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Arts et culture

L’amour est dans le 5G : une semaine sur Tinder

Marie-Ève Duguay
9 décembre 2021

Crédit visuel : Nisrine Nail – Directrice artistique 

Chronique rédigée par Marie-Ève Duguay – Cheffe de pupitre Arts et culture

À force de m’entendre chialer d’être célibataire, mes ami.e.s m’ont finalement convaincue de joindre le monde des rencontres en ligne. J’ai donc consacré les sept derniers jours de ma vie à faire défiler des profils sur Tinder. Voici comment s’est passée ma semaine.

Avec plus de 6.44 millions de téléchargements, Tinder est l’application de rencontre la plus populaire. Je ne sais pas si ces 6.44 millions de personnes ont connu du succès (ce serait plutôt surprenant), mais je connais quand même plusieurs individu.e.s qui ont pu faire des rencontres significatives. Après tout, comme l’affirme le site web de Tinder, « c’est maintenant plus simple que jamais de faire des rencontres en ligne ! ».  Si ces gens de mon entourage ont eu de la chance, rien ne m’empêche de trouver quelqu’un moi aussi.

N’est-ce pas ?

Premières impressions

Je me lance tête première dans l’univers de Tinder avec beaucoup d’anticipation. J’avoue même que je suis un peu excitée. Oh, la naïveté…

J’indique sur mon profil que je suis une femme hétérosexuelle âgée de 20 ans. Je passe plusieurs minutes à défiler mes albums photos afin d’en trouver cinq qui me représentent le mieux.

Quelques minutes après avoir créé mon profil, je me mets à glisser à droite et (surtout) à gauche. Dès les premiers instants sur l’application, je constate que ce n’est pas tout le monde qui choisit aussi méticuleusement que moi ses photos. Je compte 37 photos de pêche lors de ma première journée seulement. C’est impressionnant, quand même. Entre photos de char, de trophées de chasse et de selfies torse-nu dans le miroir, ma semaine ne s’annonce pas prometteuse. C’est le male gaze à son meilleur (ou à son pire).

Si les photos posent clairement problème, les biographies, quant à elles, laissent encore plus à désirer. Entre la personne anonyme qui « recherche une personne attirée par le sexe scato » et untel qui « [n’est] pas vacciné et qui ne le sera jamais », je dois dire que mes options sont quand même limitées.

Éventuellement, à force de glisser, je tombe quand même sur des profils intéressants. Au cours des premiers jours, j’obtiens au-delà d’une centaine de matchs.

Quelques observations

La formule reste toujours la même : je glisse, je reçois un match, je trouve dans ma messagerie un pick-up line quétaine ou un simple « allô ». À quelques reprises, je me surprends à faire le premier pas et j’envoie moi-même le message initial. Le tout devient très monotone, très rapidement, et les profils se mélangent. Au bout de quelques jours, je vois tellement de gens que j’ai l’impression de jouer à un jeu. C’est comme être dans un épisode de la série Netflix Black Mirror.

Une fois l’étape inconfortable des conversations banales passée je fais ici référence aux « quelle est ta couleur préférée ? » et des « dans quel programme étudies-tu ? » je réalise qu’il est quand même possible de faire des connexions captivantes. L’expérience me force à sortir de ma zone de confort.

Si je réussis à me sécuriser quelques rencontres en personne, plusieurs d’entre elles tombent malheureusement à l’eau. Je remarque rapidement que même les hommes qui indiquent qu’ils sont à la recherche de « quelque chose de sérieux » ne le pensent pas vraiment. Comme me le confirme un de mes matchs, Tinder est effectivement plutôt utilisé pour des rencontres moins sérieuses.

Sept jours plus tard…

Mon expérience sur Tinder n’est pas complètement négative, mais je remarque vite à quel point il peut être épuisant et endommageant mentalement d’entretenir une présence sur l’application. À force de se faire ghoster action qui consiste à mettre un terme à une relation en arrêtant, sans avertissement, de communiquer avec l’autre partie Tinder peut rapidement devenir décourageant pour n’importe qui.

Il va sans dire que pour ceux.celles qui ne reçoivent pas beaucoup de matchs, Tinder doit avoir un grand impact sur l’estime de soi. Une de mes rencontres confie qu’il y a beaucoup plus d’hommes que de femmes sur l’application ; ainsi, il croit qu’il est plus difficile de réussir sur Tinder en étant homme, du moins en étant hétérosexuel. Dans un monde où la santé mentale des hommes est déjà sous-représentée, cela peut avoir de nombreuses conséquences négatives.

Pour une application où l’apparence est au premier plan, la confiance est cruciale. C’est un univers complètement artificiel : les gens décident de ce qu’ils.elles veulent mettre de l’avant. L’application devient un terreau fertile pour le doute de soi et l’anxiété. S’il est toujours bien de recevoir des matchs de gens qui sont à notre goût, surtout de ses vieux crush du secondaire, il faut avoir la peau dure pour y rester sans que cela n’affecte sa santé mentale.

Se faire bombarder de compliments, aussi superficiels soient-ils, ça fait du bien. Je suis également très reconnaissante des gens que j’ai rencontrés. Mais, Tinder demeure pour moi une plateforme sur laquelle il est trop facile de perdre son temps ; comme le constate le rapport de temps d’écran de mon téléphone, je n’aurais pas dû la télécharger juste avant la période des examens.

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