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Vers une semaine de quatre jours au Canada ?

Dawson Couture
21 juillet 2022

Crédit visuel : Timon Studler – Unsplash

Article rédigé par Dawson Couture – Journaliste

Henry Ford a révolutionné le marché du travail, il y a près d’un centenaire, avec l’introduction de la semaine de cinq jours. Aujourd’hui, une nouvelle révolution se pointe à l’horizon, à mesure que la semaine de quatre jours gagne en popularité. Peut-on s’attendre à ce qu’elle devienne la nouvelle norme ?

Andrew Barnes, auteur du livre La semaine de 4 jours et cofondateur de 4 Day Week Global, est convaincu que oui. Son organisme cherche à conseiller les entreprises qui travaillent en horaires réduits et à soutenir les programmes pilotes dans le monde entier. Pour l’entrepreneur de carrière, l’idée n’est pas seulement d’avoir une journée additionnelle de congé par semaine, mais « d’assurer la productivité et d’atteindre les objectifs professionnels, personnels et de l’équipe ».

Gilles Grenier est professeur émérite au Département de science économique de l’Université d’Ottawa. À ses yeux, le monde n’est pas encore prêt à travailler seulement quatre jours par semaine, « à moins d’être prêt à réduire le revenu ». Pour lui, la mesure semble d’autant plus improbable dans la situation financière mondiale actuelle.

La flexibilité, à quel coût ?

Il existe deux grandes familles de stratégie pour la semaine de quatre jours, soit augmenter les heures de travail par jour (quatre jours de dix heures) ou maintenir les journées traditionnelles (quatre jours de huit heures). Barnes insiste que ceux.celles qui possèdent des horaires réduits ne devront pas nécessairement voir leur salaire diminuer. Son organisme propose le second modèle « 100-80-100 » : retenir 100 % de son salaire pour 80 % du temps tout en maintenant une productivité de 100 %.

Pour Barnes, la pandémie a servi de catalyseur pour « l’explosion » dans la demande d’entreprises pour ce modèle. Les salarié.e.s ont commencé à exiger des heures plus flexibles pour tenir compte de leurs obligations familiales, ajoute Grenier. Barnes conclut que le marché de l’emploi a évolué dans le sens où les employé.e.s peuvent se permettre de prendre en charge le type d’emploi qu’ils.elles souhaitent. 

Les salarié.e.s réclament surtout une plus grande flexibilité dans leurs horaires, affirme-t-il. La quatrième étude jeunesse publiée par Léger en 2022 a déterminé que, outre le salaire et la sécurité d’emploi, un horaire flexible constitue le facteur décisif pour le bien-être au travail. De nombreux.euses jeunes ont déclaré qu’ils.elles seraient prêt.e.s à réduire leurs heures de travail pour garantir un horaire flexible.

Barnes et son équipe ont également remarqué une augmentation du nombre d’employeur.euse.s voulant offrir un meilleur lieu de travail. Selon une étude, la semaine de quatre jours entraîne une hausse de la satisfaction, une diminution des cas d’épuisement, une meilleure créativité et une amélioration de la santé mentale. 

Surmonter la pénurie de main-d’œuvre

L’un des éléments clés dans le mouvement vers une semaine de quatre jours, pour Barnes, est les données empiriques d’études sur le terrain. C’est pour cette raison, ajoute-t-il, que 4 Day Week Global a établi un partenariat avec le World Wellbeing Movement. Il explique que cette initiative, dirigée par l’Université d’Oxford, est destinée à améliorer la façon dont on mesure le bien-être au travail, ainsi que ses avantages pour les entreprises et l’économie

La semaine de quatre jours est présentée par Barnes et ses partisan.e.s comme une solution partielle à la pénurie de main-d’œuvre à travers le monde. La « grande démission », phénomène selon lequel les salarié.e.s quittent volontairement leurs emplois en masse, laisse aujourd’hui d’importantes lacunes dans la main-d’œuvre. La semaine de quatre jours pourrait non seulement attirer les jeunes, constate-t-il, mais aussi retenir les salarié.e.s plus âgé.e.s qui songent à la retraite.

Grenier pense qu’une telle mesure pourrait en réalité empirer les soubresauts de cette pénurie. Afin de diminuer les heures de travail sans affecter la production de biens et la disponibilité de services, il suggère que la productivité devrait augmenter et que des machines remplacent certain.e.s employé.e.s. « On ne peut pas militer pour la réduction du temps de travail et, en même temps, se plaindre des pénuries de main-d’œuvre », insiste-t-il.

Optimiser les heures de travail

Grenier explique que la réduction des heures de travail découle principalement d’une logique d’augmentation de la productivité. Alors qu’il reste sceptique quant à l’efficacité de cette mesure, de nombreuses études rapportent une amélioration du rendement des employé.e.s lorsque les heures de travail diminuent. Le plus grand test pilote, réalisé par 4 Day Week Global en Islande entre 2014 et 2021, a entraîné un niveau de service similaire ou même meilleur sous le modèle d’heures réduites. L’étude en Suède, en revanche, a eu des résultats mitigés, en grande partie à cause des coûts élevés liés au lancement. 

Le programme offert par son organisme se concentre sur la création d’un lieu de travail axé sur la productivité, explique-t-il. En augmentant le temps libre pour mieux récupérer et en réduisant le temps perdu au travail, Barnes souhaite installer une structure et une culture qui misent sur des périodes de concentration. Selon lui, le modèle « 100-80-100 » a prouvé qu’il pouvait améliorer la productivité, l’efficacité et les performances des entreprises.

Alors que l’Amérique du Nord demeure un terrain relativement vierge pour la semaine de quatre jours, 4 Day Week Global a annoncé le 20 juillet 2022 que 20 autres entreprises nord-américaines se sont inscrites à leur programme pilote de six mois. Plus de 4 000 employé.e.s de 60 compagnies canadiennes et américaines bénéficieront d’un jour de congé supplémentaire par semaine, sans réduction de salaire. Reste à voir si les résultats déboucheront sur l’adoption générale de ce modèle à l’avenir.

 

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