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Arts et culture

Danse contemporaine et amour (virtuel) de la scène

Culture
21 avril 2021

Crédit visuel : École secondaire publique De La Salle – Contribution  

Entrevue réalisée par Anna Meurot – Journaliste

Originaire d’Ottawa, Alec Charbonneau est en voie de devenir danseur professionnel. Après avoir débuté sa formation dans la capitale il y a cinq ans, il partage aujourd’hui son expérience, explorant les fondements de sa passion pour l’art, sa place dans le milieu, et les difficultés liées à la pandémie.

La Rotonde (LR) : Quel est votre parcours dans le milieu de la danse contemporaine ?

Alec Charbonneau (AC) : Je n’avais aucune idée que je voulais poursuivre un parcours dans la danse, c’était vraiment un choix d’instinct et autonome. En huitième année j’ai commencé à étudier à l’École secondaire publique De La Salle, [qui possède un programme baptisé] le Centre d’excellence artistique de l’Ontario [et] offre différentes concentrations artistiques dans la peinture, les arts visuels, mais aussi les arts de la scène comme le théâtre et la danse. J’ai donc auditionné dans cette dernière catégorie. 

Puis, j’ai dû faire un choix pour mon éducation postsecondaire. Je voulais déménager à Montréal parce que c’est une ville francophone et un milieu de danse contemporaine bien établi, diversifié et multiculturel. Après deux rondes d’auditions, j’ai été accepté et j’étudie maintenant à l’École de danse contemporaine de Montréal. J’étudie à plein temps en première année, dans une petite promotion avec dix autres danseur.euse.s.

LR : Vous avez donc commencé votre formation pendant la pandémie. Comment se déroule-t-elle ?

AC : Anticiper ce qui allait se passer cette année était impossible, mais on a la chance d’avoir du temps en studio. On danse chaque jour pendant quatre heures et demie. Il n’y a pas de contact physique, pas de danse entre partenaires, il faut porter le masque et on est réparti.e.s sur des zones tracées sur le sol.

C’est étrange, parce que la session dernière, on a fait deux spectacles dans le cadre de notre classe d’interprétation. On a composé et appris avec deux chorégraphes professionnel.le.s, et on a dû présenter ces deux pièces [au public] devant un iPad sur Zoom. C’est étrange de ne pas avoir cette interaction avec le public […].

LR : À quoi ressemble la vie d’un danseur professionnel ?

AC : Premièrement, c’est être pauvre. En tous cas, c’est ce que beaucoup d’enseignant.e.s disent. Ce n’est pas un travail à temps plein immédiatement, il faut savoir rester autonome, en forme, continuer à nourrir sa curiosité, et veiller à ne pas perdre tout ce qui a été appris pendant la formation. Il y aura des périodes de plusieurs mois sans contrat, pendant lesquelles il faudra continuer à évoluer constamment avec le milieu, et ne pas se déconnecter des opportunités.

Il y a peu de bourses ou de fonds qui nous sont donnés. S’il existe une formule de la grande compagnie de danse où il s’agit d’être accepté.e comme danseur.se principal.e et où les heures dansées sont rémunérées, elle est en train de disparaître. Ce qu’on voit surtout maintenant, ce sont des petites compagnies avec lesquelles les opportunités de projets se trouvent par le bouche-à-oreille. L’école aide beaucoup ; elle constitue comme des « préauditions », parce que les professionnel.le.s rencontré.e.s sont les personnes avec qui il sera possible de travailler en sortant de l’école.

LR : Selon vous, peut-on écrire la danse contemporaine ?

AC : On a essayé d’écrire la danse contemporaine mais c’est vraiment difficile, car elle ne nécessite pas de langage ni de codifications. Contrairement à la danse moderne ou classique, la danse contemporaine résulte du métissage de différents éléments. Elle prend racine dans les révolutions postmodernes des années 1980, et explose la relation entre le public et l’artiste.

Elle ne se présente pas toujours sur une scène, parfois c’est in situ ou dehors. Elle devient de plus en plus difficile à cerner parce qu’elle s’inspire de ce qu’il se passe maintenant. En fait, elle émerge d’une réaction aux contextes sociaux et aux mœurs de la société de son époque.

LR : La danse est souvent associée à un milieu féminin. Qu’en est-il d’après vous, en tant qu’homme ?

AC : Évidemment, la danse classique et le ballet académique étaient très féminins à une période. Au tournant du XIXe au XXe siècle, les hommes étaient vus comme des accessoires pour supporter et assister les danseuses étoiles. Ce n’était alors pas un « vrai rôle » d’être danseur. 

Mais tout cela a changé depuis plus de 100 ans. Je pense à la modernité, avec des danseuses comme Martha Graham et Ruth Saint-Denis, mais également à des danseurs tels que Merce Cunningham, Ted Shawn, Arkam Kahn, ou encore Sidi Larbi Cherkaoui. J’ai plusieurs idoles qui sont des hommes, et je n’ai jamais ressenti le besoin de prouver quoi que ce soit en tant que « mâle » dans la danse contemporaine. C’est vrai que j’ai peut-être rencontré un peu de stigmatisation, mais ce n’est pas important ; pour moi, cela témoigne simplement d’une ignorance de la pratique et du milieu.

LR : Début avril, Crazy Smooth décrivait le virtuel dans l’art de la scène comme une expérience différente, mais qui permettait de créer en dehors de chez soi. Qu’en pensez-vous ?

AC : En effet, c’est totalement différent, surtout pour Bboyizm ou pour Crazy Smooth. Le hip-hop implique une réaction plus grande que la danse contemporaine, qui parfois est un peu blasée, séparée, et un peu plus introspective. Il manque quelque chose, et il faut bien plus d’outils différents pour créer virtuellement à un tel point que ça en devient presque un autre art.

Ce n’est pas tout à fait comme une ciné-danse, qui est une vidéo de danse créée pour être filmée, mais ce n’est pas tout à fait un spectacle qui est créé pour être vu en personne non plus. On découvre à peine l’entre-deux de ces concepts, et on ne sait pas encore tout ce que cela pourra offrir.

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