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Éditorial

Transports en commun : Ottawa coupe, les étudiant.e.s trinquent

Camille Cottais
23 septembre 2024

Crédit visuel : Hidaya Tchassanti Directrice artistique

Éditorial collaboratif rédigé par Camille Cottais – Rédactrice en chef

Suite à de nouvelles coupes budgétaires, la ville d’Ottawa a réduit depuis le 26 août dernier la fréquence du train léger de 5 à 10 minutes entre 9 h et 15 h et entre 18 h 30 et 21 h 30, en semaine. À cette réduction absurde des services s’ajoutent les orientations budgétaires risibles proposées récemment par le maire Mark Sutcliffe, comprenant une augmentation jusqu’à 75 % du tarif des transports en commun. Ces décisions austères sont révélatrices d’une municipalité se contrefichant de sa population étudiante.

Tarifs en hausse, services en baisse

Ces coupes, qui toucheront en premier lieu les résident.e.s les plus vulnérables, dont les étudiant.e.s, s’inscrivent dans la lignée de celles de l’an dernier, qui avaient notamment réduit le nombre d’autobus de 850 à 700. Selon Horizon Ottawa, plus de 1300 résident.e.s ont envoyé des courriels aux conseiller.e.s de la ville pour leur demander de revenir sur les réductions, et plus de 30 délégué.e.s se sont exprimé.e.s devant la Commission des transports le 12 septembre, incluant la présidente du Syndicat étudiant de l’Université d’Ottawa (SÉUO), Delphine Robitaille.

Mais en vain, tant le mépris est flagrant. L’échec de la motion du conseiller Leiper, mercredi dernier, visant à revenir sur les coupes, a exposé la déconnexion de la majorité des conseiller.e.s de la capitale nationale avec la réalité de leur électorat.  Relevons l’audace de nombreux.ses conseiller.e.s s’étant opposé.e.s à la motion sous prétexte que les économies devraient être réinvesties dans l’amélioration des services de bus de leur circonscription. Ces mêmes conseiller.e.s ont pourtant tou.te.s voté sans vergogne pour la réduction des services de transport en commun dans le budget 2024.

Le 16 septembre, le Comité des finances de la ville a approuvé les orientations budgétaires pour 2025, incluant la suggestion démesurée du maire d’augmenter le prix du billet jusqu’à 75 %. Concrètement, cela signifierait extorquer 6,74 dollars pour un simple trajet en autobus. En parallèle, notons le plafonnement de l’augmentation de l’impôt foncier à 2,9 %, qui ne correspond même pas au taux de l’inflation et ne fera que détériorer davantage la qualité des services sociaux. Seuls trois conseillers municipaux – Jeff Leiper, Shawn Menard et Rawlson King – ont eu le courage de s’y opposer, évoquant un « budget catastrophique» et « une recette pour le désastre ».

Si nous résumons donc, du haut de leur tour d’ivoire, les conseiller.e.s d’Ottawa choisissent délibérément d’assassiner le service public. Ils et elles refusent de financer adéquatement les transports en commun et d’augmenter les taxes, transférant le coût aux usager.e.s de ce service. La présidente du Syndicat rassure La Rotonde que l’entente actuelle du U-Pass prévoit une augmentation fixe de 2,5 % par an, mais à quel prix ? Les personnes à faible revenu, encore une fois, payeront les pots cassés d’un projet mal géré par la ville.

Une municipalité qui n’a pas à cœur ses étudiant.e.s

Pour la présidente du SÉUO, la réduction des services du train léger – en pleine rentrée scolaire – a un impact significatif sur les étudiant.e.s de l’U d’O, dont une large majorité dépend des transports en commun pour ses déplacements quotidiens. Les coupes concernent les heures dites « creuses » selon OC Transpo, mais comme l’a souligné Robitaille lors de la réunion de la Commission des transports, les horaires de cours et de travail des étudiant.e.s ne s’alignent pas sur la journée de travail traditionnelle « 9 à 5 ».

Le sort du train léger repose dans les mains d’une poignée de conseillers ne prenant pas les transports en commun et ne connaissant rien aux réalités des étudiant.e.s et des résident.e.s du centre-ville. Ainsi, comme le montre cette carte d’Horizon Ottawa et comme le souligne Robitaille, la motion pour revenir sur les réductions a été refusée par des conseiller.e.s municipaux.ales provenant des banlieues d’Ottawa, dans lesquelles l’utilisation de la voiture est plus répandue.

