Inscrire un terme

Retour
Arts et culture

Se tutoyer ou se vouvoyer, un vrai dilemme !

Marie-Ève Duguay
12 novembre 2021

Crédit visuel : Nisrine Nail – Directrice artistique 

Chronique rédigée par Marie-Ève Duguay – Cheffe de pupitre Arts et culture

C’était un mardi après-midi comme les autres. Un cours sur Zoom. J’observe mon ordinateur, l’icône de mon professeur perdu dans un océan de caméras fermées. Ma collègue lève sa main virtuelle. Elle prend la parole : « Professeur, pourrais-tu répéter ce que tu viens de dire ? ». Je sursaute.

Ce n’est pas la première fois que j’entends mes professeur.e.s se faire tutoyer par mes collègues de classe mais pourtant, je grince des dents à chaque fois. Évidemment, je ne connais pas les liens qui unissent mes professeur.e.s et les autres étudiant.e.s, ils.elles pourraient être très proches et le tutoiement pourrait alors être approprié.

Mais la question se pose toujours : est-ce que le vouvoiement est un concept désuet ?

Vouvoyer ou tutoyer ?

Marie-Josée Bourget est professeure à temps partiel à l’Université d’Ottawa (U d’O) et est aussi co-auteure du site Visez Juste de l’U d’O, qui sert de ressource pour ceux et celles qui voudraient améliorer leur français à l’écrit et à l’oral. Elle explique que, selon les règles de la langue française, le vouvoiement et le tutoiement s’inscrivent dans des circonstances particulières.

Bourget mentionne que de manière générale, le pronom « vous » devrait être utilisé lorsque nous nous adressons à des personnes plus âgées, à des individu.e.s que nous ne connaissons pas et à des gens ayant un statut social plus élevé, par exemple ses professeur.e.s et ses patron.ne.s. Pour plusieurs locuteur.ice.s de la langue française, le vouvoiement est signe de respect.

Le tutoiement, quant à lui, est une marque de proximité, d’intimité ou de familiarité. Son utilisation doit parfois être « accordée » dans certaines situations.

Question de régionalisme

D’après la professeure de l’U d’O, le fait de tutoyer les gens est très commun au sein de la communauté franco-ontarienne et uottavienne. Elle partage que lorsque la langue est en situation de minorité comme elle l’est en Ontario, le vouvoiement se fait plus rare. « Il n’existe pas d’équivalent en anglais pour le vouvoiement et le tutoiement. En Ontario, comme dans les autres endroits où l’anglais est omniprésent, les gens ont tendance à tutoyer davantage », illustre-t-elle.

La professeure se remémore également ses expériences d’enseignement dans la province de Québec, où ses étudiant.e.s avaient plus l’habitude de la vouvoyer que ses étudiant.e.s de l’U d’O. Elle mentionne aussi avoir remarqué que les étudiant.e.s internationaux.ales, par exemple ceux et celles qui sont issu.e.s de la France, ont plutôt tendance à la vouvoyer. D’après elle, l’utilisation du pronom « vous » varie donc selon la région.

Manque de respect ?

Si le vouvoiement était auparavant un signe de distance et de politesse, il semblerait que le concept soit en plein changement. Est-ce un changement positif ou un changement négatif ? Cela reste à voir.

Bourget souligne que, sans parler au nom de l’ensemble de faculté de l’U d’O, elle ne considère pas le tutoiement de ses étudiants comme un manque de respect. « Jamais je ne dirai que les étudiant.e.s qui me tutoient sont irrespectueux.euses. Il y en a plusieurs qui peuvent me vouvoyer et qui manquent quand même de respect ! », exclame la professeure.

Bien évidemment, ce n’est pas le cas pour tout le monde. Si je me mettais à tutoyer mes grands-parents, cela ne passerait pas. Il est pourtant bien de constater que notre langue évolue et que ses nombreuses règles sont un peu moins rigoureuses.

Je continuerai cependant d’utiliser le pronom « vous », que ce soit pour m’adresser à mes professeur.e.s ou aux client.e.s au travail. Appelez-moi old fashioned si vous voulez, mais je préfère attendre que l’on m’invite à se tutoyer. C’est plus simple que de risquer d’offenser quelqu’un.e.

Inscrivez-vous à La Rotonde gratuitement !

S'inscrire