Crédit visuel : Jacob Hotte – Photographe

Article rédigé par Dawson Couture – Chef du pupitre Sports et bien-être

La cigarette électronique est apparue sur le marché canadien en 2011 comme une alternative moins dangereuse à la cigarette conventionnelle. Depuis, le tabagisme est en déclin, alors que le vapotage, surtout chez les jeunes, ne cesse de croître en popularité. Même si le tabac est éliminé dans les vaporisateurs, une grande quantité d’études démontre les effets néfastes de cette nouvelle tendance. Serait-il temps que le gouvernement fédéral en fasse plus ?

Un danger pour la santé publique

Dr Andrew Pipe est professeur à la Faculté de médecine et ancien chef de la Division de la prévention et de la réadaptation à l’Institut de cardiologie de l’Université d’Ottawa. Selon lui, les adolescent.e.s et jeunes adultes ont été séduits par un style de vie à la mode, basé sur la « supposition naïve que [la cigarette électronique] est sécuritaire ». En 2020, la prévalence du vapotage au Canada était de 35 % chez les jeunes de 15 à 19 ans et de 43 % chez les jeunes adultes de 20 à 24 ans.

La majorité des cigarettes électroniques, particulièrement les vaporisateurs jetables, fournissent beaucoup plus de nicotine que les cigarettes traditionnelles, selon Pipe. En plus des nombreux problèmes de santé associés à la consommation de nicotine, celle-ci est fortement addictive. Si 5 % des adolescent.e.s au secondaire qui ont essayé de fumer le font maintenant quotidiennement, 25 % de ceux.celles-ci qui ont déjà vapoté sont des consommateur.ice.s régulier.e.s.

La raison principale la plus fréquemment citée pour vapoter est qu’ils.elles « aiment les saveurs et/ou l’odeur ». Pour le Dr Pipe, qui est actuellement impliqué dans la recherche clinique sur le sevrage du vapotage, les utilisateur.ice.s ne reconnaissent pas « toute la série de produits chimiques toxiques présents dans ces produits et dans les vapeurs qu’ils produisent ». Il admet, comme pour la cigarette au vingtième siècle, qu’il faudra probablement des décennies avant que les effets ne deviennent manifestes.

L’assistante-professeure Sanja Stanojevic mène une équipe de chercheur.se.s à l’Université de Dalhousie pour essayer de détecter les répercussions plus tôt. Grâce à un « test d’élimination à plusieurs reprises », l’épidémiologiste respiratoire prévoit mesurer l’efficacité de la ventilation des poumons chez les consommateur.ice.s. Elle tentera de démontrer qu’une exposition répétée aux nanoparticules toxiques mène à l’inflammation et la cicatrisation des voies respiratoires, un signal d’avertissement de problèmes médicaux potentiels.

Le mythe de la désaccoutumance

La cigarette électronique a longtemps été commercialisée comme un outil de désaccoutumance pour les fumeur.se.s. Alors qu’il existe des preuves d’efficience de cette méthode dans les essais cliniques, le Dr Pipe souligne que ces résultats ne se sont pas encore réellement concrétisés. Selon le membre de l’Ordre du Canada, le vapotage comme outil de désaccoutumance est d’ordre « mythique ».

Le vapotage réduit plutôt les taux de désaccoutumance du tabagisme et élargit le marché de la nicotine en attirant les jeunes. Pipe et Stanojevic avertissent que les vapoteur.ice.s sont plus susceptibles de s’orienter vers le tabagisme. Une nouvelle étude de l’Institut national de la santé publique du Québec a révélé que plus d’un.e Québecois.e de 15 ans et plus sur dix a admis avoir utilisé à la fois la cigarette électronique et la cigarette traditionnelle dans les 30 derniers jours.

Pipe prévoit un besoin croissant pour des services de désaccoutumance à mesure que les gens prendront conscience des effets du vapotage. Pierre Cormier, professeur de psychopharmacologie à l’Université de Moncton, insiste que la nicotine est très difficile à abandonner. Selon lui, si 90% pensent pouvoir le faire par eux-mêmes, seuls 10 % en sont capables.

Une part de responsabilité

La majorité des marques de cigarette électronique sur le marché aujourd’hui sont détenues par les géants du tabac. Cormier souligne que les vaporisateurs offrent simplement le même produit par un nouveau moyen. « Les jeunes ne reconnaissent pas que cette industrie veut les rendre dépendant.e.s et les aider à perdre le contrôle de leur vie tout en leur arrachant d’énormes sommes d’argent, en plus de les exposer à d’importants problèmes de santé », conclut le Dr Pipe.

Face à ce même constat, 24 pays ont totalement interdit le vapotage alors que d’autres ont imposé des restrictions sévères. Selon Stanojevic, en l’absence de preuve définitive, ces États ont basé leurs décisions sur le « principe de précaution » en santé.

Pipe constate que le Canada a ignoré une telle considération. Selon lui, Santé Canada a « échoué lamentablement et maintenant les provinces se battent pour essayer de combler ce vide », insiste-t-il. La Nouvelle-Écosse, le Nouveau-Brunswick et l’Île-du-Prince-Édouard ont déjà interdit les arômes autres que le tabac. Le manque de réglementation de la part d’Ottawa reflète, de son point de vue, une « timidité » à confronter l’industrie du vapotage.

Le gouvernement fédéral a annoncé dans son budget de 2022 une taxe d’accise imposée sur certains produits de vapotage. Si cela est un pas dans la bonne direction pour le Dr Pipe, il espère de plus hautes taxes sur plus de produits, mais également sur l’industrie du vapotage pour les dépenses dans les soins de santé qu’encourent les contribuables. Il faudrait également, selon lui, éliminer tous les arômes, réglementer davantage la quantité de nicotine et faire cesser toute forme de marketing.

Ceci arrive à un moment où les profits de l’industrie du tabac n’ont jamais été aussi élevés, selon Pipe. « Ils rendent délibérément les gens accros et tuent sciemment », déclare-t-il. Pour le docteur qui a fait sa carrière dans la cessation du tabagisme, il faut éviter à tout prix une deuxième vague de pertes massives dues à l’industrie.