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Éditorial

Un an depuis le convoi : où en sommes-nous ? 

Rédaction
30 janvier 2023

Crédit visuel : Nicholas Monette – Directeur artistique

Éditorial rédigé par le comité éditorial de La Rotonde 

Aujourd’hui marque les un an depuis l’arrivée du fameux Convoi de la liberté dans les rues du centre-ville d’Ottawa. Dans le cadre de ce grand jour, nous nous livrons encore une fois à une réflexion sur les conséquences à long terme de cette « occupation illégale » dans la Capitale nationale.

Petit rappel pour ceux et celles qui auraient eu la chance d’échapper à cet événement : le Convoi de la liberté a eu lieu de la fin janvier à la fin février 2022. Lors de cette (très longue) période, un mouvement de manifestations a accablé la ville. Il fut organisé par des camionneur.se.s canadien.ne.s s’opposant, à l’origine, aux mesures préventives contre la COVID-19, dont la vaccination obligatoire et le port du masque. Après près de trois semaines de protestations, le convoi a à jamais changé l’histoire d’Ottawa. Et ce, pour le pire.

Si l’agitation, les violences verbales et physiques ainsi que les actes de vandalisme qui ont accompagné les manifestations ont eu leur lot de conséquences en 2022, nous ressentons toujours les lourds effets de ce mouvement d’extrême droite

Sécurité paradoxale ?

Puisque le convoi était un mouvement local à l’origine, c’était à la Ville d’Ottawa de gérer la situation. C’est dû au manque de préparation – Ottawa n’ayant jamais auparavant été forcée de gérer une telle crise -, d’intervention policière et de matériel que le convoi a ainsi dégénéré.

Ce mouvement a donc forcément soulevé un questionnement sur la compétence et l’apport des forces policières et gouvernementales dans la gestion de crise. Un questionnement dont les effets se font effectivement encore ressentir aujourd’hui même.

Il semblerait que le convoi ait engendré, voire exacerbé chez certain.e.s, un manque de confiance envers les forces policières. Ce manque de confiance est justifié : plusieurs policer.ère.s ont démontré leur soutien au convoi et en ont même été les complices. Leur responsabilité étant avant tout d’assurer la sécurité locale, leur participation, aussi limitée soit-elle, témoigne tout de même d’un échec flagrant de la part de la police ottavienne. C’est ce que démontre la démission de Peter Sloly, ancien chef de police de la Ville, qui a servi de bouc émissaire dans cette situation. 

Un an après les manifestations des camionneur.se.s, nous remarquons pourtant paradoxalement une augmentation des pouvoirs de la police. C’est ce que vise Eric Stubbs, successeur de Sloly au poste de chef de police : celui-ci a effectivement créé plus de postes à combler et a augmenté les services offerts par la police dans le but de « restaurer la confiance » entre son équipe et les citoyen.ne.s de la ville.

Espérons que Stubbs ne se soit pas tiré une balle dans le pied en augmentant les services de police : après tout, ceux et celles qui étaient méfiant.e.s envers la police l’année passée le seront tout autant cette année. 

Convoi et nouvelles lois

Tout comme les forces policières, les gouvernements provincial et fédéral ont tardé à répondre à la crise engendrée par le convoi. Leurs éventuelles réponses – qui ne semblent avoir été déclenchées que par les demandes de dédommagements financiers du convoi –  ont eu et ont toujours un grand impact, même un an après les événements du rassemblement.

En plus de nous avoir ouvert les yeux quant au dysfonctionnement de nos gouvernements, le convoi a mené à la création de projets de loi qui s’avèrent nuisibles à un certain niveau. Si certaines des nouvelles lois anti-manifestation peuvent servir d’entrave à un éventuel nouveau Convoi de la liberté, elles peuvent en effet également nuire à d’autres causes et mouvements sociaux. 

En rendant les manifestations de ce genre illégales, le gouvernement rend plus difficile pour les Ottavien.ne.s de se battre pour de « bonnes » causes. Que feront les militant.e.s pour l’écologie, ceux et celles qui sont contre la construction des pipelines et les citoyen.ne.s qui veulent se soulever contre le racisme, entre autres ? Ces causes ont déjà eu recours à des soulèvements perturbateurs. Ces militant.e.s devront-il.elle.s faire face aux mêmes conséquences que les camionneur.se.s ? 

Fédéral à part, le convoi a aussi influencé nos politiques municipales. De fait, la course vers la mairie aurait eu un résultat différent si le convoi n’avait pas eu lieu : c’est en raison des manifestations que l’ancien conseiller municipal Mathieu Fleury a décidé de ne pas se présenter comme maire, et a ainsi donné place à la victoire de Mark Sutcliffe.

Ottawa est (toujours) fatiguée

Nous l’avons mentionné auparavant, mais il vaut mieux le répéter : le Convoi de la liberté de 2022 est le signe d’une droitisation du Canada. Si le mouvement visait à l’origine à s’opposer aux mesures sanitaires mises en place, certain.e.s manifestant.e.s visaient carrément le renversement de notre gouvernement. Il est difficile de le nier alors que quelques drapeaux confédérés et symboles nazis étaient fièrement utilisés dans les manifestations.

S’il y a une chose à retenir du convoi, c’est que le mouvement de droite est bel et bien présent au pays, et que nous ne devons et ne pouvons pas sous-estimer sa force. Nous en voyons toujours aujourd’hui la preuve : un deuxième Convoi de la liberté est en chemin vers les provinces de l’ouest du pays. Cette partie de la population demeure méfiante des institutions politiques, et pose un risque sérieux de bouleversement des villes touchées.

Le nouveau maire d’Ottawa est pourtant davantage préparé à une éventuelle occupation que ne l’était Jim Watson : encore plus d’agent.e.s d’application des règlements de la Ville sont prêt.e.s à rester au poste pendant tout le mois de février. La Ville devrait ainsi avoir plus d’outils pour éviter que se reproduisent les mêmes abus que l’an passé. Croisons les doigts.

Que la capitale nationale soit préparée ou non, le fait reste que les Ottavien.ne.s sont épuisé.e.s. Nous ne voulons pas assister à la même chose qu’en janvier et février derniers. Les sons de klaxons nous font toujours sursauter. Il est temps que cela cesse.

Le fameux Convoi de la liberté souffle aujourd’hui sa première chandelle. Il reste à espérer que ce sera sa dernière.

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