Inscrire un terme

Retour
Sports et bien-être

Ce qu’un diagnostic ne te dira pas

Mabinty Toure
13 février 2023

Crédit visuel : Marie-Ève Duguay – Rédactrice en chef 

Chronique rédigée par Mabinty Toure – Journaliste 

De nos jours, les algorithmes de nos réseaux sociaux sont particulièrement précis. Je m’en suis aperçu en 2021 lorsque je suis tombée sur une vidéo « Voici les signes que tu as peut-être le TDAH ». Dans les commentaires de cette vidéo, plusieurs individus se reconnaissaient fortement dans les symptômes : difficulté à se concentrer, inattention, dysfonctionnement exécutif, oubli, fatigue cognitive, etc. Ce que je ne savais pas, c’est que la réalité qui se cachait derrière cette révélation était moins plaisante.

Des outils de diagnostics inappropriés 

Avant de commencer, dressons un tableau de la situation. Le trouble déficitaire de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH) est un trouble neurodéveloppemental caractérisé par l’inattention, l’hyperactivité ou l’impulsivité. Les symptômes du TDAH sont nombreux et variés. Ils peuvent apparaître dès la petite enfance, en âge scolaire, poussant les parents à consulter des professionnel.les de ce trouble. Un article du magazine Naitre et grandir constate que « les enfants peuvent avoir de la difficulté à suivre plusieurs consignes, à rester assis pendant de longues périodes, à se concentrer sur des tâches intéressantes ».

Le trouble de déficit de l’attention est souvent mal représenté et mal interprété par le public général, ainsi que par le monde médical. C’est une des difficultés lorsque l’on a une incapacité invisible. Des études montrent des disparités de genre importantes dans la présence du TDAH. Une recherche démontre par exemple que la prévalence du TDAH est environ deux fois plus élevée chez les hommes que chez les femmes. Il existe donc un ensemble de préjugés et une grande méconnaissance des symptômes présents chez les femmes.

Il existe cependant encore moins d’études sur l’expérience des personnes racisées avec le TDAH. « Relativement, peu d’études examinent spécifiquement les aspects de la race ou de la variation culturelle, bien qu’il y ait eu une certaine augmentation au fur et à mesure que les études sur le TDAH se sont développées », insiste un article. Les personnes racisées sont beaucoup moins susceptibles de se faire diagnostiquer avec un TDAH, et ce pour plusieurs raisons. Une des causes est la présence de barrières systémiques et économiques, mais surtout le fait que les outils de diagnostic sont conçus pour reconnaître les symptômes chez les hommes blancs.

Les symptômes du TDAH chez les jeunes enfants noirs sont souvent interprétés comme de mauvais comportements. On entend : « Cet enfant est à problème, il n’arrive pas à se concentrer, il ne remet jamais ses travaux à temps, il n’est pas intelligent. » Ces derniers bénéficient alors rarement de l’attention médicale nécessaire à leur réussite scolaire.

De la discrimination sous toutes ses formes

La discrimination raciale dans le monde médical s’observe à plusieurs niveaux. Dans une vidéo de la chaîne How To ADHD intitulée « What it’s like to be ADHD and Black», des adultes noirs racontent l’impact de l’obtention tardive d’un diagnostic. Originaires de différents pays, les intervenant.e.s mentionnent tou.te.s avoir reçu un diagnostic tard dans leur vie. Pour certain.e.s, il a fallu des séjours prolongés en psychiatrie. D’autres se sont fait diagnostiquer avec un trouble dépressif ou anxieux avant de savoir que c’était le TDAH. Cette expérience est partagée par beaucoup, d’où l’importance d’en parler.

Mais, cette discrimination s’observe également dans la vie de tous les jours. Les sujets qui touchent la santé mentale sont encore tabous et font les frais de mauvaise gestion de la part de la société. J’en ai moi-même fait les frais. Après avoir eu les symptômes du TDA (sans hyperactivité) toute ma vie, j’ai rencontré de grands obstacles pour finalement obtenir un diagnostic.

À travers les différents réseaux de médecins de famille ou de conseiller.ère.s en santé mentale, je recevais les mêmes commentaires : « Tu as de si bonnes notes et tu m’as l’air bien organisé, je ne pense pas que tu as le TDAH, tu es sûrement juste anxieuse et submergée ». La réalité de la discrimination et du manque de reconnaissance du TDAH chez les personnes racisées mènent à un processus de diagnostic décourageant auquel nous devenons habitué.e.s. Le sentiment d’imposteur est très présent.

Au sein de la communauté noire, la stigmatisation des sujets de santé mentale apporte aussi son lot de problèmes. Il y a une peur constante de se faire poser une étiquette. La méfiance et le manque de confiance envers les médecins compliquent aussi la situation.

Trouver du soutien sur les réseaux sociaux

Pour cette raison, les réseaux sociaux et la montée de la discussion sur le sujet du TDAH ces dernières années ont largement contribué à m’offrir un espace sécuritaire pour me sentir légitime. La créatrice du contenu TikTok ADHD while Black a particulièrement contribué à mon apprentissage de la gestion du TDA.

Je sais, il est aussi dangereux d’assumer sa situation à partir des réseaux sociaux. Mais, face à toutes les barrières qui existent dans le monde de la santé mentale, les autodiagnostics ont leur validité. Il serait beau que les systèmes de santé mentale soient suffisamment fonctionnels pour pouvoir aider tout le monde, mais c’est loin d’être le cas. Il est donc toujours possible de recevoir des conseils et des astuces hors du cadre général, pour être supporté.e temporairement dans cette situation.

Inscrivez-vous à La Rotonde gratuitement !

S'inscrire