Crédit Visuel : Emily Carr – Contributrice
Entrevue réalisée par Marguerite Friend – Cheffe de pupitre Sports et bien-être
Entre études, boulot, et isolement à la maison, les conditions semblent être idéales pour oublier qu’il existe d’autres choses dans la vie que le travail. La nutrition, par exemple, est souvent laissée de côté par les étudiant.e.s qui manquent de temps et de ressources pour s’offrir une vie saine. Christine Carr, nutritionniste certifiée, donne ses astuces pour adopter une alimentation équilibrée pendant ses études.
Diplômée de l’École canadienne de nutrition naturelle, Carr a longuement étudié les bases de la nourriture, et leurs effets sur le corps humain et le mental. Elle travaille aujourd’hui entre Ottawa, Montréal et Toronto, et explique pourquoi faire attention à ce que l’on mange est essentiel pour son bien-être.
La Rotonde (LR) : Comment avez-vous développé un intérêt pour la nutrition ?
Christine Carr (CC) : Ça a commencé par mes essais de différentes diètes quand j’étais adolescente. Ce qui était populaire [comme les régimes] peu de gras, peu de calories […] ne fonctionnaient vraiment pas pour moi, et ne me faisaient pas me sentir bien. Et puis j’ai commencé à chercher ce qui pouvait m’aider à me sentir mieux, plutôt que de laisser tomber les bonnes choses en me concentrant sur une perte de poids. Je me suis demandée « comment la nourriture peut me faire sentir bien ? », et j’ai commencé à me renseigner dans cette optique.
Quand j’avais de l’acné, j’ai commencé à chercher les aliments pouvant m’aider à m’en débarrasser, et quand j’étais au secondaire, j’ai voulu déterminer quels aliments pouvaient supporter mon énergie. Ces astuces fonctionnaient bien mieux que des diètes spécifiques ! […] Fondamentalement, il y a beaucoup choses que nous pouvons faire avec la nourriture, et peu de gens réalisent que cela peut avoir un impact dans nos vies. […] Ce n’est pas une question de dépenses, mais plutôt de connaissances sur les types de nourriture qui peuvent nous aider, et je ne pense pas qu’on apprenne cela assez à l’école. […] D’ailleurs, peut-être que notre système d’éducation pourrait user d’un peu plus de contenu sur la nutrition, comme un petit cours ou un séminaire, pour nous faire réaliser à quel point la nourriture est importante. Une bonne nutrition peut nous donner plus d’énergie, et faire de nous des meilleur.e.s étudiant.e.s, des meilleur.e.s employé.e.s. […]
Réaliser que le corps veut simplement faire son travail a tout changé pour moi. J’ai compris que je contrôle ce que je mange, et c’est bien l’une des seules choses sur lesquelles nous pouvons avoir du contrôle ces jours-ci. J’apprécie encore la pizza ou le vin, mais je suis plus consciente. Je me demande toujours : « est-ce que ça va me faire sentir mieux, ou rendre le travail de mon corps plus difficile ? ». Je crois que mon éducation en nutrition m’a vraiment appris que la nourriture peut être mon amie. Elle peut m’aider à accomplir les choses que je veux faire, et en mieux. […]
LR : Quels ont été les principes de base qui vous ont marqué lors de votre programme ?
CC : D’abord, j’ai compris que tout ce qui provient de la terre ou du sol, comme les fruits, tu devrais le manger et le savourer. Il y a beaucoup de diètes qui disent que les fruits ont trop de sucre, ou trop de glucides [ou carbs], or si un aliment provient du sol, nous sommes destiné.e.s à le manger ; c’est le cycle de la nature […]. Il faut également se concentrer sur des aliments frais et non transformés, pas des aliments issus de boîtes de conserve. Ces petits changements sont généralement là où je commence avec les gens, car je trouve qu’ils sont faciles à faire pour n’importe qui.
Il faut aussi éviter les diètes qui, selon moi, placent les gens dans un cycle de restrictions qui affecte leur santé mentale. Tu finis par ressentir de la culpabilité, donc tu essaies une autre diète, mais tu te sens mal […]. Il faut apprendre comment manger pour son corps, avec un.e spécialiste […], afin de trouver ce que tu devrais manger pour te sentir mieux, et cela va être différent pour toi et pour moi. […] Il faut trouver ce qui fonctionne pour son corps et prendre le temps de bien comprendre. De plus, l’eau est plus importante que ce que les gens croient. Ton cerveau est composé d’eau à 75 %, et le sang contient également beaucoup d’eau. Être un peu déshydraté.e, peut donc avoir un effet négatif sur ta mémoire et ta concentration. […] Tu évites également la gourmandise en buvant de l’eau en quantité.
Le dernier principe serait de s’assurer que tu as des protéines, des glucides, et de la graisse dans chaque repas : si tu n’as pas ces aliments, ton corps recherche des protéines et de l’énergie. Cela va accentuer tes fringales de sucre pour avoir plus d’énergie, alors que cela aurait pu être comblé par des glucides sains. Le nom pour ces trois composantes est « macronutriments », et s’assurer d’avoir ces macronutriments à tous les repas est la clé.
LR : Sur une note plus personnelle, quelles habitudes alimentaires valorisez-vous dans votre vie ?
