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Sports et bien-être

Une application pour scanner ses aliments, pas sans conséquences ! 

Eya Ben Nejm
9 décembre 2022

Crédit visuel : Archives

Chronique rédigée par Eya Ben Nejm – Journaliste

Yuka est une application qui consiste à scanner des produits alimentaires et cosmétiques dans le but de déterminer leur qualité sur une échelle de zéro à cent. Selon son site web, 95 % des utilisateur.ice.s affirment avoir une alimentation plus saine grâce à l’application. À première vue, cette application semble être un outil utile pour manger plus sainement. Pourtant, son utilisation peut rapidement engendrer une relation malsaine avec l’alimentation.

Yuka est une application gratuite accessible à tou.te.s. Elle se démarque par son indépendance envers les groupes d’intérêts, notamment car elle ne diffuse pas de publicités. Les consommateur.ice.s peuvent faire leurs courses en scannant leurs produits, et l’application évalue les additifs, les calories, les graisses saturées, le sucre et le sodium. Les additifs sont présentés en quatre niveaux, qui sont illustrés par des codes couleur, du rouge au vert foncé. Malgré la bienveillance de l’application, l’usage fréquent de celle-ci peut avoir l’effet contraire.

La santé à tout prix !

L’application est une aubaine pour les personnes habituées à lire les descriptions des aliments. Un gain de temps, pourrais-je dire. Pourtant, selon Claudie-Anne Fortin, nutritionniste et diététiste au Québec, ce genre d’applications ne fait que faire perdre du temps aux utilisateur.ice.s.

Étant moi-même intéressée par les produits sains, l’utilisation de cette application me paraissait être d’une aide précieuse. L’application est devenue pour moi un moyen efficace pour déterminer les meilleurs produits à acheter à l’épicerie. Avant d’ajouter un produit dans mon panier, il m’est rapidement devenu indispensable de le passer sous le détecteur Yuka.

Lorsque je n’utilisais pas l’application, j’étais perdue. Je lisais la description des aliments, mais je n’y comprenais rien. À l’aide de la technologie, nous pouvons aujourd’hui laisser nos téléphones intelligents s’occuper de reconnaître les additifs. 

Le gouvernement à la rescousse

La nutritionniste considère pourtant que ces applications qui « viennent simplifier l’alimentation » nous donnent « l’impression de tout savoir ». Elle n’a pas tort. Avec Yuka, nous avons tendance à juger un aliment par la couleur affichée et sa notation, souvent inférieure à nos attentes. Cela ne se substitue pas à une réelle connaissance sur le sujet. Même si notre niveau de compréhension dans le domaine scientifique varie, elle est rarement équivalente à celle d’un.e professionnel.le. 

Fortin affirme que, jusqu’à preuve du contraire, les aliments mis en vente dans les supermarchés sont toujours sécuritaires. En effet, la Loi canadienne sur la sécurité des produits de consommation affirme qu’ « [i]l est interdit à toute personne de vendre tout produit de consommation, ou d’en faire la publicité, si elle sait que le produit  […] présente un danger pour la santé ou la sécurité humaines ».

Les aliments offerts aux Canadien.ne.s sont donc surveillés par le gouvernement fédéral. Sur les réseaux sociaux et divers sites internet, des articles continuent cependant à promouvoir les produits sains et à appeler au boycott des produits « cancérigènes ». Cependant, pour la majorité de ces produits, notamment la viande rouge, seule une consommation fréquente et élevée augmente considérablement la probabilité de développer ces effets néfastes.

Le plaisir, une sensation oubliée

Des applications comme Yuka ont des conséquences sur notre bien-être, avertit Fortin. Ayant une approche ancrée sur la nutrition consciente et intuitive, la nutritionniste estime que Yuka retire une part du plaisir lié au goût des aliments. Je partage cette inquiétude. Mon utilisation m’a poussé à chercher uniquement les aliments codés en vert, mettant de côté des produits qui pourraient me procurer un sentiment de bien-être. Nous oublions la satisfaction qu’il y a derrière la consommation des aliments achetés.

La diététiste et nutritionniste explique avoir reçu des patient.e.s qui « doutent de leurs propres valeurs et qui viennent s’excuser de manger moins sain ». Il est primordial dans l’esprit des consommateur.ice.s de se nourrir sainement, comme c’est mon cas, ce qui alimente le sentiment de culpabilité. Mon utilisation excessive de Yuka m’a rendu aveugle à l’importance de prendre plaisir, et donc d’éviter d’être frustrée. Acheter un produit alimentaire que nous apprécions ne constitue pas un crime ni ne change la santé du jour au lendemain.

Ainsi, il était temps de retrouver ma satisfaction perdue. En prenant conscience de la gravité de la situation, j’ai commencé à changer ma routine alimentaire. Mon but était d’établir un équilibre entre le plaisir et la santé. Les deux ne sont pas ennemis, mais complémentaires dans nos vies. Consommer de bons produits permet de se connecter à ses sens. 

Suite à ma dépendance à cette application, je me suis rendu compte que scruter tous les produits que je consomme n’a rien de sain. La recherche absolue de produits considérés comme sains menait à la détérioration de ma santé mentale. Fortin interpelle ainsi les jeunes à éviter l’utilisation de cette application, car ils.elles n’ont pas encore les moyens pour prendre du recul. Elle conclut qu’il est important de consulter des spécialistes pour être mieux guidé.e dans son alimentation.

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