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Créer un monde plus juste avec Christiane Taubira

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31 janvier 2021

Crédit visuel : Université d’Ottawa – Contribution 

Article rédigé par Thelma Grundisch – Journaliste

Cela fait maintenant 20 ans que la Loi Taubira reconnaissant la traite et l’esclavage comme des crimes contre l’humanité a été adoptée par le gouvernement français. Ce mercredi 27 janvier, l’ancienne ministre de la Justice française Christiane Taubira, initiatrice de la loi éponyme, s’est livrée à la communauté étudiante de l’Université d’Ottawa (U d’O) à l’occasion de la conférence Restaurer les mémoires douloureuses et reconnaître nos différences. 

Dans cette cinquième édition des conférences de la famille Singh, la Faculté des sciences sociales a convié Madame Taubira à venir partager son expérience politique dans le cadre d’un entretien avec Abdoulaye Gueye, professeur de sociologie à l’U d’O. C’est au lendemain de l’incident à caractère raciste, de la création d‘un comité d’action, et de l’annonce de nouvelles mesures contre le racisme par le recteur et vice-chancelier Jacques Frémont, qu’elle s’est exprimée quant au racisme et à la façon d’aborder les mémoires douloureuses. Karine Coen-Sanchez, étudiante au doctorat en sociologie, et Alexandra Karabatsos, étudiante au doctorat en anthropologie à l’U d’O, ont aidé Gueye à préparer la conférence, et la série d’événements qui en découleront. 

Un discours d’expérience …

Femme politique de gauche, ancienne députée de Guyane pendant près de 20 ans, et garde des Sceaux sous la présidence de François Hollande, Madame Taubira est une femme qui se bat, comme elle l’a elle-même rappelé pendant la conférence. « J’ai fait de ma vie une lutte, un combat, j’ai choisi des valeurs, des idéaux que j’essaie de faire vivre », a-t-elle affirmé. Ses accomplissements sont nombreux, mais les plus notables restent la Loi Taubira en 2001, et la légalisation du mariage homosexuel en France en 2013.

Interrogée sur ce que représentent les mémoires douloureuses, Madame Taubira a fait remarquer que tout le monde sait ce que ces mots désignent, mais surtout à qui ils font référence, soient « les minorités, des personnes vulnérables ou faibles ». C’est de là que vient le problème, ce « fardeau doloriste » porté par les personnes racisé.e.s n’a pas lieu d’être selon elle, et il faudrait s’en débarrasser pour anéantir ses effets handicapants. Pour l’ancienne ministre, ces personnes ne sont pas des vaincu.e.s mais, au contraire, des vainqueur.euse.s, qui ont su lutter contre l’oppression et le racisme, et devraient être reconnu.e.s comme tel.le.s. Il s’agit donc de se libérer d’une identité construite par l’histoire, racontée et écrite par les colonisateur.rice.s depuis toujours, a-t-elle expliqué.

En réponse à une question posée sur le thème de la différence, elle a demandé « des différences par rapport à qui ? À quoi ? À quelles normes ?». L’ancienne ministre a finalement expliqué que la différence est une réalité du monde et de l’espèce humaine ; cette diversité est une chance inouïe qui doit être encouragée, et non rejetée par les nouvelles générations. 

… et d’éloquence … 

Tatiana Haustant, étudiante en science politique et administration publique à l’U d’O soutient que « peu importe d’où l’on vient, l’esclavagisme et la traite négrière nous concerne tou.te.s, et c’est très important de sensibiliser tout le monde ». Originaire de Martinique, où Madame Taubira est toujours perçue comme une figure emblématique, Haustant insiste sur l’importance d’avoir ce genre de représentations aujourd’hui. Une telle « figure intellectuelle avec autant d’éloquence et de vécu », marque selon elle la question de légitimité et de transmission du savoir.

Karabatsos trouve qu’il est primordial de réfléchir aux sujets abordés dans la conférence, même s’ils sont parfois dérangeants. « Ce sont souvent des souvenirs mis de côté ou même activement réduits au silence », souligne-t-elle. Qualifiant ce discours d’« inspirant et libérateur », Coen-Sanchez ajoute qu’il est crucial de maintenir ce type de discussion au Canada, surtout sur le campus de l’U d’O. « [Madame Taubira] nous a orienté.e.s pour que, en tant que jeunes, nous puissions faire nos propres recherches sur les mémoires et le mouvement de la négritude », affirme Haustant.

… tourné vers l’avenir

L’invitée de la conférence s’est adressée à la nouvelle génération en lui donnant des conseils pour l’avenir. Elle a demandé à ce que les jeunes ne se concentrent plus sur la logique de réconciliation, mais plutôt « qu’ils.elles se vivent pleinement dans le monde, et n’autorisent personne à les renvoyer dans une case ou à les traiter avec pitié », car rien ne leur est interdit. Il s’agit pour elle de remettre en question ce qui a toujours été appris et d’apporter sa part à l’histoire avec plus de « fraternité, de compassion et de beauté ».

En l’occurrence, plusieurs ateliers seront tenus à la suite de l’événement avec des élèves de secondaires ainsi que des étudiant.e.s qui souhaitent participer à un concours d’écriture en lien avec la conférence. Les participant.e.s pourront y aborder plus en détail le thème de la conférence et devront rédiger un essai de maximum 1000 mots pour remporter des prix s’élevant jusqu’à 1000 $.

La conférence sera bientôt disponible sur YouTube sur la page de la Faculté des sciences sociales pour celles et ceux qui l’auraient manquée, ou qui voudraient participer au concours organisé autour de l’évènement. Karabatsos espère que la conversation pourra se poursuivre au sein de la communauté uottavienne afin de prendre les mesures appropriées pour mettre en place un campus sécuritaire pour tou.te.s.

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