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Éditorial

L’argent, frein à la liberté d’expression ?

Rédaction
3 février 2020

Crédit visuel : Andrey Gosse – Directeur artistique

Par Caroline Fabre – Rédactrice en chef

La liberté d’expression est l’un des principes fondamentaux de la démocratie. Ce droit inscrit dans la constitution est, depuis la semaine dernière, au coeur des discussions à l’Université d’Ottawa (U d’O), en raison d’une exposition organisée au sein du campus.

Baptisée La psychiatrie : une industrie de la mort, l’exposition mise en place par La Commission des citoyen.ne.s pour les droits de l’homme (CCDH) a provoqué l’insurrection de bon nombre d’étudiant.e.s.

Valeur fondamentale ?

L’an passé, Doug Ford, premier ministre de l’Ontario annonçait une politique sur la liberté d’expression mise en place à travers les collèges et les universités de la province, avant le premier janvier 2019. Un an après, l’Université s’est pliée à la règle, et a constitué un règlement via l’aide d’un comité d’expert.e.s. Elle fournit donc, de façon annuelle, un rapport sur la liberté d’expression sur le campus.

Sur son site internet, l’U d’O elle-même, établit que « sa valeur la plus fondamentale est celle de la liberté académique. Elle prise et protège la liberté d’enquête et la liberté d’expression sous toutes ses formes ». 

Et c’est pour cette raison qu’elle a donné la permission à la CCDH de mettre en place son exposition, aussi dérangeante et malsaine soit-elle. En effet, selon un article du National Post, l’Université « ne cherche pas à protéger sa communauté contre des opinions controversées ou répréhensibles ni ne permet d’interférer avec la libre expression de tout le spectre de la pensée humaine, dans les limites qui lient l’Université en vertu des lois canadiennes et ontariennes ». Mais est-ce bien sage quand l’exposition dérange, à ce point ?

Quelle défense ?

Une pétition a été mise en ligne par Avery Monette, étudiante à l’U d’O, sur la plateforme change.org, le 27 janvier dernier, en contestation à l’exposition. Malgré le nombre imposant de signatures recueillies, la démonstration s’est déroulée jusqu’au vendredi 31 janvier, c’est-à-dire dans son intégralité.

Trois souhaits étaient exposés sur le site internet : « Que l’Église de Scientologie et ses affilié.e.s, [y compris la CCDH], se voient interdire d’organiser des présentations, des séminaires, des expositions ou des réunions/sessions d’information sur le campus. Que l’U d’O établisse un comité pour résoudre le problème criant des services de santé mentale sur le campus, et que ce comité soit composé d’étudiant.e.s de premier et deuxième cycle en plus des membres approprié.e.s de l’administration. Enfin, que l’U d’O prenne des mesures décisives contre les groupes qui diffusent des informations erronées aux étudiant.e.s et adopte des mesures préventives pour s’assurer que ce genre d’événement ne se reproduise plus jamais ». 

Dans un communiqué officiel émit par courriel, l’Université a expliqué qu’« elle [connaissait] l’existence de cette exposition et [n’appuyait] aucunement les positions véhiculées par la CCDH », mais qu’elle resterait jusqu’à la fin de la « semaine au nom de la liberté académique ». Selon CBC News, le recteur Jacques Frémont a, par ailleurs, avoué que « la CCDH n’avait pas été claire sur son message lorsqu’elle a demandé à louer l’espace. » L’Université se serait-elle fait avoir au jeu de la liberté d’expression ? 

Droit constitutionnel

Alors, pourquoi ? Oui, pourquoi autoriser cette exposition jusqu’au bout, en connaissant l’impact qu’elle avait sur les étudiant.e.s, ces derniers, allant jusqu’à manifester pour prouver leur mécontentement ? Serait-ce, une énième fois, une question d’argent ? Car oui, l’Université a bel et bien été rémunérée pour la location de cet espace. Selon le Ottawa Citizen, elle « n’a pas non plus répondu à une demande d’information à ce sujet » ; il en est de même pour la porte-parole de la CCDH, Wendy Robinson.

Encore et toujours ce sempiternel rapport à l’argent, devenu l’excuse favorite de l’Université depuis quelques temps. Pas de services en santé mentale adéquats ? C’est parce qu’il n’y a pas de budget. Coupures dans différents départements ? Toujours pas de budget. Accueillir une religion, au sein d’une université censée être laïque ? Pourquoi pas, si rémunération il y a. 

Les représentant.e.s de l’Église de Scientologie se sont, de plus, montré.e.s agressifs avec les étudiant.e.s manifestant ce mardi, nous confiait un membre de l’équipe de La Rotonde, après avoir tenté d’obtenir une entrevue pour un article.

Pour une religion qui prône « l’étude et de l’amélioration de l’être spirituel dans ses relations avec lui-même », c’est un comble. Notre relation à nous-mêmes semble donc devoir être conflictuelle, et agressive. Bel exemple.

Mais d’ailleurs, l’Université ne devrait-elle pas protéger les étudiant.e.s contre les menaces extérieures ? Ces comportements hostiles à notre égard ne sont-ils pas assez agressifs pour que nous soyons réellement en danger ? Outre la menace physique et verbale, il y a l’endoctrinement, les propos injurieux à l’égard des professionnel.le.s de la santé mentale, et les multiples mensonges présentés. Peut-être que les représentant.e.s ne savaient pas s’y prendre, et ont semblé hostiles, sans le vouloir ? C’est une hypothèse ; dommage que la sécurité ait été déplacée dans le centre universitaire, alors. 

D’après le célèbre adage « La liberté des un.e.s s’arrête là où commence celle des autres », il semblerait pourtant que nos libertés aient, une fois de plus, été mises de côté. Mais nous avons l’habitude, maintenant. Dommage que ce soit au détriment d’une religion basée sur des mensonges.

La liberté d’expression est-elle donc réductible à une poignée de dollars ? Il semblerait que oui.

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