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Arts et culture

L’art du Drag, le nouveau bouc émissaire de la droite conservatrice

Jacob Hotte
24 mars 2023

Crédit visuel : Marie-Ève Duguay – Rédactrice en chef

Chronique rédigée par Jacob Hotte – Journaliste

Les communautés marginalisées ont toujours été perçues comme les boucs émissaires de la droite conservatrice. Que ce soit l’Ouragan Harvey, qui aurait été causé par les péchés de la communauté LGBTQ+ selon des chrétien.ne.s évangéliques, ou la COVID-19, qui avait été épinglée sur le dos des personnes asiatiques, ce camp politique ne semble pas manquer d’imagination.

Récemment, ce fut l’art du Drag qui fut la cible des attaques de la droite, principalement par la manifestation qui a été organisée le 9 février dernier au Centre national des Arts contre le récit de contes de performeur.se.s de Drag. Ce phénomène, qui semblait auparavant se limiter aux États-Unis, semble se faufiler de plus en plus sur la scène politique canadienne.

Un passé controversé

Contrairement à ce que l’on peut penser, le Drag n’est pas intrinsèquement sexuel. L’histoire de cet art a commencé en Grèce Antique, où les hommes et les garçons jouaient des rôles de femmes, étant donné que celles-ci étaient interdites de le faire. Cette pratique continuera à travers l’histoire jusqu’au 19e siècle, où le Drag sera davantage pratiqué par des hommes homosexuels en dehors du 6e art. Ce média d’art se popularise rapidement au 20e siècle et devient finalement le Drag qu’on connaît aujourd’hui.

Il est important de noter qu’à travers de temps, l’art du Drag n’a jamais été un art nécessairement lié à la sexualité des performeur.se.s, mais concerne davantage l’expression de genre. Le Drag est un art qui permet aux personnes qui y participent de défier les normes de genre qui leur sont imposées. Pour les hommes homosexuels particulièrement, cet art leur a donné l’opportunité d’exprimer leur féminité, sous forme d’alter ego, la Drag Queen.

Bien sûr il arrive d’observer des artistes qui revendiquent aussi leur sexualité par l’hypersexualisation de leur personnage de Drag. Toutefois, comme mentionné précédemment, cela diffère d’un individu à l’autre. Il arrive même que plusieurs Drag Queens réalisent des performances plus axées sur la famille, afin de permettre l’inclusion des plus jeunes dans cet art, ce qui est le cas pour les performeurs de Drag qui organisent des activités pour tous âges, comme ce fut le cas pour le récit de contes du 9 février dernier.

Le réel danger

Selon le Center for Disease Control and Prevention, depuis 2020, les tueries par armes à feu sont, aux États-Unis, la première cause de décès chez les enfants et les adolescent.e.s. On pourrait donc croire que la priorité des politicien.ne.s américain.e.s serait d’essayer de mettre en avant plus de restrictions par rapport à l’accessibilité des armes à feu, non ? C’est là où vous auriez tort. Selon plusieurs politicien.ne.s républicain.e.s, le véritable danger auquel les enfants font face ne proviendrait pas de ces instruments mortels, mais viendrait en réalité de l’art du Drag.

Dans cette situation, l’argument de la « déviance sexuelle » est souvent soulevé par la droite conservatrice de manière à démoniser les personnes queers. La communauté LGBTQ+ est alors classifiée comme étant contre nature, et par cela toutes les identités qui forment ce groupe (personnes bisexuelles, transgenres, homosexuelles, etc.) sont regroupées avec des sujets pervers, comme la pédophilie et l’inceste. Et non, la pédophilie et l’inceste n’ont rien à voir avec l’orientation sexuelle, l’identité de genre ou l’expression de genre d’un individu, contrairement à ce que certaines personnes peuvent croire, et donc ne devraient aucunement être associés à cette communauté qui tente simplement d’exister en paix.

Pour ce qui est du Drag, les performeur.se.s sont souvent moqué.e.s et discriminé.e.s en raison de leur non-conformité aux normes de genre. Les hommes qui pratiquent cet art sont continuellement traités de prédateurs sexuels, ou même de malades mentaux, en raison de la mécompréhension du Drag. On impose alors un aspect sexuel à cet art, forçant ces artistes dans une catégorie qui n’est pas nécessairement la leur. Une grande partie des conservateur.ice.s utilisent cet argument dans le but de soutenir certaines légalisations voulant interdire les événements de Drag à destination des enfants, particulièrement dans le sud des États-Unis. Ces personnes défendent leur position en argumentant qu’elles tentent de réduire le taux d’abus sexuels auprès des enfants, tout en affirmant qu’elles ne veulent pas que les performeur.se.s de Drag rendent leurs enfants queers.

Tout ceci semble très hypocrite de la part de la droite. Même sans preuve concrète, plusieurs conservateur.ice.s paraissent grandement convaincu.e.s de ce sujet, sans toutefois vouloir prendre des actions contre des dangers affectant réellement la sécurité des jeunes, comme les armes à feu, ou encore l’Église chrétienne. En effet, depuis 1950, plus de 216 000 enfants ont été victimes d’abus sexuels par l’Église catholique rien qu’en France. Et encore, ce chiffre ne comprend que les cas connus.

Ainsi, il est possible qu’une réévaluation des priorités de la droite soit nécessaire afin de rebâtir sa crédibilité politique. De nombreuses personnes semblent croire à de tels propos abracadabrants, ce qui rend inquiétante la montée de l’extrême droite sur la scène politique canadienne.

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