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illustration d'une scène de théâtre
Arts et culture

Poèmes de la résistance adaptés au théâtre : un cri de colère franco-ontarien

Camille Cottais
1 juillet 2022

Crédit visuel : Catherine Archambault – Courtoisie

Article rédigé par Camille Cottais – Journaliste

Du 21 au 25 juin dernier, la Nouvelle Scène Gilles Desjardins à Ottawa a accueilli la troupe du Théâtre Tremplin, dont huit de ses comédien.ne.s ont interprété le spectacle Poèmes de la résistance. L’adaptation théâtrale de ce recueil de 37 poèmes d’auteur.ice.s franco-ontarien.ne.s est d’autant plus d’actualité depuis que Doug Ford, fortement critiqué dans le spectacle, vient d’être réélu pour un second mandat à la tête de l’Ontario.

Du recueil de poèmes à la pièce de théâtre

Le spectacle Poèmes de la résistance est l’adaptation du recueil de poèmes éponyme, publié aux éditions Prise de parole il y a trois ans environ. Dominique Payer, étudiante en théâtre à l’Université d’Ottawa, mais également régie et responsable des décors et des costumes du spectacle, explique que le recueil contient 37 poèmes, dont 25 ont été sélectionnés pour être adaptés sur scène. 37 poèmes de 37 auteur.ice.s provenant de tout l’Ontario ont ainsi été réuni.e.s par la poétesse Andrée Lacelle pour former ce petit recueil de 104 pages.

Celui-ci a été publié en mai 2019, dans la lignée du mouvement de mobilisation des Franco-Ontarien.ne.s contre le fameux « jeudi noir » du 15 novembre 2018. Cette expression désigne la période d’importantes coupures budgétaires imposées par le gouvernement Ford aux services et à l’éducation en français : l’abandon du projet de création de l’Université de l’Ontario français, ou encore la fermeture du bureau du commissaire aux services en français, ont provoqué de fortes mobilisations chez les francophones de la province.

Ama Ouattara, comédienne dans la pièce de théâtre, explique que le spectacle devait être mis en scène il y a deux ans environ, mais que la pandémie a contrecarré le projet. Celui-ci a donc été relancé en avril dernier pour finalement voir le jour en juin 2022.

Comédien.ne.s amateur.ice.s, mais talentueux.ses

Malgré une salle peu remplie en ce vendredi soir de représentations, les huit acteur.ice.s de la pièce, entièrement vêtu.e.s de noir, ont su transmettre leur colère et leur angoisse au public. Accompagné.e.s par le son de la guitare du musicien Jordan Kassis, et entrecoupé.e.s par la narratrice en voix off Sylvie Touchette, les huit comédien.ne.s ont interprété pas moins de 25 poèmes.

Payer souligne que les acteur.ice.s étaient tou.te.s amateur.ice.s, c’est-à-dire qu’ils.elles ne font pas du théâtre professionnellement et devaient donc se rendre aux répétitions après leur travail. Pour certain.e.s, comme les comédiennes Ama Ouattara et Mathilde Hountchégnon, il s’agissait même de la toute première pièce dans laquelle elles jouaient. 

Ouattara, qui interprétait une petite fille francophone que l’on voit grandir à mesure que la pièce avance, explique que les répétitions ont débuté il y a quelques semaines seulement, et qu’ainsi, la durée entre la première répétition et la première représentation était particulièrement courte.

Avant de faire ses débuts dans le théâtre, Ouattara était déjà impliquée dans le milieu culturel, puisqu’elle se considère comme photographe, photojournaliste et anthropologue culturelle et visuelle. C’est également le cas de la comédienne principale de la pièce, Mathilde Hountchégnon, qui se décrit comme une animatrice et productrice passionnée par l’art et la culture. Pour les deux comédiennes, c’est le thème de la résistance et la mission de défendre la francophonie qui les a poussées à prendre part à ce projet.

La culture comme arme de résistance

« Le poème fait vivre », affirme l’un des textes d’Andrée Lacelle interprété sur scène. La poésie, les mots, l’art et la culture en général sont ainsi utilisés dans le recueil comme dans la pièce de théâtre en tant que moyens de résistance face au gouvernement progressiste conservateur actuel.

L’aversion contre Ford, interprété dans la pièce par le comédien Gilles Néron en habits de constructeur, se lit sur les visages des sept autres acteur.ice.s, qui déversent leur colère sur ce Premier ministre unilingue. Ouattara souligne que cette administration a « coupé à la hache » les services et programmes universitaires liés à la francophonie ou au français : Université de l’Ontario français et Université Laurentienne.

Le décor de la scène se composait d’un arc-en-ciel construit avec des nouilles anti-noyade, symbole d’espoir selon Ouattara. À la fin de la pièce, alors qu’elle finit d’interpréter le poème « Elle et l’autre » de Véronique Sylvain, où elle exprime sa peur de devenir la dernière Franco-Ontarienne, les autres comédien.ne.s déchirent le décor pour laisser entrevoir en dessous un deuxième arc-en-ciel, aux tons neutres et portant le message « ça a pas bien été ». Payer, en charge de la conception des décors, explique que cela symbolisait le « ça va bien aller » typique de la pandémie, mais qui n’a finalement pas tenu ses promesses.

Hountchégnon déclare que les couleurs de cet arc-en-ciel accompagnent et guident les émotions tout au long du spectacle. Elle interprète ce décor comme symbolisant « l’espoir de meilleurs lendemains qui guide la résistance, le calme après la tempête, ou encore l’illusion que tout va bien, mais qui masque d’autres choses ». Ces deux arcs-en-ciel sont ainsi à la fois des symboles d’espoir et de désespoir, laissant le spectateur interpréter à sa façon le décor selon les scènes de la pièce.

Pour Hountchégnon, « résister, c’est déjà en soi ne pas s’avouer vaincu et aspirer à mieux ». Ainsi cette adaptation théâtrale constitue pour elle avant tout un message d’espoir, une façon de rester réalistes, éveillé.e.s et conscient.e.s des acquis d’aujourd’hui, mais aussi du chemin qu’il reste à parcourir comme société ici ou ailleurs.

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