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Arts et culture

D’Ottawa à Hollywood : entretien avec Tanya Lapointe 

Marie-Ève Duguay
6 février 2022

Crédit visuel : Courtoisie – Marï Photographe

Entrevue réalisée par Marie-Ève Duguay – Cheffe du pupitre Arts et culture

Tanya Lapointe est cinéaste, ancienne journaliste chez Radio-Canada (RC)et graduée de l’Université d’Ottawa (U d’O). Elle est surtout connue pour son documentaire Lafortune en papier et pour son travail sur le long-métrage Dune, réalisé par son conjoint Denis Villeneuve, qui a récemment fracassé le box-office nord-américain. En attendant les nominations pour les Oscars 2022, elle se confie à La Rotonde sur son parcours professionnel.

La Rotonde (LR) : Pourquoi et comment avez-vous décidé de faire le saut de journaliste à cinéaste ?

Tanya Lapointe (TL) : J’avais pris un cours de journalisme à l’U d’O qui était offert en partenariat avec RC, ce qui m’a éventuellement ouvert la porte à un emploi chez RC. J’y ai commencé en 2000 en tant que vidéo-journaliste : je faisais ma caméra, mon montage et mes reportages. J’ai travaillé à Hawkesbury, Toronto, Edmonton et Montréal. J’ai ensuite été journaliste nationale pour la culture, ce qui était vraiment mon objectif dès le départ. J’avais fait du ballet classique quand j’étais jeune, et j’ai toujours eu un grand intérêt pour les arts, la danse et le cinéma.

Quand l’opportunité s’est présentée, en 2016, j’ai pris une année sabbatique pour travailler avec mon conjoint sur Blade Runner 2049 et sur The Arrival. J’ai ensuite quitté RC, et je suis dans le monde du cinéma depuis. Je participe non seulement aux projets de Denis, mais j’ai également lancé ma propre compagnie de production, les Productions sur le toit, pour mes projets documentaires, dont 50/50 et Lafortune en papier.

LR : Est-ce que votre carrière journalistique vous a influencé et/ou aidé dans l’industrie du film ?

TL : Tout à fait ! Le fait d’avoir été journaliste m’a permis d’observer comment fonctionnait le milieu des arts et de la culture dans un sens large et à tous les niveaux. De parler à des acteur.ices, des metteur.euse.s en scène, des réalisateur.ice.s, cela m’a permis de comprendre le processus et de l’apprécier.

Quand je me suis retrouvée dans l’univers du cinéma, c’était comme traverser le miroir, mais j’avais des connaissances de base ; je ne découvrais pas un monde inconnu. Cela m’a permis de mieux saisir les nuances et les lois non écrites de ce monde.

LR : Quel genre de perspective unique les cinéastes canadien.ne.s ou, dans votre cas, canadien.ne.s francophones, peuvent-ils.elles offrir à l’industrie du film hollywoodien ?

TL : Il y a une voie, un élan, un désir d’être vu.e à l’extérieur du Canada pour les artistes d’ici, et qui est bien reçu de la part de l’industrie du film. Il y a d’ailleurs en ce moment deux courts-métrages de cinéastes québécoises qui sont sur la liste de prédictions pour les Oscars.

Nos créateur.ices ont une volonté de se faire voir à l’extérieur. De savoir qu’il y a eu d’autres gens qui nous ont précédés, que ce soit Denis Villeneuve ou Jean-Marc Vallée, entre autres, c’est savoir qu’il y a une voie qui a été tracée.

Le milieu continue d’évoluer, et nous devons tous créer nos propres voies, mais il y a une force là-dedans. Ceux et celles qui veulent faire du cinéma peuvent s’inspirer de ces prédécesseur.e.s et espérer que leur travail soit vu à l’extérieur de nos frontières.

LR : Comment décririez-vous votre démarche ou votre processus artistique ?

TL : Le mot qui me vient en tête, c’est « instinct ». Je trouve que le processus de création, surtout dans mes projets documentaires, se base surtout sur ce mot-là […].

Je pense qu’il faut s’écouter, parce qu’il n’y a pas de règles à suivre au cinéma. Si on suivait une formule pour créer, on ferait quelque chose de plutôt générique. Il faut y aller avec son instinct pour pouvoir découvrir sa propre voie. Je sais que c’est un peu éphémère, mais c’est vraiment cela qui guide mes démarches.

LR : Avez-vous des conseils pour de jeunes étudiant.e.s de l’U d’O, comme vous l’avez été, qui voudraient poursuivre une carrière comme la vôtre ?

TL : L’U d’O a vraiment été déterminante dans mon parcours. J’ai eu des professeur.e.s qui ont été, pendant longtemps, des mentor.e.s et qui m’ont guidée vers le droit chemin. C’est important pour moi de redonner aux étudiant.e.s qui sont là et qui rêvent de travailler dans différents milieux des communications et des arts.

Il y a toujours des gens qui me demandent comment je me suis rendue où je suis présentement, mais il n’y a pas vraiment de tracé fixe ! Celui ou celle qui voudrait faire comme moi devrait devenir ballerine pendant 20 ans, puis ne pas savoir quoi faire, ensuite aller à l’université en psychologie, découvrir qu’il.elle veut aller en communications et conclure que c’est le journalisme qui ouvrira ses portes. Tout ça pour dire qu’il n’y a pas une seule voie et qu’il faut explorer.

Ce qui a fonctionné pour moi, c’est le travail. Il faut se fixer des objectifs et travailler de manière assidue, quotidiennement, sans s’épuiser. Une carrière, c’est un marathon. Il faut prendre son souffle et se dire que chaque pas mène à ses objectifs. La consistance et la conviction que ce à quoi on rêve est à portée de main sont clés.

Je suis présentement à Los Angeles, et je m’aperçois que c’est un milieu très compétitif. Tout le monde travaille fort, et ceux et celles qui arrivent à prendre leur souffle sont ceux et celles qui durent.

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