clamait la Fédération canadienne des étudiantes et étudiants (FCÉÉ). Comment demander à des étudiant.e.s, qui ont déjà en moyenne 28 000 $ de dettes avant même de se lancer dans la vie active, de rembourser ce montant astronomique, le tout durant une crise sanitaire sans précédent ?

« En 2012-2013, plus de 470 000 étudiantes et étudiants ont été obligés d’emprunter pour financer leurs études. », partageait également la FCÉÉ. Leur demander de rembourser leurs prêts d’études reviendrait à condamner leur santé mentale, afin de privilégier l’argent. Mais bon, ne vivons-nous pas dans une société capitaliste, après tout ?

Instabilité actuelle

La capitale canadienne est officiellement entrée dans sa seconde vague du virus, annonçait Vera Etches, médecin hygiéniste de Santé publique Ottawa, le 18 septembre dernier. Ce constat témoigne à lui seul de l’instabilité de la situation. L’économie risque d’être, à nouveau, frappée de plein fouet. Celles et ceux qui ont eu la chance de s’en sortir face à la première vague, ne résisteront peut-être pas à la deuxième. Certain.e.s d’étudiant.e.s n’ont pas récupéré  leur emploi suite à cette dernière, d’autres travaillent beaucoup moins qu’initialement prévu. Comment trouver les ressources nécessaires pour rembourser ce-dit prêt avec un salaire réduit, voire inexistant ? Gouvernement, nous comptons sur toi.

Les temps instables nécessitent des mesures prises en conséquence, à commencer par des mesures financières ; aider les quelques étudiant.e.s endetté.e.s semble plutôt raisonnable. Le Canada est un pays économiquement prospère ; son produit intérieur brut par habitant était de 46 000 en dollars américains, en 2018. Quelques centaines de millions de dollars ne feront pas la différence pour l’État, mais ils le feront définitivement pour les étudiant.e.s.

Aide étiolée

Certains gouvernements provinciaux ont décidé de venir en aide à leurs citoyen.ne.s. La Nouvelle-Écosse a, par l’entremise de son programme N.S. Loan Forgiveness Program, pris en charge « environ 8 millions de dollars de prêts étudiants à plus de 1 000 étudiants néo-écossais qui ont obtenu leur diplôme dans une université de la province cette année »,  précisait Global News. L’Ontario ne pourrait-il pas en faire de même ?

Certaines universités ont également prévu des fonds d’aide d’urgence pour leurs étudiants ; c’est le cas de l’Université Laval, ou de l’Université du Québec en Outaouais. À l’Université d’Ottawa, plusieurs fonds d’urgence ont été mis en place par une multitude d’acteurs, notamment le Syndicat étudiant de l’Université d’Ottawa, ou l’Association des étudiant.e.s diplômé.e.s.

Aux États-Unis, le président Donald Trump a annoncé la suspension des intérêts et des paiements des prêts étudiants fédéraux jusqu’au 31 décembre 2020, en évoquant la possibilité d’une reconduite. Le Canada pourrait surement en faire de même. 

En guide de solution, la FCÉÉ propose, entre autres, de « réaffecter immédiatement les 900 millions de dollars de l’inefficace Bourse canadienne pour le bénévolat étudiant (BCBE) à l’élargissement de la PCUE à 2 000 dollars par mois. [Elle propose également] qu’elle soit prolongée au moins jusqu’en décembre, et que les critères d’admissibilité soient élargis aux étudiant,e.s, nouveaux.elles diplômés et diplômées internationaux.ales. »

Ces aides permettraient aux étudiant.e.s de pouvoir subsister jusqu’à la fin de 2020. Et ce n’est définitivement pas négligeable pour l’une des communautés les plus touchées par la COVID-19, et, malheureusement, bien trop souvent ignorée.

Catégorie oubliée

La population étudiante au Canada représente 1,4 million d’inscrit.e.s aux études post-secondaires en 2019 ; environ 642 500 sont étudiant.e.s étranger.ère.s selon Universités Canada et le Bureau canadien de l’éducation nationale.

Alors, comment expliquer que cette partie de la population ait été délaissée ? Boudée lors du Discours du Trône cette année, elle n’avait pas non plus été incluse « dans le programme initial et n’ont pas été soutenu[e] de manière adéquate par la PCUE », déplore la FCÉÉ. Cette dernière s’insurge  également, accusant le gouvernement d’avoir « négligé ou failli de soutenir adéquatement les besoins financiers des étudiantes et étudiants. »

Les étudiant.e.s internationaux.ales occupent la première place du podium des grand.e.s oublié.e.s du COVID-19, puisque la PCUE ne leur a même pas été accordée. Et quant aux diplômé.e.s de 2019, « ils n’ont pas eu accès à tous les avantages offerts à leurs pairs canadiens. »

Il ne reste à la communauté étudiante qu’à attendre, et espérer que ses demandes soient entendues par le gouvernement. Dans le cas contraire, la deuxième vague se pourrait fatale, dans tous les sens du terme.

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