Inscrire un terme

Retour
Actualités

L’étude des plantes zombies : le futur du monde de l’agriculture

Marina Toure
28 février 2023

Crédit visuel : Courtoisie – Andrew Davies et Allyson MacLean, John Innes Centre 

Entrevue réalisée par Marina Touré — Cheffe du pupitre Actualités

La Rotonde a rencontré Dr Allyson MacLean, professeure adjointe, microbiologiste et biologiste des plantes à l’Université d’Ottawa. MacLean mène à travers son laboratoire une étude sur les plantes et les bactéries qui les affectent, et notamment leur impact sur l’agriculture. Elle discute avec La Rotonde de ses recherches sur les plantes «zombies», ainsi que du futur du monde de la botanique au Canada.

La Rotonde (LR) : Qu’est-ce qui vous a mené à réaliser cette recherche ?

Dr Allyson MacLean (AM) : J’ai toujours été fascinée par la façon dont des organismes qui ne sont pas semblables interagissent. Au cours de mes années postdoctorales au Centre John Innes, mes recherches ont porté sur une bactérie pathogène des plantes, qui modifie le développement des autres plantes.

Dans mon laboratoire, nous étudions la façon dont les plantes et les microbes interagissent, afin de mieux comprendre la symbiose. Nous étudions activement la manière dont les petites protéines appelées «effecteurs» sont produites par les micro-organismes pour favoriser la colonisation des hôtes végétaux. Ces effecteurs sont libérés par les microbes bénéfiques et pathogènes au cours de la symbiose. Ceux-ci interagissent ensuite avec des protéines cibles dans l’organisme hôte pour favoriser la colonisation du microbe dans les tissus de l’hôte, par exemple en réduisant l’immunité.

LR : Pourquoi avez-vous appelé ces plantes « zombies » ?

AM : Il faut d’abord comprendre que les plantes ne peuvent pas se déplacer et donc lorsqu’elles sont affectées, elles ne peuvent pas disperser activement un virus pathogène microbien. Cependant, ces bactéries modifient les plantes infectées pour utiliser les insectes, qui transportent les bactéries d’une plante à l’autre. 

Les plantes infectées deviennent plus attrayantes pour les insectes, car elles produisent plus de tissus végétatifs, et même des fleurs vertes. Nous supposons donc que la croissance des fleurs vertes et la prolifération accrue des feuilles et des tiges sont des leurres qui attirent les insectes, et en particulier les insectes femelles, qui pondent ensuite des œufs sur les plantes infectées. Une fois les œufs éclos, les nymphes se nourrissent de la sève de la plante et acquièrent la bactérie pathogène. 

Ce qui est intéressant et assez ironique c’est que les bactéries tuent presque invariablement les plantes, alors qu’elles viennent en réalité aider l’insecte à mieux survivre dans des conditions stressantes. Nous avons appelé les plantes infectées «zombies», car elles sont en fait des mortes-vivantes. Elles sont incapables de se reproduire, car leur croissance et leur développement ont été détournés pour nourrir un agent pathogène qui vit en elles. Ces plantes ne sont plus que des vaisseaux d’infection pour les autres plantes.

LR : Quelles sont les prochaines étapes dans votre recherche ?

AM : Actuellement, nous étudions le rôle des protéines effectrices microbiennes qui sont produites par deux microbes différents : un champignon bénéfique qui aide les plantes à pousser (champignons mycorhizes) et un virus pathogène important des plants de canola (Plasmodiophora). Dans les deux cas, notre objectif est d’aider les agriculteur.ice.s en produisant des cultures qui poussent mieux et nécessitent moins de traitement avec des produits chimiques, tels que des pesticides, des fongicides et des engrais.

LR : Qu’est-ce que vous souhaiteriez que le public comprenne et retienne à propos de votre recherche ?

AM : J’aimerais qu’il sache que les plantes aussi peuvent tomber malades. Les plantes peuvent être infectées par des virus et des bactéries, tout comme les personnes et les animaux. Et tout comme eux.elles, les plantes ont aussi un système immunitaire robuste qui les protège de la plupart des types d’infection et leur permet de guérir. Néanmoins, certaines de ces infections peuvent entraîner de graves maladies et donc affecter l’agriculture, ce qui a un impact direct sur le prix des aliments et sur notre capacité à nourrir les gens. Mais surtout, j’aime montrer aux gens à quel point les plantes sont vraiment cools! Il y a beaucoup de choses qui se passent chez nos amis verts.

LR : À quoi ressemblera selon vous le futur des recherches dans le monde de la botanique ?

AM : La culture verticale et l’agriculture en intérieur sont l’avenir de l’agriculture canadienne. Ces systèmes produisent des plantes 365 jours par an, même en hiver, en utilisant moins d’eau, un minimum d’engrais et aucun pesticide. L’agriculture verticale se répand rapidement au Canada, mais la recherche agricole est encore principalement axée sur les cultures en terre produites dans les champs traditionnels. Mais je pense que nous verrons bientôt un changement.

Une autre direction importante de la recherche future est le biopharming, c’est-à-dire la production d’agents thérapeutiques, tels que les vaccins et les anticorps, dans les plantes. Il s’agit d’un domaine de recherche dans lequel le Canada était un leader émergent, grâce aux avancées réalisées par l’entreprise Medicago au Québec. Ce qui est dommage c’est que l’entreprise va bientôt fermer, ce qui est une véritable perte. C’est un autre domaine qui sera intéressant à observer!

Inscrivez-vous à La Rotonde gratuitement !

S'inscrire