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Éditorial

Responsabilité environnementale ; vers un désastre global ?

Rédaction
25 janvier 2021

Crédit visuel : Valérie Soares – Photographe

Éditorial rédigé par Caroline Fabre — Rédactrice en chef

Si l’annulation du projet Keystone XL avait été annoncée par Joe Biden durant sa campagne électorale aux présidentielles américaines, ce dernier n’a pas traîné. Le quarante-sixième président des États-Unis a honoré sa promesse dès le premier jour de son mandat le 20 janvier, au plus grand désarroi du gouvernement Trudeau, et de l’Alberta. 

Signant également le retour de son pays dans l’accord de Paris luttant contre le changement climatique, Biden se place en fervent défenseur de la cause environnementale. Ce qui n’est d’ailleurs pas sans contraster avec son prédécesseur Donald Trump, qui, nous ne le savons que trop bien, porte définitivement l’environnement dans son coeur. 

Débat houleux

Déjà bloqué en 2015 par l’ancien président américain Barack Obama, le projet Keystone XL est débattu depuis plus de douze ans. Celui-ci avait pour but de faciliter le transport annuel de 300 millions de barils de pétrole des raffineries de Hardisty en Alberta, jusqu’au Texas. 300 millions de barils, dont le prix individuel est estimé à 52.77 $ américain : ça représente un sacré paquet d’argent. De quoi considérer sérieusement l’idée si le capitalisme est votre doctrine personnelle. Mais si plusieurs présidents se sont opposés à ce projet, c’est pour une bonne raison. 

Certes, l’annulation du décret concernant le projet Keystone XL, « entraînerait des pertes d’emplois des deux côtés de la frontière, affaiblirait les relations entre les États-Unis et le Canada en plus de compromettre la sécurité des États-Unis en rendant le pays plus dépendant des importations de pétrole de l’OPEP », déclarait sur Twitter le Premier ministre de l’Alberta, Jason Kenney. Avec la crise économique liée à la pandémie qui se profile, supprimer des emplois ne semble pas être la meilleure chose à faire. Mais à quoi bon avoir un emploi si c’est pour mourir dans quelques années à cause du réchauffement climatique ?

Au niveau environnemental, c’est le caractère « très polluant » du pétrole extrait des sables bitumineux qui a fait pencher Biden en faveur de son annulation. Si le Premier ministre canadien Justin Trudeau a prié la nouvelle administration Biden de reconsidérer l’annulation du projet, Kenney a quant-à-lui menacé d’intenter des poursuites judiciaires si aucune entente n’était trouvée. Visiblement, la cause environnementale ne semble pas être une priorité, ni pour l’un, ni pour l’autre des dirigeants.

Responsabilité canadienne 

Si Trudeau salue l’engagement du nouveau président américain dans la lutte contre les changements climatiques, il se dit « déçu par sa décision à l’égard du projet Keystone XL ». Or, avec cette annulation, se pose la question de la responsabilité canadienne dans le projet, et plus globalement, de son rôle dans la lutte environnementale.

La Docteure Ingrid Waldron, sociologue, directrice du projet Environmental Noxiousness, Racial Inequities & Community Health Project, et codirigeante du groupe de recherche sur la santé des personnes d’ascendance africaine au Healthy Populations Institute de l’Université Dalhousie, parle même de racisme environnemental. Elle le définit comme étant « l’ensemble des politiques, des pratiques et des directives environnementales qui ont des conséquences négatives disproportionnées, qu’elles soient intentionnelles ou non, sur certaines personnes, certains groupes ou certaines communautés en raison de leur race ou de leur couleur. »

Il est indéniable que le Canada tolère et perpétue même le racisme à l’égard des communautés minoritaires. Le documentaire Netflix L’eau sale qu’elle a coproduit, inspiré de son livre There’s Something in the Water: Environmental Racism in Indigenous and Black Communities, démontre ce constat aberrant. L’acteur Elliott Page, réalisateur et coproducteur, y expose les problèmes environnementaux, notamment liés à l’eau, subis par trois communautés minoritaires situées à Shelburne, Pictou landing, et Stewiacke en Nouvelle-Écosse, et leur lutte de tous les jours. L’une des intervenantes y dénonce le rôle de meurtrier que joue le gouvernement en raison de la lenteur de sa réaction, et de son désintérêt pour le sort de certaines communautés.

Même si les choses ont changé depuis la sortie du documentaire l’an passé, savoir que certains villages au 21e siècle n’ont pas d’accès à l’eau potable paraît extraordinaire dans un pays qui se vante de posséder 20 % des réserves mondiales d’eau douce, et 7 % de l’eau douce renouvelable du monde. Combien de collectivités sont encore aujourd’hui privées d’accès à l’eau, et ne peuvent demander justice en raison des coûts financiers trop élevés, ou de leur marginalité ? Combien de personnes doivent encore mourir avant que le gouvernement ne daigne adresser publiquement le problème, et ne songe à envisager des actions ? Le documentaire l’a bel et bien démontré : les produits toxiques contenus dans l’eau ont une grande influence sur notre santé, et la communauté noire de Shelburne semble avoir été décimée par le cancer sur plusieurs générations. Quand le gouvernement fédéral se décidera-t-il à agir en concomitance avec ses populations ?

Pression environnementale

Le projet Keystone XL est peut-être au point mort, mais il est loin d’être le seul à présenter un important danger environnemental. Qu’en est-il de l’oléoduc Trans Mountain ? Ou du projet d’une taxe carbone qui permet­trait de faire ralen­tir le réchauf­fe­ment clima­tique ?

Il incombe de plus en plus aux jeunes générations de faire valoir la justice environnementale. Mais comment les jeunes sont-ils supposé.e.s lutter contre un système corrompu par l’argent, et qui n’a que faire de la dette écologique ? Pourquoi la tâche d’agir revient-elle égoïstement aux jeunes populations alors que ce sont les anciennes qui ont amplement abusé des ressources de la Terre, et continuent encore aujourd’hui de le faire ? Nous sommes presque seul.e.s, livré.e.s à nous-mêmes dans ce combat environnemental sans merci dont les dirigeant.e.s semblent à peine se préoccuper. 

En octobre dernier, le ministre fédé­ral de l’En­vi­ron­ne­ment et du Changement climatique, Jona­than Wilkin­son, a annoncé la disparition de six articles en plas­tique à usage unique du terri­toire au cours de l’année 2021 ; deux employées de l’Université d’Ottawa (U d’O) s’étaient déjà montrées sceptiques. Sonia Wesche, profes­seure agré­gée au dépar­te­ment de géogra­phie, envi­ron­ne­ment et géoma­tique de l’U d’O, et Angela Plant, coor­di­na­trice des ressources rési­duelles à l’U d’O, avaient parlé de gestes symboliques, mais sans conséquences concrètes. Elles invitaient d’ailleurs à changer les comportements, et à adopter une vision plus large en matière de poli­tiques afin d’ob­te­nir de meilleurs résul­tats envi­ron­ne­men­taux.

Les générations actuelles se doivent d’agir, ensemble, pour garantir un avenir meilleur et plus écologique aux générations futures. Et là, il y a urgence.

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