Inscrire un terme

Retour
Arts et culture

Il faut souffrir pour se divertir 

Marie-Ève Duguay
18 février 2022

Crédit visuel : Nisirine Nail -Directrice artistique, Courtoisie – HBO et AMC

Chronique rédigée par Marie-Ève Duguay – Cheffe du pupitre Arts et culture

Utilisation de drogues, caractère sexuel, langage coloré, scènes de violence, émotions fortes… Ce ne sont que quelques exemples de trigger warnings ou de «traumavertissements» avec lesquels sont plaqués les émissions de télévision et films qui font présentement fureur. Si le visionnement de ce genre de contenu est accompagné de tant de risques, pourquoi y sommes-nous autant attiré.e.s ? 

Je sais que je ne suis pas la seule qui est touchée par ce phénomène. Il y a d’ailleurs plus de 13 millions de spectateur.ice.s qui visionnent la série Euphoria, dont la diégèse explore la vie d’étudiant.e.s du secondaire et leurs parcours qui s’entremêlent à la drogue et à la violence. La série est supposée être un «teen drama»  un drame pour adolescent.e.s mais son sujet est loin d’être adapté pour de jeunes spectateur.ice.s. Le jeu des acteur.ice.s est peut-être bon, mais le caractère graphique et certainement choquant de la série prend rapidement le dessus.

Dans le but d’obtenir une réponse à ma question initiale, je me suis lancée en recherche. Voici ce que j’ai trouvé comme raisonnement possible pour expliquer ce phénomène.

Effet cathartique 

Les chercheur.euse.s semblent d’abord d’accord sur le fait que visionner du contenu à nature anxiogène a un certain effet cathartique sur le corps et la psyché du.de la spectateur.ice. Le concept de catharsis par le divertissement a vu le jour avec Aristote et les tragédies grecques. La théorie stipule que les formes de divertissement dans lesquelles les taux de peur et d’anxiété sont élevés permettent à ceux et celles qui en font l’expérience de purger et « purifier » leurs émotions négatives.

La théorie d’Aristote permet d’expliquer pourquoi je suis constamment à la recherche d’émissions et de films qui m’épuisent émotionnellement et même parfois mentalement.  Je suis particulièrement amatrice de la série culte Breaking Bad, qui, en dépit du fait que chaque épisode se termine de manière négative, ne me lasse jamais. Les épisodes, qui sont constamment stressants, servent un peu à canaliser les émotions que je ressens de manière quotidienne et servent ainsi justement d’exutoire.

Raisonnement chimique 

Au-delà de l’effet cathartique qu’ils procurent, les émissions et les films de ce genre semblent enclencher un processus chimique qui peut expliquer leur si grand attrait. Les hormones du plaisir soit l’adrénaline et les endorphines sont libérées dans notre cerveau lorsque nous vivons des sensations fortes. D’après les professionnel.le.s du blog Voo, « aimer se faire peur est donc naturel ».

En visionnant des émissions comme celles mentionnées plus tôt, les effets tels que le battement rapide du cœur et la forte respiration je dois souvent mettre à pause mon visionnement tellement ces effets sont puissants – sont éventuellement remplacés par une sensation de soulagement qui peut devenir addictante.

Sentiment de contrôle

Outre ces deux explications, la consommation de contenu visuel qui déclenche de fortes émotions peut aussi offrir aux spectateur.ice.s un sentiment de contrôle. En faisant la rencontre de « mauvais » personnages de séries ou de films et en faisant le témoignage de leur écroulement face aux « bons » personnages, nous pouvons ressentir un sentiment d’apaisement lorsque l’ordre est rétabli.

Je crois que c’est surtout cet aspect qui m’attire vers ce genre de contenu. Dans un monde comme celui où nous vivons présentement, qui est plutôt désordonné ces jours-ci, il est toujours bien d’avoir le sentiment d’être en contrôle. Et puis, quand les émissions et les films deviennent trop intenses, nous avons toujours l’option d’arrêter le visionnement !

Bref, peu importe les raisonnements qui se cachent derrière l’attrait aux émissions stressantes et choquantes, une autre question se soulève. Toutes ces réflexions me poussent à me demander s’il est inapproprié de se réjouir autant de la misère des autres parce qu’entendons-nous, les personnages souffrent souvent dans ce genre d’histoire, qu’elles soient inventées ou non. Ça reste à voir…

Inscrivez-vous à La Rotonde gratuitement !

S'inscrire