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Arts et culture

Le deuil : comment vivre avec la mort ? 

Dawson Couture
24 mars 2022

Crédit visuel : Nisrine Nail – Directrice artistique

Article rédigé par Dawson Couture – Journaliste

Malgré les tabous qui l’entourent, le deuil est une partie intégrante de l’existence terrestre. À travers toutes les cultures du monde, il existe des conceptions, des coutumes et des rituels encadrant la réponse à la mort. En prenant le temps d’écouter les expériences des autres, est-il possible d’apprendre à mieux gérer le deuil ?

Aniqa Sheikh est une étudiante diplômée de l’Université Saint-Paul qui a remporté la première place au symposium de la Bourse du Programme d’initiation à la recherche au premier cycle l’année dernière. Son projet portait sur l’impact de la pandémie sur les rites funéraires islamiques au Canada et au Royaume-Uni. Celle-ci rapporte qu’il peut y avoir, en apparence, de grands écarts entre les cultures en ce qui concerne le deuil mais qu’en réalité, les interprétations de la mort restent très similaires.  Elle constate qu’« il existe un aspect véritablement universel au deuil, notamment notre besoin de soutien émotionnel et de réconfort de la part de ceux et celles qui nous entourent ».

Kahontakwas Diane Longboat souscrit à cette perspective sur le deuil. En tant que cheffe de cérémonie et enseignante traditionnelle du Clan de la Tortue de la Nation Mohawk, Longboat considère que le processus du deuil est façonné, d’une part, par les traditions, et d’autre part, par les besoins personnels des individus impliqués. Elle explique que ce qui lie son expérience avec celle des musulman.e.s et des chrétien.ne.s est la croyance en quelque chose de plus grand que soi-même.

Préparation pour la mort 

Selon Jean-Olivier Richard, professeur adjoint en christianisme et science au Saint Michael’s College, le deuil est par définition une expérience personnelle. La foi et les rituels viennent cependant encadrer et donner un sens au décès d’un.e être cher.ère, ce qui lui confère des particularités culturelles, suggère-t-il. Il appuie l’idée que ces rituels et coutumes servent de lignes directrices pour naviguer le deuil et la douleur qui s’ensuit. Richard invite ainsi à réfléchir à la façon dont les coutumes facilitent la planification des jours qui suivent la mort d’un.e proche.

L’onction des malades est un rituel que désirent généralement les chrétien.ne.s à l’heure de leur mort, selon Richard, indiquant que ce sacrement est effectué par un prêtre et sert de « porte d’entrée à l’après-vie ». Tout comme les chrétien.ne.s cherchent du réconfort auprès de leur dieu, d’après Longboat, les peuples autochtones veulent aussi favoriser la transition confortable et facile du.de la défunt.e vers l’au-delà. Longboat souligne que cette transition est possible en partie grâce à la « cérémonie de pardon ». Elle poursuit que lors de cette cérémonie, le.la mourant.e et les membres de sa communauté sont encouragé.e.s à tout confesser et à se pardonner afin que l’esprit du.de la défunt.e soit libéré. 

Longboat ajoute que l’histoire de la création pour les Mohawks, comme pour d’autres tribus autochtones, enseigne que chaque esprit – chaque âme – a un mandat sur la Terre-Mère. Les rituels entourant la mort visent donc à rassurer l’individu mourant qu’il a accompli sa mission, selon Longboat, et que tout est pris en charge sur Terre.

La source première de réconfort pour l’enseignante traditionnelle est cette promesse de retourner au Créateur une fois son mandat terrestre accompli. Sheikh réitère à son tour à quel point l’espérance de retourner au dieu Allah, ainsi que la promesse d’une éternité au Paradis avec ses proches, influencent la perception de la mort et du deuil chez les musulman.e.s. Un concept similaire s’applique également chez les chrétien.ne.s, signale Richard,  qui entretiennent une relation intime avec Jésus. Comme l’affirme le professeur, pour les chrétien.ne.s en fin de vie, ce dieu-humain peut servir d’ami proche et d’accompagnateur et il est la preuve de la résurrection du corps.

Que faire après la mort ?

Chaque culture a sa propre période de deuil formel soutient Sheikh, et cette phase dure généralement trois jours dans la religion islamique. Elle a pour but de réunir les proches au domicile de la famille endeuillée, afin d’offrir du support émotionnel, de prier et de répondre aux besoins quotidiens. Du côté des Mohawks, Longboat note qu’ils.elles entreprennent une célébration de vie de dix jours, après laquelle l’esprit du.de la défunt.e est libéré. Même si elle admet que le processus de deuil peut en réalité durer des années, l’enseignante traditionnelle suggère qu’il ne faut pas ruminer sur le.la défunt.e trop longtemps, par faute de retenir leur esprit sur Terre.

L’implication de la communauté est un autre aspect crucial du deuil, tant pour les religions abrahamiques que les croyances mohawks. Pour les musulman.e.s, notamment, Sheikh soutient que la présence de pratiquant.e.s lors de funérailles est souvent perçue comme une bénédiction pour la famille et comme un symbole d’honneur envers le.la défunt.e.

Puisque le deuil est perçu comme un « test » d’Allah, l’étudiante diplômée ajoute que les musulman.e.s sont encouragé.e.s davantage à prier, et aussi à faire du bénévolat et à s’engager dans leur communauté. « En se basant sur les enseignements et sur la conduite du Prophète Muhammad – que la paix soit avec lui –, les gens sont inspiré.e.s à réfléchir sur la conduite de leur propre vie et à comment venir en aide aux autres », développe-t-elle. Richard confirme aussi que chez les chrétien.ne.s, la prière est comprise comme ayant un impact réel sur la personne décédée dans son passage à l’après-vie.

Les trois intervenant.e.s estiment que l’ère contemporaine présente plusieurs défis aux rituels religieux, soit la pandémie, l’athéisme, l’assimilation ou les discussions éthiques sur des sujets comme l’euthanasie. Ainsi, les rituels liés au deuil ont été forcés à s’adapter au gré des nouveaux développements. Longboat signale toutefois qu’il est peu probable que ces rituels changeront fondamentalement, citant par exemple la ténacité de sa culture au cours des derniers siècles.

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