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Éditorial

L’Université d’Ottawa, maître en l’art de la dissimulation

Crédit visuel : Hidaya Tchassanti Directrice artistique

Éditorial collaboratif rédigé par Camille Cottais – Rédactrice en chef

Êtes-vous au courant de la présence d’amiante et de moisissure dans un bâtiment de l’Université d’Ottawa (U d’O) situé au 200, rue Wilbrod ? Savez-vous que le recteur Jacques Frémont allait quitter son mandat prématurément en juin ? Que des agent.e.s de sécurité privé.e.s ont été engagé.e.s sur le campus depuis le campement ? Probablement pas, car l’Université informe très peu la population étudiante de tout ce qui ne joue pas en sa faveur. Elle cache, voire manipule constamment l’information à celles et ceux qui lui remplissent pourtant les poches.

Quand le silence met en danger

Aux sujets fâcheux ou polémiques, l’Université répond avec une communication inexistante. Et ce, même quand il en va de notre sécurité et de notre santé.

Si vous avez des cours au 200 Wilbrod ce semestre, vous serez ainsi ravi.e.s d’apprendre que les plafonds de ce bâtiment sont pris d’assaut par la moisissure et qu’un rapport récent confirme la présence de matériaux contenant de l’amiante. Pour rappel, l’amiante est un matériau hautement toxique, dont le caractère cancérigène et potentiellement mortel est reconnu depuis les années 1890. Interdite dans la plupart des pays depuis les années 1980, l’utilisation de l’amiante n’a été bannie au Canada qu’en 2016.

Mais ce n’est pas tout. En plus de l’amiante, le rapport révèle également la présence inquiétante de moisissure et de dégâts d’eau dans au moins six pièces, et suspecte celle de plomb, de mercure liquide et de silice. Oui, nous parlons toujours du bâtiment dans lequel ont lieu de nombreux cours, notamment ceux de la Faculté des arts, ainsi que certains examens du Centre d’examens adaptés, exposant potentiellement des étudiant.e.s immunodéprimé.e.s à des risques alarmants. Il est honteux que l’U d’O se permette de traiter sa communauté de cette manière.

Cette histoire fait étrangement écho à celle de la résidence Brooks, fermée depuis 2018 pour des raisons similaires. Construite en 1987 pour 23 millions de dollars, elle accueillait plus de 700 étudiant.e.s chaque année avant que la moisissure n’envahisse les lieux suite à des infiltrations d’eau. Selon un article de CBC, l’Université avait fortement tardé à réagir, puisque la présence de moisissure lui était connue depuis six ans déjà : il a fallu que la moisissure s’immisce dans les chambres de certains appartements pour que l’institution daigne sortir du déni. Faudra-t-il vraiment attendre à nouveau six ans que la situation au Wilbrod s’aggrave pour que l’Université se décide à informer les étudiant.e.s et à prendre des mesures concrètes ?

Dans un contexte de crise du logement sans précédent pour nous, les étudiant.e.s, il est complètement insensé de non seulement laisser un tel bâtiment à l’abandon sans rénovation ni reconstruction, mais aussi de continuer d’y injecter des dizaines de milliers de dollars chaque mois pour l’électricité. Le message envoyé est clair.

De l’opacité à la désinformation

Ce cas, loin d’être anecdotique, révèle un problème plus vaste : le manque de transparence de l’administration uottavienne à l’égard de la communauté étudiante, qui fait preuve de démagogie en ne partageant que les informations à son avantage. Oui, il y a une volonté délibérée de nous garder dans l’ignorance pour agir en catimini. L’Université a une obligation morale de nous informer clairement et honnêtement sur les enjeux qui nous concernent, particulièrement lorsqu’il s’agit d’une question de santé publique.

La revendication de transparence était d’ailleurs l’un des principaux points de contention entre l’administration et le campement pro-Palestine l’été passé. Les organisateur.ice.s de ce dernier revendiquaient entre autres la divulgation complète des investissements de l’Université. Le fait que celle-ci ait tant résisté à cette demande pourtant simple – elle a fini par les divulguer partiellement, écartant volontairement les fonds de pension, les investissements les plus douteux – est révélateur de la défaillance institutionnelle que nous dénonçons.

Plus que cela, la situation de cet été montre que l’U d’O ne se contente pas de cacher la vérité : elle n’hésite pas à manipuler l’information à son avantage. Les quatre courriels que nous avons reçus entre mai et juillet 2024 relèvent purement et simplement de la désinformation. Ils insinuent plus ou moins directement que le campement était violent, intolérant et antisémite, mentionnant par exemple des « agressions physiques à l’égard des membres de notre personnel » (courriel du 10 juillet) et « des discours d’une violence croissante, y compris des propos antisémites » (courriel 18 juillet).

Ces mensonges sont d’autant plus aberrants lorsqu’on se rappelle que c’est bien l’Université qui a utilisé la menace de déloger physiquement le campement avec les forces de l’ordre. Que c’est bien l’Université qui a nommé un conseiller spécial sur l’antisémitisme (mais où est le conseiller spécial sur l’islamophobie ?) qui a qualifié les attaques israéliennes contre le Liban de « brillantes ».

Que sa communication soit trompeuse ou inexistante, il est en tout cas clair que notre université priorise ses intérêts financiers et la préservation de sa « réputation », au détriment du bien-être et de la sécurité de sa communauté. Nous, étudiant.e.s, méritons mieux. Nous avons le droit de demander des comptes, et le devoir de remettre en question cette culture de l’opacité et de la manipulation.

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