CC : D’abord, je ne vais pas à l’épicerie en ayant faim, car je finis toujours par acheter des petites collations. […] Je reste souvent à l’extérieur des allées de l’épicerie, c’est souvent là que tu vas trouver les aliments les plus frais : légumes, viandes, fruits. Je vais me rendre dans les allées seulement si j’ai besoin de quelque chose de spécifique, comme de l’eau de noix de coco ou de l’avoine […].
J’aime aussi beaucoup manger trois repas par jour. Certain.e.s préfèrent plein de petites collations dans une journée, mais ça dépend de chaque corps. Pour moi, consommer trois repas avec tous les macronutriments nécessaires […] est important, car je suis satisfait.e, et rempli.e. Avec de tels repas, tu ne devrais pas avoir besoin de collations […].
Une autre habitude serait de l’eau chaude avec du citron, je trouve cette combinaison fantastique. Boire cela le matin, avant de manger quoi que ce soit, donne de l’énergie, réveille l’estomac doucement et supporte le foie […]. Ce mélange aide aussi la peau, c’est très bon pour celles et ceux qui ont de l’acné ou de l’acné hormonale. Et pas besoin de supprimer ton café ou ton thé matinal, nous savons tou.te.s que c’est presque impossible, surtout si tu y es addict, comme moi !
LR : Pour les étudiant.e.s, qui n’ont pas beaucoup de temps ni d’argent, quelles seraient vos recommandations d’habitudes alimentaires ?
CC : Les étudiant.e.s ou les travailleur.e.s en général apprécient des petites collations comme des barres transformées, des chips ou des biscuits. Souvent, c’est un remède contre l’ennui ou pour se distraire. Alors, je crois que dans ce cas, avoir des collations saines, disponibles et prêtes à être mangées, c’est […] la clé. J’aime proposer qu’au début de la semaine, tu te coupes des piments, des céleris, des carottes et des concombres. Lave-les, et mets-les à ta disposition dans ton frigo avec ton hummus, ta trempette ou ton taziki préféré. Tu peux utiliser cela comme collation quand tu t’ennuies ou que tu as un petit creux. Quand c’est coupé, préparé et lavé, tu es davantage tenté de le manger. […]
Pareil pour les oeufs durs. Tu peux ajouter du sel ou les manger avec des toasts ou des craquelins sur le côté. Ce sont de bonnes protéines […], et avoir des collations avec beaucoup de protéines, c’est important, car ça désactive les hormones qui te donnent faim. Des noix et des graines sont aussi de bonnes collations, car elles sont de bonnes protéines et contiennent de bonnes vitamines et des minéraux.
Une pomme ou une banane avec un beurre aux noix est également un bon remède aux petits creux. Les beurres aux noix ont beaucoup de protéines [de fibres qui favorisent la digestion] et de bonnes graisses. C’est excellent pour le cerveau qui est composé à 60 % de graisse. Et pour les gens assis.e.s toute la journée qui ont des problèmes de digestion, s’assurer d’avoir les fibres nécessaires de bons fruits et de légumes est important.
Ma seconde recommandation pour les étudiant.e.s serait de s’assurer que son déjeuner contient assez de protéines. Si ton déjeuner est rempli de protéines, tu vas te sentir moins gourmand.e durant la journée : […] [il suffit] d’ajouter une cuillère de protéine à son smoothie, ou des oeufs à son matin. […] Enfin, il est essentiel de s’hydrater. C’est excellent pour le cerveau, comme mentionné plus haut. […] Si tu n’aimes pas le goût : ajoute des fruits, des légumes, ça va te rajouter des nutriments et des vitamines.
LR : Que recommanderiez-vous pour une meilleure santé mentale ?
CC : Consommer de la vitamine D, surtout l’hiver, car il n’y en a pas beaucoup dans la plupart des aliments. Elle supporte l’hormone de sérotonine, et celles et ceux qui en manquent démontrent plus de symptômes de dépression. Avoir ce supplément dans son alimentation est excellent pour la santé mentale et l’humeur. […] Surtout au Canada : nous avons très peu de soleil alors cela nous affecte très durement ici, la plupart d’entre nous sommes déficient.e.s en vitamine D sans le savoir.
Enfin, manger une grande variété de fruits et de légumes supporte l’humeur et l’énergie basse. Alors ajouter des légumes et des fruits à sa diète peut affecter positivement notre humeur, et cela fait une grande différence.
LR : Pour quelqu’un qui veut commencer, quelle serait donc selon vous la mentalité à avoir pour une meilleure relation avec la nourriture ?
CC : Je fonctionne ainsi : qu’est-ce que je peux ajouter à ma journée pour améliorer ma santé ? Nous avons l’habitude d’enlever ceci et cela, et l’on se retrouve à penser qu’on ne peut rien manger ! Cette mentalité, je crois que c’est ce qui joue avec les gens lorsqu’ils.elles essaient de mieux manger. Il faut plutôt se demander : combien de légumes je peux ajouter à ce repas, à ce smoothie, à ma collation ? Quel.s aliment.s entier.s puis-je ajouter à ma journée ? […]
Le message principal que je veux transmettre est que la nutrition n’a pas besoin d’être difficile. Je dirais de commencer avec des petites choses comme boire plus d’eau, ou ajouter des fruits et légumes à chaque repas. […] Ça n’a pas besoin d’être compliqué, il suffit de se demander : où puis-je ajouter plus d’aliments sains à ma vie ?