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C-18
Actualités

Projet de loi C-18 : protéger les nouvelles canadiennes, à quel prix ?

Jacob Hotte
3 août 2023

Crédit visuel : Dawson Couture — Co-rédacteur en chef

Article rédigé par Jacob Hotte — Journaliste

Depuis quelques années, le gouvernement fédéral vise à conserver la culture canadienne sur Internet à l’aide de projets de loi. Parmi ceux-ci figure la Loi C-11 qui a été adoptée l’année dernière et qui aborde la modernisation de la Loi sur la radiodiffusion, et, plus récemment, la Loi C-18. Cette nouvelle législation obligerait les soi-disant « géants du Web », soit des compagnies comme Meta et Google, à compenser les médias canadiens pour la publication de leur contenu. 

La récente annonce de l’adoption de cette mesure par le gouvernement de Justin Trudeau n’a pas été sans riposte de la part de ces multinationales numériques. En guise de réponse, Google a déclaré que la plateforme Web cessera toute diffusion de liens d’actualité de médias canadiens sur son moteur de recherche. Meta, pour sa part, a bloqué l’accès au contenu journalistique sur ses plateformes, dont Instagram et Facebook.

Qu’est-ce que la Loi C-18 ?

Samuel Lamoureux est professeur du Département de communication à l’Université d’Ottawa (U d’O). Pour ceux.celles qui ne seraient pas familier.ère.s avec la Loi C-18, Lamoureux explique que celle-ci oblige l’introduction d’un cadre de négociations entre ceux qu’on connaît sous le nom de « géants du Web » et les compagnies de médias canadiens. Selon lui, ces discussions devraient entamer des accords entre les deux parties afin d’inciter des dédommagements économiques de la part des multinationales aux médias d’actualités pour le partage du matériel journalistique sur leurs plateformes. 

Michael Geist, professeur en common law à la Faculté de droit et Chaire de recherche du Canada en droit de l’Internet et du commerce électronique à l’U d’O, précise que si ces deux parties ne parviennent pas à atteindre une attente, les accords seront soumis à un processus d’arbitrage. En bloquant l’accès à l’actualité, des compagnies comme Google et Meta ne seraient toutefois plus assujetties à cette loi. D’après Lamoureux, cela serait une grave erreur de leur part. Leurs utilisateur.ice.s se tourneront vers d’autres plateformes qui pourront leur fournir l’accès aux nouvelles canadiennes, suggère-t-il.

Que pouvons-nous faire ?

En ce qui concerne le rôle du gouvernement, le professeur en communication soutient que le gouvernement fédéral a la possibilité de prendre un pas vers l’arrière afin de se trouver des allié.e.s. Il ajoute que l’Union européenne, les États-Unis (plus particulièrement la Californie) et l’Australie, se trouvent dans des situations similaires à celle du Canada. Lamoureux informe que l’Union européenne semble considérer l’adoption d’un projet de loi similaire à ceux du gouvernement canadien et australien.

À son avis, la position du Canada peut paraître assez faible si on la compare au statut des multinationales américaines que sont Meta et Google. En s’alignant auprès de ces États, le professeur en communication exprime que le Canada pourrait alors tenir tête aux « géants du Web ». 

De son côté, Geist ne pense pas que le Canada puisse accomplir grand-chose à cet égard. Il fait savoir que le projet de loi a déjà été adopté et il y a plusieurs limites qui se présentent face aux règlements utilisés par le gouvernement afin de renforcer cette loi. Il s’attend à ce que les plateformes numériques arrêtent de partager le contenu journalistique canadien afin d’éviter toute négociation. 

Ce dernier poursuit qu’il croit que l’intervention du gouvernement devrait se centrer davantage sur la sécurité des Canadien.ne.s en ligne et aborder les inquiétudes concernant les comportements anticoncurrentiels. Au lieu de faire cela, Geist estime que le gouvernement canadien utilise ces multinationales comme des investisseur.se.s potentiels face à la politique culturelle canadienne, soit en faisant profit sur leurs pratiques douteuses. 

Opinions divergentes

D’après le professeur de droit, les médias et les Canadien.ne.s ne bénéficieront pas de cette législation. Geist affirme que l’adoption de projets de loi, dont la Loi C-11 et C-18, risque d’avoir un impact négatif sur plusieurs groupes, notamment les créateur.ice.s de contenu. En ce qui a trait à la Loi C-18, il juge que la perte des nouvelles canadiennes sur ces plateformes pourrait potentiellement nuire aux organismes de presse canadiens et même au public canadien.

En abordant le cas de l’Australie, Lamoureux affirme qu’il est nécessaire de mettre en place des règlements à l’intérieur des espaces en ligne, étant donné qu’il ne croit pas d’un marché libre pour ceci. Selon ce dernier, le Canada s’est beaucoup inspiré du cas de l’Australie. Il estime que le gouvernement canadien sera capable d’arriver à une entente avec Google et Meta, comme l’a fait le gouvernement australien, auparavant. Cet argument ne semble guère plaire à Geist, n’étant pas convaincu par ce modèle passé. 

Le professeur de droit soutient que le News Media Bargaining Code, l’équivalent australien de la Loi C-18, a été adopté à une différente époque et qu’elle se différencie considérablement de la nouvelle loi canadienne. En bloquant tous médias canadiens d’actualité sur leurs plateformes, Geist rapporte que les accords existants avec les « géants du Web » seront abandonnés et la perte de trafic aura un impact significatif sur les médias.



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