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Les Jeux olympiques fondés sur la discrimination, à quand le changement ?

Rédaction
10 août 2021

Crédit visuel :  Unsplash

Chronique rédigée par Nisrine Nail – Journaliste

Les Jeux olympiques de Tokyo 2020 stipulent qu’ils « favorisent un environnement accueillant et sensibilisent les citoyens du monde entier à l’unité dans la diversité ». Je ne peux m’empêcher de ricaner avec pessimisme. Les Jeux olympiques, depuis leur création, ne sont pas inclusifs. Cette année, je vous confirme que rien n’a changé

Il est évident, mais toujours important de souligner, que les sports sont bien placés pour être un moteur de changement inclusif. De nombreuses ligues sportives et de nombreux joueur.euse.s à travers le monde ont intensifié leurs efforts sur leurs plateformes afin d’accélérer les mouvements pour favoriser la cohésion sociale. La discrimination sous toute ses formes est omniprésente dans le monde sportif. 

Réglementations bêtes de nature ségrégative

La règle 50 de la Charte olympique du Comité international olympique (CIO) déclare : « aucun type de manifestation ou de propagande politique, religieuse ou raciale n’est autorisé dans aucun site, site ou autre zone olympique ». Est-ce que vous vous rappelez des vedettes d’athlétisme Tommie Smith et John Carlos ? Lorsqu’ils ont levé leurs points afin de marquer le « Black Power » en 1968 ? Cette action fut fortement critiquée par le CIO. Pourtant, le CIO avait complétement ignoré tous les athlètes qui avait fait le salut nazi lors des Jeux de 1938

Le CIO a  assoupli sa règle suite aux critiques des groupes d’athlètes pour leur permettre de protester avant leur compétition, mais pas sur le podium des médailles. Une nuance que je trouve bien stupide. Mais vous pouvez deviner pourquoi… Bien que la règle 50 soit contestée depuis plusieurs décennies, cette modification est le résultat de recommandations du Comité olympique et paralympique américain (USOPC). Ces recommandations visaient à « mettre fin à l’interdiction des manifestations pacifiques ».

La réglementation relative à l’égalité des sexes a également évolué. Pourtant, elle continue de faire l’objet d’un examen minutieux dans la lutte pour assurer l’égalité des chances pour tous. Le CIO et l’Association internationale des fédérations athlétiques (AIFA) ont constamment révisé leurs lignes directrices, allant jusqu’à de soumettre les femmes à des tests génitaux obligatoires, de les soumettre aussi à un test chromosomique dans le cadre d’une stratégie de « vérification du sexe » et aux fameux tests de taux de testostérone… 

Christine Mboma et Beatrice Masiling, deux femmes namibiennes, n’ont pas été autorisées à courir dans diverses courses en raison de leur « niveau naturel élevé de testostérone ». Elles ont été disqualifiées de toutes les épreuves de course entre 400 et 1000 mètres. À cause d’une hormone. Ces restrictions eurocentriques forcent les athlètes, en particulier les femmes noires, à modifier leurs besoins biologiques ou leurs expériences sociales alors que les Blanc.he.s n’ont pas à faire. Franchement, ça me dépasse et ça me dégoute. 

Un bonnet de natation conçu pour accommoder les cheveux noirs naturels a été interdit des Jeux olympiques, parce que « ces bonnets ne suivent pas la forme naturelle de la tête ». Oui, vous avez bien lu cette foutaise. Cette déclaration encourage le récit ignorant que les cheveux noirs sont anormaux. Cela décourage les Noir.e.s de nager ou de s’engager dans d’autres sports dominés par les Blanc.he.s. La Fédération internationale de natation (FINA) est en train de reconsidérer sa décision sur ce bonnet en raison « des réactions négatives ». 

Abus, préjugés et bien-être 

Patrick Moster, entraîneur cycliste allemand, a été entendu employer une phrase raciste dans la retransmission télévisée de la course. L’entraîneur aurait dit à Nikias Arndt de « dépasser les conducteurs de chameaux », référant au cycliste algérien Azzedine Lagab et au cycliste de l’Érythrée Amanuel Ghebreigzabhier. Heureusement, les dirigeant.e.s de la délégation allemande aux Jeux olympiques de Tokyo ont décidé de renvoyer Moster immédiatement en Allemagne. Je dis heureusement parce que je parie ma dette étudiante que ces situations arrivent sans conséquences 95 % du temps. Lagab avait tweeté qu’il avait déjà reçu des commentaires agressifs et racistes, mais que « c’est dommage que ça arrive aux Jeux olympiques ». 

Simones Biles, gymnaste pour l’équipe féminine des États-Unis, s’est retirée de la compétition pour s’occuper de sa santé mentale. Elle a été critiquée pour cette décision, les spectateurs et spectatrices l’accusant d’abandonner son équipe et même son pays. Biles est considérée comme une des meilleures gymnastes au monde. Connaissez-vous la pression d’avoir toute une nation sur le dos ? 

Je ne pourrais même pas l’imaginer. Le récit de la femme noire qui reste « forte », qui peut subir n’importe quoi et s’en sortir, est très nuisible. Les attentes démesurées envers les athlètes noires, alors que le système des compétitions est à leur préjudice, sont tout simplement insensées.

J’ai une liste sans fin de situations qui éclaircissent les maintes problématiques des Jeux olympiques. Je crois que le sport peut être un moyen de réduire les barrières et les divisions. Sauf qu’il faut aussi prendre en considération les aspects diplomatique, politique et culturel de ces compétitions pour réellement progresser et régler les problèmes de nature systémique des Jeux olympiques.

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