Semaine de lecture à l’Université d’Ottawa : un vrai temps de repos pour les étudiant.e.s ?
Crédit visuel : Hidaya Tchassanti — Directrice artistique
Article rédigé par Hai Huong Lê Vu — Journaliste
La période d’étude, également appelée semaine de lecture ou de relâche, s’est déroulée cette année du 13 octobre au 19 octobre à l’Université d’Ottawa (U d’O). Comme son nom l’indique, la « relâche » est censée offrir un moment de répit permettant aux étudiant.e.s de prendre soin de leur santé mentale. Mais dans quelle mesure cette pause favorise-t-elle réellement le repos ? Et comment les étudiant.e.s de premier cycle vivent-ils.elles et perçoivent-ils.elles cette période ?
La genèse et les intentions derrière la semaine de lecture
L’idée de la semaine de relâche remonte aux études universitaires en enseignement de Fernand Paradis à l’Université de Sherbrooke dans les années 1960. En effet, le spécialiste avait observé une hausse marquée du taux d’absentéisme scolaire en fin d’hiver. En 1968, Paradis a effectué un stage en France et a découvert les vacances printanières. De retour au Québec, il a proposé ce congé et, à la suite de négociations avec des syndicats d’enseignant.e.s, la première semaine de relâche a été mise en place en 1979.
L’U d’O a introduit la semaine d’étude d’automne en 2010, ce qui fait de l’établissement un pionnier parmi les universités ontariennes, affirme Jesse Robichaud, porte-parole de l’institution uottavienne. D’après lui, cette initiative a emboîté le pas à la semaine d’étude déjà existante à la session d’hiver.
Selon Robichaud, l’instauration de la semaine de lecture à l’U d’O est le fruit d’une volonté d’améliorer le bien-être étudiant. « Le but est de donner un répit à environ la mi-chemin du trimestre […], le bien-être des étudiant.e.s est notre objectif principal », poursuit-il.
Quand l’idéal ne se reflète pas dans la réalité
Mackie America, présidente de la Société de sensibilisation à la santé mentale de l’U d’O (UOMHAS), profite de la semaine de lecture pour retourner chez elle et passer du temps avec sa famille ainsi que ses ami.e.s. Elle reconnaît ne pas être très productive durant cette période, mais constate un regain d’énergie et une diminution du stress à son retour. Priscilla Fung, co-présidente du club Étudiant.e.s d’Ottawa soutenant le Royal, ajoute que cette période lui permet de se consacrer à des activités qu’elle délaisse habituellement pendant le semestre. Elle souligne néanmoins que la semaine de relâche perd de son efficacité en raison de la surcharge de travail qui la précède et la suit.
Un sondage mené par La Rotonde auprès d’une soixantaine d’étudiant.e.s de l’U d’O montre que 54 % d’entre eux.elles estiment que la charge de travail avant et après la semaine d’étude est un problème majeur, ce qui limite leur capacité à se reposer et à profiter pleinement de cette période. De plus, 68 % ressentent une pression pour être productif.ve.s durant cette semaine.
Heather Poole, professeure au département de psychologie à l’U d’O, a mené une étude sur cette question avec d’autres collègues en 2019. En entrevue avec La Rotonde, elle dévoile que, malgré une diminution du nombre de facteurs de stress durant la semaine de lecture, le niveau de stress perçu chez les étudiant.e.s participant.e.s dans sa recherche était plus élevé à leur retour. Poole poursuit en justifiant que la concentration des évaluations juste après la période d’étude force les étudiant.e.s à se replonger immédiatement dans un rythme intense.
Pour une période d’étude mieux adaptée aux étudiant.e.s
America remet en question le calendrier actuel de la semaine d’étude, qui présente des limites. L’étudiante suggère de déplacer cette dernière vers la fin du mois d’octobre, surtout pour permettre aux étudiant.e.s de première année de mieux s’adapter au rythme universitaire. Ce semestre, l’Action de Grâce a eu lieu durant la période d’étude. Cette coïncidence est vue comme un inconvénient par plusieurs étudiant.e.s ayant complété le sondage de La Rotonde.
La présidente de l’UOMHAS renchérit en soulignant qu’un tel changement laisserait plus de temps aux professeur.e.s pour répartir leurs évaluations de manière plus équilibrée à travers le semestre. Parmi les recommandations proposées pour améliorer cette période, les interrogé.e.s suggèrent la même idée pour permettre une déconnexion réelle avec leur charge de travail dans leurs cours.
En outre, il a été suggéré par les participant.e.s au projet de recherche de Poole que les enseignant.e.s collaborent ensemble et planifient mieux les examens de mi-session, notamment en matière de dates.
Quant à elle, Poole encourage le maintien de certains services pendant la semaine de lecture afin de répondre aux besoins de la population estudiantine résidant sur le campus. Elle avance que la fermeture de services comme les cafés peut perturber leur routine, tandis que leur ouverture pourrait réduire le sentiment d’isolement, offrant des espaces de travail et de socialisation bénéfiques pour leur bien-être.
En ce qui concerne la durée de la semaine d’étude, 38 % la trouvent suffisante, tandis que 44 % souhaitent une semaine plus longue ou l’ajout d’une deuxième semaine de lecture pendant le semestre d’automne. Certain.e.s souhaitent même l’ajout de plus de petites pauses tout au long du semestre.
Enfin, pour America, il serait pertinent de repenser la dénomination « semaine de lecture », qui induit une pression pour se consacrer uniquement aux études et aux lectures. D’après elle, l’appellation « semaine d’étude » peut culpabiliser les étudiant.e.s qui ne consacrent pas ce temps à l’étude. L’étudiante invite à une appellation plus neutre, comme « semaine de pause » ou « semaine de ressourcement ». Elle croit que ce changement pourrait encourager les étudiant.e.s à utiliser ce temps pour prendre soin d’eux.elles et réellement se déconnecter du stress académique.