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Évaluer les actions du gouvernement : apport juridique et citoyen

Marina Toure
10 mars 2023

Crédit visuel : Nicholas Monette – Contributeur 

Article rédigé par Marina Touré — Cheffe du pupitre Actualités

La Commission sur l’état d’urgence a publié ces dernières semaines le rapport de l’enquête publique sur l’invocation de la Loi sur les mesures d’urgence. Si le rapport met en avant un point de vue juridique par rapport aux responsabilités du gouvernement, une deuxième Commission s’est chargée d’étudier les impacts du convoi des camionneurs sur la population. Les rapports des deux commissions ont tous deux répondu à ce questionnement : comment peut-on tenir les gouvernements responsables juridiquement tout en incluant les populations dans les discussions ?

La Commission sur l’État d’urgence présidée par le Juge Rouleau avait pour but d’analyser la légitimité de l’état d’urgence déployée en février 2022. Le rapport de la Commission, publié le 17 février 2023, offre plusieurs recommandations pour guider le gouvernement dans de futures situations similaires. La mise en place et la rédaction de ce rapport ont demandé une « rapidité importante », énonce Nomi Claire Lazare, professeure à l’École supérieure d’affaires publiques et internationales à l’Université d’Ottawa et membre du conseil de recherche de la commission. La professeure poursuit en expliquant qu’une telle commission prend habituellement entre deux à quatre ans avant de publier un rapport, ce qui montre l’exceptionnalité de cette situation.

Légitimité des actions du gouvernement

Si cette commission a provoqué tout le long des différentes audiences de nombreuses discussions, il n’y a pas à douter de la « profonde intégrité » tout au long du processus, insiste Lazare. En effet, pour plusieurs des détracteur.ice.s de la Commission, celle-ci était partisane en faveur du gouvernement, ce que la professeure réfute. En outre, cela n’était pas la seule critique. Le refus du Premier ministre de l’Ontario, Doug Ford, de témoigner durant les audiences, a aussi été commenté. D’après Lazare, cela a été une stratégie du Premier ministre, qui mérite d’être bien analysée afin de comprendre l’impact de son absence, remarque-t-elle.

En revanche, cela ne devrait pas détourner le grand public des recommandations et conclusions de ce rapport, ajoute la professeure. En effet, le juge Rouleau présente de nombreuses recommandations, dont certaines sont liées au partage de l’information et de la coopération entre les juridictions. La recommandation la plus pertinente pour Lazare est celle qui invite à « dissocier la définition d’une menace à la sécurité nationale de la définition de la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité ». En effet, les urgences sont pratiquement imprévisibles, et cette définition ne permet pas d’obtenir un seuil de contrôle « juste » pour une déclaration d’urgence, confie-t-elle.

Le rapport passe notamment sous silence l’importance d’exiger que le gouvernement explique comment et pourquoi ces mesures d’urgence sont nécessaires une fois qu’il les dépose devant le Parlement ou un comité d’examen, poursuit-elle. Cela permettrait donc de s’assurer que le gouvernement ne répète pas la situation de février dernier, durant laquelle les « mesures d’urgence financières avaient un but vague », affirme-t-elle.

Ce n’est pas la seule zone grise laissée par la Commission. Celle-ci n’aborde pas en détail l’impact de la décision sur les citoyen.ne.s de la ville d’Ottawa, déclare Monia Mazigh, autrice, militante pour les droits de la personne et commissaire de la Commission populaire d’Ottawa.

Point de vue citoyen

Pour Mazigh, le rapport de la Commission populaire a tenté de mettre en avant les sentiments des habitant.e.s de la ville pendant le convoi. Le rapport analyse l’impact sous quatre thèmes : l’occupation, la violence, l’abandon et la mobilisation communautaire. Si le premier rapport de la Commission dévoile le sentiment d’abandon de la population, qui a «subi de la violence physique, psychologique et mentale », le deuxième rapport portera sur l’intégration des citoyen.ne.s dans la prise de décisions des institutions gouvernementales, annonce Mazigh.

La commissaire revient sur le silence de la Commission Rouleau quant à la situation des droits de la personne. Celui-ci proviendrait de l’objectif de la Commission, soit la concentration sur la légitimité de l’état d’urgence. La Commission populaire s’est donc attelée à documenter les violations des droits de la personne ainsi que l’importance de la communauté. En effet, « sans la solidarité communautaire, plusieurs résidents n’auraient pas pu tenir le coup », dévoile-t-elle.

Le deuxième rapport en préparation se concentrera sur les recommandations de la Commission. Mazigh annonce que la Commission aimerait analyser les raisons derrière l’échec de communication entre la Ville d’Ottawa, les services de police et la population. Le point central de ce deuxième rapport sera « comment nous sommes arrivés à une situation dans laquelle les droits de la majorité ont été brimés », insiste-t-elle.

Le constat de Lazare et Mazigh est clair : il faut à tout prix éviter qu’une telle situation se répète, et pour cela, il faut inclure les gouvernements, mais aussi les populations, dans les discussions. Parmi les autres préoccupations qui devront être prises en considération dans un futur proche, on peut trouver les futurs défis qui naissent des changements climatiques, observe Lazare. Ceux-ci provoqueront sûrement d’autres situations de crises, qui gagneront à prendre en compte les leçons tirées du convoi des camionneurs.

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