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Sports et bien-être

Diagnostiquer un amour toxique

Dawson Couture
16 février 2023

Crédit visuel : Marie-Ève Duguay – Rédactrice en chef

Article rédigé par Dawson Couture – Chef du pupitre Sports et bien-être

Des milliers de Canadien.ne.s ont passé le 14 février cette année dans une relation communément qualifiée comme « toxique ». Si ce terme est souvent employé au 21e siècle, cela ne veut pas dire pour autant qu’il n’a pas de sérieuses implications. La difficulté dérive toutefois d’identifier ce type de relations afin de ne pas avoir à revivre l’angoisse et la peine d’une autre Saint-Valentin nocive.

Reconnaître les signes

Simon Lapierre est professeur à l’École de travail social à l’Université d’Ottawa. Celui-ci insiste sur l’importance de distinguer entre deux interprétations du terme « relation toxique ». Ces relations peuvent d’abord être comprises comme des relations conflictuelles où « on a l’impression que les deux tirent chacun leur côté de la couverte ». Cela est très différent des relations caractérisées par le contrôle et la manipulation, qui sont plus typiques, et souvent associées à la personnalité toxique d’un.e partenaire, ajoute-t-il.

Une étudiante qui désire rester anonyme témoigne avoir vécu à deux reprises ce deuxième type de relation toxique. Alors que dans une de ses relations, ce n’est que plusieurs années plus tard qu’elle a constaté la réalité toxique de sa situation, pour la seconde, une accumulation de plusieurs « red flags » a mené à la rupture. « J’avais relié tous ces petits moments où quelque chose ne tournait pas rond. Ça m’a frappé d’un seul coup quand j’ai réalisé qu’il essayait de me contrôler de toutes les manières possibles », atteste-t-elle.

Lapierre confirme que les personnes « toxiques » arrivent à contrôler petit à petit la vie de leur partenaire. Cela mène à une privation de liberté, une perte de contrôle, un isolement de leur entourage et une remise en question permanente de soi-même, révèle-t-il. L’étudiante atteste avoir connu tous ces symptômes, mais davantage le dernier : « Pour chaque sentiment qu’on éprouve, on se demande si on réagit de manière excessive, si cela vaut la peine d’en parler et de déclencher une dispute », témoigne-t-elle.

Ce type de témoignage mène le professeur à suggérer que le terme « relation toxique » est en réalité un euphémisme pour une relation qui est violente. « Pour moi, dire que c’est une relation violente permet de nommer les choses telles qu’elles le sont », affirme l’expert en violences conjugales. Il suggère que la violence physique est un ingrédient parfois présent dans les relations contrôlantes, mais pas toujours. Ces relations incluent souvent, selon lui, d’autres formes de violence, comme la surveillance, la privation de ressources et de droits, l’exploitation sexuelle et les abus émotionnels.

Des racines toxiques

Au cœur de chaque relation toxique se trouve une personnalité toxique, atteste Lapierre. Il serait toutefois imprudent de suggérer que ces individus, plus fréquemment des hommes, sont tout simplement le produit de leur environnement, souligne-t-il. Pour Lapierre, il n’y a pas de lien de causalité entre les traumatismes vécus à l’enfance, par exemple, et la manipulation de son.sa partenaire. Les comportements toxiques sont donc, avant tout, un choix émanant d’une volonté de contrôler l’autre, conclut-il.

En raison du comportement contrôlant, le professeur confirme que la victime se sent souvent prise au piège. C’est ce que relate l’étudiante, qui confirme avoir développé de forts sentiments pour une version de la personne qui n’a pas duré. Elle décrit un « cycle addictif », dans lequel certains partenaires « donnent juste assez pour que vous restiez et dès qu’ils sentent que vous vous éloignez, ils vous donnent l’amour fou que vous manquiez ». Elle insiste que les auteur.e.s de ces comportements peuvent créer des hauts dans la relation pour justifier les bas et remettre en cause les pressentiments de l’autre.

L’étudiante estime que les problèmes d’estime de soi expliquent en partie cette volonté de s’assouplir aux besoins de l’autre. Elle enchaîne que le fait d’avoir des exemples sains d’amour et de croire que l’on mérite la même chose joue un rôle dans la création de relations toxiques. « Lorsqu’on est aux prises avec notre estime de soi, on essaie de gagner l’amour de la personne indépendamment de la façon dont elle nous traite », admet-elle. Cela révèle les sentiments de honte, d’orgueil et de déni qu’elle témoigne avoir ressentis et qui ont permis à la relation de perdurer malgré tout, raconte Lapierre.

Plan d’évacuation

Le processus pour sortir d’une telle relation est souvent laborieux et long, certifie le professeur. Il raconte que la personne prise au piège devient dépendante, non seulement émotionnellement, mais aussi souvent financièrement. Les victimes peuvent se retrouver isolé.e.s de leurs proches, suscitant ainsi un sentiment d’impuissance. Les promesses de changement, le harcèlement et le manque d’autonomie expliquent, selon Lapierre, pourquoi ces relations sont souvent marquées par des allez-retours.

Lapierre souligne que la première étape est de réaliser que l’on est dans une relation malsaine. « Lorsque quelque chose cloche dans la relation, ne restez pas là à chercher à savoir pourquoi », conseille l’étudiante. Lapierre recommande de chercher de l’aide aussitôt que possible. Des professionnel.les sont disponibles 24 heures sur 24 et sept jours sur sept à SOS Violence conjugale au Québec et Fem’aide en Ontario, entre autres. Quant aux ami.e.s et membres de la famille, l’étudiante leur conseille d’être là pour les victimes, sans les juger.

Avant tout, l’étudiante supplie de ne pas tomber amoureuse du potentiel de quelqu’un. « Rappelle-toi que dès que la personne commence à changer, tu n’as pas besoin de continuer à courir après ce qu’il était au début », affirme-t-elle. Il faut se souvenir, selon le professeur, qu’une relation fonctionnelle et saine est seulement possible lorsque la relation est ou tend vers l’égalité.

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