L’entente U-Pass avec l’U d’O génère près de 20 millions de dollars de revenus annuels pour OC Transpo, souligne Robitaille. Pourtant, la ville d’Ottawa n’a même pas daigné consulter les groupes étudiants sur cette décision qui impacte profondément leur quotidien. Bref, entre son retrait honteux du défilé de la fierté suite à la Déclaration de solidarité avec la Palestine de Fierté dans la Capitale, son soutien indéfectible à la police et ces récentes coupes du train léger, il est manifeste que la ville d’Ottawa ne défend plus – pour peu qu’elle l’ait jamais fait – les intérêts de ses jeunes et de ses étudiant.e.s.

Une capitale à la traîne

Les problèmes de transport à Ottawa ne se limitent pas à leur prix et à leur fréquence : autobus constamment en retard voire annulés sans préavis, chauffeur.se.s impatient.e.s et maintenances à répétition du train léger sont devenues une triste routine. Le service offert par OC Transpo est tout simplement indigne d’une capitale nationale.

Si l’on compare la ville aux autres grandes métropoles canadiennes, Ottawa fait d’ailleurs pâle figure. À Montréal, Toronto ou Vancouver, on compte au moins trois lignes de métro pour des tarifs similaires, tandis que la potentielle deuxième ligne de train léger d’Ottawa est retardée depuis plusieurs années. Nick Grover, membre exécutif de l’association Free Transit Ottawa (FTO), qui milite pour la gratuité, la fiabilité et l’accessibilité des transports en commun à Ottawa, déplore qu’Ottawa ne suive pas l’exemple de Toronto, Edmonton, Calgary, ou encore Washington DC, qui ont investi dans les services hors des heures de pointe, ce qui leur a permis de retrouver une fréquentation record.

De l’autre côté du canal Rideau, la situation laisse également à désirer. À Gatineau, il faut parfois attendre une heure pour voir passer certains autobus, et plusieurs axes sont si peu desservis qu’un trajet de 15 minutes en voiture peut se transformer en un calvaire de plus d’une heure en bus.

Actuellement, nous, les 38 000 étudiant.e.s de l’U d’O « bénéficiant » du U-Pass, payons donc des centaines de dollars pour attendre des bus qui ne passeront pas, pour être en retard à nos cours et faire face à des pannes mécaniques dans un train à peine âgé de cinq ans. Il serait temps que Monsieur Sutcliffe et son conseil municipal prennent les transports en commun pour se rendre à leurs réunions, peut-être réaliseraient-ils alors l’urgence de fournir un service qui ne fasse pas honte à notre ville.

Transports gratuits : un pas vers la justice sociale et climatique

Pour Grover, le Canada a beaucoup à apprendre de ses voisins ouest-européens et de certaines villes américaines, comme Kansas City et Albuquerque. Ces exemples illustrent selon lui « l’effet libérateur de la gratuité des transports en commun pour les personnes à faible revenu ».

Robitaille rappelle que le SÉUO a également une position officielle sur le transport en commun, affirmant que le Syndicat « milite pour la gratuité du transport en commun et soutient l’expansion des infrastructures de transport public aux niveaux municipal, provincial et fédéral ». Le SÉUO est de plus favorable à l’électrification des flottes de bus et des trains, ainsi qu’au développement de systèmes de transport interurbains.

Mais alors, comment financer tout ça ? Déjà, nous pourrions arrêter d’investir dans des projets absurdes et inefficaces qui ne font que perpétuer notre dépendance à la voiture. Les 50 millions de dollars du projet d’élargissement des routes de la Ville d’Ottawa pourraient être réinvestis dans les transports en commun. Ottawa ne peut pas à la fois déclarer l’urgence climatique et continuer à développer de la sorte une infrastructure centrée sur l’automobile.

De la même façon, il est révélateur que la contravention pour fraude dans les transports soit au prix exorbitant de 260 dollars, mais seulement une cinquantaine pour ne pas avoir payé sa place de stationnement. Bien qu’il s’agisse d’une mesure impopulaire, augmenter les contraventions pour les conducteur.ice.s aiderait à financer la gratuité des transports en commun pour les étudiant.e.s et les résident.e.s les plus pauvres, tout comme l’augmentation des taxes foncières et des taxes pour les ménages possédant plus de deux véhicules.

La gratuité des transports pour les étudiant.e.s n’est pas seulement une question d’équité financière. C’est l’occasion pour Ottawa de montrer l’exemple en matière de développement durable et de soutenir les jeunes générations dans leur parcours universitaire. Nous nous réjouissons que le Syndicat agisse pour qu’OC Transpo cesse d’exploiter notre patience et nos portefeuilles, et il serait temps que l’U d’O en fasse de même.

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