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Illustration du livre Libertés malmenées
Actualités

Libertés malmenées : les désaccords persistent entre le Syndicat étudiant et certain.e.s professeur.e.s

Johan Savoy
12 mars 2022

Crédit visuel : Nisrine Nail – Directrice artistique

Article rédigé par Johan Savoy – Chef de pupitre Sports et bien-être

Un an et demi après l’affaire Lieutenant-Duval ayant secoué la communauté uottavienne, trois professeur.e.s de l’Université d’Ottawa (U d’O) ont publié un ouvrage pour dénoncer la gestion de l’administration quant à l’incident et réaffirmer leur opinion quant à la liberté académique.

Le 23 février dernier sortait en librairie le colletif Libertés malmenées – Chronique d’une année trouble à l’Université d’Ottawa, co-dirigé par Anne Gilbert, Maxime Prévost et Geneviève Tellier, tou.te.s trois professeur.e.s à l’U d’O. Celui-ci est présenté comme « un récit de la crise » qui est venue, selon eux.elles, « bousculer leur vision du monde universitaire ».

Des objectifs contestés 

« L’objectif [du livre] était de consigner par écrit les événements qui ont touché l’Université d’Ottawa depuis un an », déclare Anne Gilbert, directrice du Centre de recherche en civilisation canadienne-française, professeure titulaire au Département de géographie de l’U d’O et co-directrice de Libertés malmenées. Elle ajoute que la rédaction de l’ouvrage permettra ainsi de « conserver une trace de ce qui s’est passé et de ce qui a affecté le groupe des 34 professeur.e.s signataires de la lettre de support à Verushka Lieutenant-Duval ».

Tim Gulliver, président du Syndicat étudiant de l’U d’O (SÉUO), estime quant à lui qu’il est assez triste de constater que des professeur.e.s essaient de faire de l’argent sur ces événements. Il affirme que la seule revendication des étudiant.e.s racisé.e.s était d’être traité.e.s avec respect et dignité, ceci passant, selon lui, par un choix de mots plus « judicieux » dans les salles de classe.

« Nous avons vécu des moments de grande détresse et de tristesse, de voir jusqu’à quel point notre intervention avait été mal saisie et mal interprétée », continue Gilbert. Précisant que les professeur.e.s concerné.e.s ont été traité.e.s de racistes et que des demandes de renvoi et de rééducation leur ont été adressées, la professeure évoque une volonté de s’exprimer quant à l’expérience vécue. Elle pense ainsi que les professeur.e.s signataires de la lettre n’en n’ont pas réellement eu l’occasion jusqu’à présent.

Quelle suite au Rapport Bastarache ?

La publication de l’ouvrage fait suite au Rapport du Comité sur la liberté académique, ayant reçu un accueil mitigé au moment de livrer ses conclusions. Si Gilbert voit dans ce rapport une validation des opinions du collectif rédacteur de Libertés malmenées, Gulliver clame de son côté un manque de légitimité. Selon lui, le rejet des conclusions par le Syndicat étudiant et l’Association des professeur.e.s, ajouté à la désolidarisation de quelques membres du Comité, aurait pour effet de le « briser fondamentalement ».

« Le Rapport Bastarache dit qu’il n’y a pas de mots à censurer », rappelle Gilbert, prônant que l’Université doit rester un lieu de production du savoir, de transmission de connaissances, de réflexion, d’analyse et de débat. D’après elle, avec les conclusions venant soutenir cette affirmation, il est désormais nécessaire d’amener la communauté universitaire à échanger et réfléchir autour de ces questions, sans imposer de censure.

L’autrice évoque le besoin de définir des procédures précises afin d’éviter que ce genre de situations ne se reproduise. Elle mentionne, en ce sens, la nécessité de pouvoir arbitrer dans de tels cas, en rencontrant notamment les personnes concernées de manière à agir en toute connaissance de cause.

Le président du Syndicat étudiant relève quant à lui le manque de consultation étudiante, en particulier des étudiant.e.s racisé.e.s, qui, selon lui sont « si souvent absent.e.s de ce faux débat sur la liberté académique ».

L’administration critiquée

« Les conclusions du Rapport Bastarache étaient connues par l’administration depuis le mois d’août ou septembre, malgré la publication en novembre », poursuit Gilbert. Déplorant la lenteur considérable de l’évolution de la situation, celle-ci se désole de la création de nouveaux comités afin de réfléchir à la signification des conclusions dudit rapport.

Gulliver souligne de son côté le manquement du recteur Jacques Frémont vis-à-vis de la population étudiante. D’après lui, plusieurs de ses déclarations auraient essayé de protéger les deux parties lors de la controverse. Évoquant un échec, il maintient que l’administration « aurait dû défendre le droit des étudiant.e.s racisé.e.s à étudier dans un environnement sans discrimination ».

« Cela fait six mois que les conclusions ont été publiées et rien n’a encore été fait », insiste Gilbert. Selon elle, la question essentielle est de savoir ce qui se passerait si une telle situation était amenée à se reproduire. Concluant qu’il s’agit d’un besoin aussi bien étudiant que professoral, elle insiste sur le besoin d’obtenir des procédures claires, et ce, le plus tôt possible.

La Rotonde a tenté de contacter l’administration de l’Université, mais celle-ci n’a pas souhaité donner suite.

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