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Intervention policière controversée lors d’un sit-in pacifique sur le campus

Camille Cottais
6 Décembre 2024

Crédit visuel : Archives

Article rédigé par Camille Cottais — Rédactrice en chef

Les 24 et 25 novembre derniers, un sit-in anti-énergies fossiles et pro-Palestine a eu lieu à la succursale de la Banque royale du Canada (RBC) située à UCU, sur le campus de l’Université d’Ottawa (U d’O). Le second jour de cette mobilisation pacifique, des agent.e.s du Service de police d’Ottawa (SPO) se sont rendus sur les lieux pour y mettre fin.

Un sit-in qui dérange

Cette manifestation contre RBC est organisée presque chaque année depuis l’arrivée de la banque sur le campus en 2019, rapporte Alex Stratas, Commissaire à la revendication au Syndicat étudiant de l’université d’Ottawa (SÉUO) et co-présidente de Climate Justice Climatique uOttawa (CJCUO), l’une des organisations à l’origine de la mobilisation. En effet, elle indique que le groupe RBC est le plus grand investisseur dans les combustibles fossiles au Canada. Il finance des projets tels que le gazoduc Coastal GasLink et l’oléoduc Trans Mountain, qui sont destructifs pour l’environnement et violent certains principes de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, continue Stratas. En outre, selon la Commissaire, RBC aurait investi 15 748 000 de dollars américains dans Palantir, qui fournit notamment des systèmes prédictifs d’intelligence artificielle aux forces de sécurité israéliennes.

Certains groupes, comme CJCUO, mais aussi Integrity Not Spite Against Falastin (INSAF), Palestinian Youth Movement Ottawa (PYM Ottawa), Ottawa Socialist Literature Group, la Ligue de la jeunesse communiste Donalda Charron et Change Course, se mobilisent ainsi pour dénoncer la présence de RBC sur le campus.

Un étudiant à l’U d’O en économie et développement international et membre d’Ottawa Socialist Literature Group, qui était présent lors du sit-in, rapporte que des agent.e.s sont intervenu.e.s dès le premier jour de la mobilisation pour intimer aux activistes de cesser le bruit, sous peine d’intervention, ce qui a été fait. 

Le second jour, « nous étions moins disruptif.ve.s. Nous n’avons pas fait de bruit et avons décidé d’étudier car, avant l’arrivée de RBC sur le campus, l’espace était un endroit d’étude pour les étudiant.e.s », raconte-t-il. Pourtant, la police est arrivée moins d’une heure après le commencement du sit-in, selon lui, en affirmant « que nous devions arrêter le sit-in volontairement ou que nous serions arrêté.e.s ». Il qualifie la réponse de la police de « trop excessive ». Stratas précise qu’il s’agissait de deux agents, qui ont menacé d’arrêter tou.te.s les étudiant.e.s présent.e.s pour méfaits et intrusion s’ils et elles ne quittaient pas les lieux. Elle dénonce un « abus manifeste de pouvoir » de la part de la police et de l’administration de l’U d’O.

Qui a réellement appelé la police ?

Stratas affirme que les étudiant.e.s ont le droit de se rassembler pacifiquement sur un espace du campus « que nous payons pour fréquenter chaque semestre avec notre argent ». Dans une publication Instagram devenue virale, INSAF rappelle que la police d’Ottawa n’est pas autorisée à entrer sur le campus sans la permission de l’administration et de la sécurité de l’Université. Selon INSAF, cela signifierait que l’administration a autorisé cette intervention. Contacté par La Rotonde, Jesse-Robichaud, porte-parole de l’Université, soutient : « L’Université n’a pas sollicité l’intervention de la police […] Les locataires du campus n’ont pas l’obligation de consulter l’Université avant d’appeler la police. L’Université est inscrite au programme Statut d’agent du SPO, qui donne aux agents le pouvoir d’interdire l’accès à des lieux ou à des biens et, le cas échéant, d’expulser ou d’intercepter toute personne d’un lieu, en vertu de la Loi sur l’entrée sans autorisation. »

Cette version est contestée par Stratas, qui affirme que les agent.e.s de police ont informé les manifestant.e.s lors du second jour du sit-in que l’administration centrale les avait directement appelé.e.s « pour faire évacuer les étudiant.e.s protestant par tous les moyens ». 

Un membre de PYM Ottawa, qui a souhaité rester anonyme, qualifie le comportement de l’U d’O de « troublant mais pas surprenant », puisque celui-ci s’aligne selon lui avec d’autres décisions similaires des derniers mois, telles que la nomination d’un « conseiller spécial » sur l’antisémitisme sioniste. Bien que les demandes des organisateur.ice.s du sit-in de discuter avec l’administration centrale soient restées vaines, la Commissaire à la revendication suppose que cette intervention « découle de la peur qu’ils.elles ont développée à la suite du campement ». Elle déplore : « Depuis lors, chaque manifestation ou événement éducatif pro-Palestine a été de plus en plus agressivement surveillé par la sécurité du campus ».

La source anonyme s’interroge sur le message envoyé aux étudiant.e.s par cette intervention : « Nos politiques, nos règles et nos règlements n’ont aucun poids ? Vous n’avez pas le droit de parler de la Palestine ? Nous ne nous préoccupons pas vraiment de l’environnement ? La liberté académique n’est reconnue que pour certains sujets ? »

Une répression croissante du militantisme pro-palestinien

La vidéo de l’intervention policière est devenue virale sur Instagram, avec plus de 100 000 impressions et 60 000 comptes atteints. On peut notamment y entendre un des agents affirmer : « On n’a pas pu répondre à une invasion de domicile parce qu’on devait venir ici. Les gens à Ottawa souffrent, et on ne peut pas les aider parce qu’on est venus ici ». L’idée qu’une manifestation étudiante pacifique soit considérée comme prioritaire à une invasion de domicile est qualifiée de « ridicule » par le membre d’Ottawa Socialist Literature Group et le membre de PYM Ottawa. Il s’agit selon ce dernier d’une tentative de culpabilisation des étudiant.e.s. 

« Nous étudions paisiblement, bien dans nos droits, quelqu’un dans les environs est en danger de mort et vous avez choisi de venir ici ? C’est franchement embarrassant pour lui qu’il ait cru pouvoir nous convaincre avec cette logique », se moque Stratas. Dans le cas où l’agent ait menti, cela montre selon elle « jusqu’où la police est prête à aller pour effrayer les étudiant.e.s et les citoyen.ne.s afin de les faire se soumettre : mentir sur vos droits, mentir sur la situation dans laquelle vous vous trouvez, mentir s’iels pensent pouvoir vous contrôler ».

Strat rappelle que les sit-in à RBC organisés dans les années précédentes n’avaient jamais reçu beaucoup de réactions de la part du SPO ou de la sécurité du campus. Selon le membre de PYM Ottawa, la différence cette année est l’inclusion de voix pro-palestiniennes dans la mobilisation. La répression des marches pro-palestiniennes à Ottawa est selon lui liée à l’intervention de la police lors du sit-in. « Les tactiques sont les mêmes malgré la différence de lieu et de type d’action : menaces d’arrestations, accusations de méfait et ordre de faire taire nos chants », développe-t-il.

Stratas conclut sur un message d’espoir : elle déclare que malgré la répression, les étudiant.e.s ne cesseront pas de lutter pour la décolonisation et la liberté du peuple palestinien. « Tant que nous n’aurons pas atteint nos objectifs, il y aura toujours un mouvement, il y aura toujours des étudiant.e.s pour se battre et mener le changement », finit-elle.

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