Inscrire un terme

Retour
Sports et bien-être

L’utilisation des stéroïdes anabolisants : entre tendance et risques

Jessica Malutama
1 Décembre 2024

Crédit visuel : Sophie Désy Photographe

Article rédigé par Jessica Malutama — Cheffe du pupitre Sports et bien-être

L’usage des stéroïdes anabolisants (SAA), autrefois cantonné aux sports de haut niveau, s’est répandu ces dernières années dans des contextes récréatifs et auprès de consommateur.ice.s séduit.e.s par leurs attraits esthétiques et athlétiques. Si cette tendance semble prendre de l’ampleur sur des plateformes comme TikTok, elle masque les risques potentiels pour la santé. Le phénomène soulève une problématique complexe, mêlant dimensions médicales, psychologiques et sociales, qui concernent un public jeune adulte et étudiant.

Que sont les SAA ? 

Les SAA sont des dérivés synthétiques de la testostérone imitant les effets de l’hormone naturelle sur l’organisme. Administrables par voie orale, transdermique ou par injection, ces substances favorisent des gains musculaires, tout en induisant des caractéristiques masculines, explique Ruth Wood, professeure en sciences anatomiques intégratives à la Keck School of Medicine de l’Université de Californie du Sud (USC). Elles sont souvent recherchées pour accroître la masse musculaire, réduire la graisse corporelle et améliorer les performances sportives, précise l’experte.

Une alternative de plus en plus populaire aux SAA est l’utilisation des modulateurs sélectifs des récepteurs androgéniques (SARMs), qui sont recherchés par les utilisateur.rice.s souhaitant éviter la masculinisation provoquée par les stéroïdes traditionnels, note Alexandra Pepin, diététiste spécialisée en nutrition du sport et candidate au doctorat en physiologie de l’exercice à l’Université d’Ottawa. 

Au Canada comme aux États-Unis, l’usage des SAA sans prescription est illégal, rappellent les deux spécialistes, en plus d’être banni par l’Agence Mondiale Antidopage, ajoute Pepin. Wood souligne toutefois que leur prescription est légale dans certains cas médicaux, comme pour les personnes ayant un faible taux de testostérone, les jeunes garçons ayant un retard pubertaire, ou les hommes transgenres.

Les risques pour la santé 

Bien que les SAA et les SARMs soient attirants pour ceux.celles cherchant à améliorer leurs performances athlétiques, Pepin et Wood attestent que les conséquences négatives pour la santé sont nombreuses

Parmi les possibles effets physiologiques, les spécialistes relèvent notamment une augmentation des risques de maladies cardiovasculaires, des troubles de la fertilité chez les hommes comme les femmes, de l’acné sévère, une perte de cheveux, et même un arrêt de croissance si les substances sont utilisées durant l’adolescence. Les effets psychologiques et comportementaux, eux, peuvent inclure l’anxiété, la dépression, l’irritabilité, l’agressivité, l’impulsivité, et des risques de dépendance. 

Chez les utilisatrices, des effets de masculinisation permanents peuvent survenir, comme le développement de la pilosité faciale et corporelle, un abaissement de la voix ou encore une hypertrophie du clitoris, ajoute Wood.

Pour Pepin, l’achat de ces substances sur le marché noir présente des risques supplémentaires pour des questions de qualité et de sécurité. Elle remarque aussi que les risques d’infections, telles que l’hépatite, la jaunisse ou le VIH, sont accrus lorsque les stéroïdes sont administrés par injection. De plus, l’utilisation combinée de différents types de stéroïdes ou les doses excessives augmentent les dangers pour la santé, continue-t-elle.

Wood évoque également un lien avec une augmentation de la violence domestique dans le cas de certain.e.s utilisateur.ice.s. « Il ne s’agit donc pas seulement des effets négatifs sur la santé de la personne elle-même, mais aussi de potentiels effets négatifs sur la santé de son entourage », conclut-elle.

Un phénomène qui dépasse le sport de haut niveau

Contrairement à ce que l’on pourrait penser, l’usage des SAA ne se limite pas aux athlètes de haut niveau, informe la professeure à USC. En réalité, la spécialiste rapporte que de nombreux.ses utilisateur.ice.s sont des personnes ordinaires, y compris des jeunes hommes et des étudiants dans la vingtaine. 

Pepin avance que l’utilisation des SAA au cours de la vie concerne environ 7 % des hommes cisgenres et 2 %  des femmes cisgenres, une statistique qui ne prend pas en compte l’usage des SARMs. 

« Dans la population générale, une des raisons souvent évoquées est l’esthétique et la pression sociale de correspondre à des standards sociaux valorisants des corps musclés et découpés au couteau », exprime l’experte. Ce phénomène ne se réduit donc pas à une question d’équité dans le sport, mais représente un véritable enjeu de santé publique, selon Wood. 

Cette dernière et Pepin relatent que le trouble de la dysphorie musculaire, ou bigorexie, touche particulièrement les hommes et consiste en une obsession du développement musculaire, qui peut aussi mener à une consommation excessive de substances anabolisantes.

Des solutions et une approche basée sur l’éducation

Wood fait remarquer qu’il n’existe pas de tests complets pour l’utilisation des SAA en dehors des sports de compétition, ce qui complique l’identification et le dépistage de leur abus dans la population générale. 

« Pour le développement de la force et de la masse musculaire, il n’y a pas de raccourci. Le plus important est d’avoir un programme d’entraînement qui répond à vos objectifs et d’y mettre du temps, de la qualité, de la constance, et beaucoup d’efforts », affirme Pepin. 

L’experte canadienne insiste sur l’importance de la récupération, essentielle pour maximiser les gains musculaires, et celle de travailler avec des entraîneur.se.s qualifié.e.s. En ce qui concerne la nutrition, une alimentation adaptée aux objectifs sportifs de chaque individu, pour soutenir et optimiser les résultats de l’entraînement, est de mise, notifie la professeure en nutrition.

Un recours aux diététistes spécialisé.e.s en nutrition sportive, offrant des conseils sur mesure en matière d’alimentation et d’utilisation de suppléments nutritionnels adaptés et efficaces pour le.la sportif.ve, se présente comme une option sécuritaire à considérer d’après Pepin. Elle indique que, dans les cas de dysphorie musculaire, des psychologues spécialisé.e.s peuvent accompagner les individus qui souhaitent changer leur rapport avec leur image corporelle. 

Enfin, face à la prévalence du phénomène, Pepin plaide pour une approche transparente, sans jugement, permettant à chacun.e de faire ses propres choix de manière éclairée. Elle souligne l’importance d’informer la population en mettant de l’avant une démarche fondée sur des données scientifiques véridiques, plutôt que de se limiter à instaurer un climat de peur ne mettant l’accent que sur les potentiels aspects négatifs des SAA.

Inscrivez-vous à La Rotonde gratuitement !

S'inscrire