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La décision de la CIJ et les fonds à l’UNRWA : le Canada se positionne

Crédit visuel : Nartistic — Direction artistique

Article rédigé par Jessica Malutama — Journaliste

À la suite de la décision rendue par la Cour internationale de justice (CIJ) pour cause de génocide contre Israël, le gouvernement de Justin Trudeau a signalé que son appui au travail de l’instance onusienne ne signifiait pas pour autant qu’il soutenait l’argumentaire porté par l’Afrique du Sud. Le Canada et huit autres pays ont subséquemment suspendu temporairement leur financement à l’Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA) en réponse aux accusations portées par les autorités israéliennes contre l’agence.

Selon ces dernières, douze employés du bureau onusien auraient été impliqués dans les attaques du 7 octobre perpétrées par le Hamas. Deux chercheur.euse.s se sont penché.e.s sur la position du Canada afin d’en étayer les enjeux légaux et politiques.

Le gouvernement Trudeau et la décision de la CIJ

Selon Céline Braumann, professeure adjointe au Département de droit à la Section de Common law à l’Université d’Ottawa (U d’O), « la position du Canada est évasive et manque de fermeté pour des raisons politiques ». Braumann, juriste ayant travaillé à la CIJ, rappelle que le Canada est un allié d’Israël. Le premier ministre Justin Trudeau et la ministre des Affaires étrangères, Mélanie Joly, n’ont pas indiqué si le Canada se « conformer[ait] » aux décisions de l’organe judiciaire de l’ONU.

La professeure de l’U d’O déplore le décalage qui existe entre la position canadienne dans cette affaire et le fait que le pays est impliqué dans trois autres procès à la CIJ. « D’une part, le Canada s’engage activement dans des procédures devant la CIJ. D’autre part, il dit que certains jugements qu’il n’aime pas ne seront pas respectés ou acceptés comme des jugements contraignants », poursuit-elle.

La spécialiste en droit international public explique que bien qu’Ottawa puisse exprimer son désaccord sur le contenu du jugement de la CIJ, ne pas respecter la nature juridiquement contraignante de ce dernier constituerait une violation du droit international et de l’article 94 de la Charte des Nations unies. « Bien que les mesures provisoires émises par la CIJ ne créent pas d’obligations directes et nouvelles pour le Canada […], il est appelé à répondre indirectement à d’autres obligations internationales », ajoute-t-elle.

L’experte fait remarquer qu’en vertu de la Convention sur le génocide, le Canada est responsable en tant que pays membre de « prendre des mesures positives » pour empêcher que des actes génocidaires soient ou puissent être commis sur n’importe quel territoire. Elle souligne que s’il existe des risques qu’un génocide soit ou puisse être perpétré dans le futur à Gaza contre le peuple palestinien, le Canada sera entre autres tenu de cesser la vente d’armes à Israël.

La suspension de l’aide à l’UNRWA

Dani Belo, professeur adjoint en relations internationales à l’Université Webster, estime que le gouvernement Trudeau fait « preuve de diligence requise avec ses alliés internationaux » à la suite des accusations israéliennes. Il est de la responsabilité de celui-ci de s’assurer qu’il ne subventionne pas des organisations qui pourraient être affiliées à des groupes terroristes, explique l’expert spécialisé en sécurité et en gestion de conflits. « [De manière plus globale], il est crucial [pour le Canada] de maintenir [sa] légitimité [politique] et la réputation de [sa] politique étrangère », explicite Belo, aussi chercheur en sécurité internationale à l’Institut canadien des Affaires mondiales.

La CBC informe que jusqu’à ce jour, les autorités israéliennes n’ont pas fourni à Ottawa des preuves appuyant leurs allégations. À la suite de l’arrêt du financement de plusieurs pays, l’UNRWA a annoncé qu’elle pourrait être « forcée » de cesser ses activités d’ici la fin du mois de février. D’après Radio-Canada, le Canada se classait au 11e rang des pays donateurs aux programmes de l’UNRWA en 2022.

Après avoir suspendu son financement à la branche onusienne, le Canada a promis de verser 40 millions de dollars supplémentaires à des organisations non gouvernementales (ONG) qui offrent de l’aide aux gazaoui.e.s. Selon Belo, le Canada continue de remplir ses obligations humanitaires malgré la pause temporaire de son financement à l’UNRWA et le fait que cette dernière soit la principale agence d’aide à Gaza. Il juge que l’arrêt provisoire des fonds canadiens aura des effets moindres sur le terrain, à savoir que « même avant le gel, l’impact global du pays était assez insignifiant par rapport à l’ampleur du conflit ».

Les engagements du Canada ne se limitent pas à l’aspect humanitaire, car celui-ci est aussi impliqué dans un effort politique visant à une résolution pacifique du conflit, renchérit Belo. Il affirme que la vente d’armes canadiennes à l’État israélien n’entre pas en conflit avec les objectifs humanitaires du gouvernement Trudeau. « Il est dans l’intérêt du Canada que les territoires de Gaza et de la Cisjordanie n’aient aucune affiliation avec des organisations comme le Hamas ou le Hezbollah », indique-t-il.

Le conseiller du président américain, Jake Sullivan, affirme que des représentants d’Israël, des États-Unis, de l’Égypte, et du Qatar se seraient entendus à Paris sur une trêve humanitaire temporaire à Gaza susceptible de survenir prochainement, alors que 2.3 millions de Palestien.ne.s risquent une « famine de masse », selon l’ONU.

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