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Canal rideau
Éditorial

La patinoire du canal Rideau, un reflet de demain

Rédaction
29 janvier 2024

Crédit visuel : Jürgen Hoth — Photographe

Éditorial rédigé par le comité éditorial de La Rotonde

Autrefois gelé et vibrant d’activité, le canal Rideau se trouve désormais au centre d’une nouvelle réalité climatique. L’année dernière, sa fermeture exceptionnelle a captivé le monde entier, révélant le poids symbolique de ce lieu emblématique face aux changements climatiques. Cette année, avec une ouverture limitée, le canal devient le témoin silencieux des limites de l’être humain à maîtriser la nature ainsi qu’un reflet de l’inaction de notre gouvernement municipal face à l’urgence climatique.

En 2005, un chercheur mandaté par la Commission de la capitale nationale (CCN) avait fait une prédiction plutôt désolante sur l’avenir de la patinoire : la durée moyenne de la saison passerait d’environ 61 à entre 43 à 52 jours d’ici 2020. Pourtant, une vingtaine d’années plus tard, nous avons eu deux hivers consécutifs bien en dessous de son estimation…

Des saisons éphémères

Chagrin. Déception. Indifférence. Voilà la gamme d’émotions suscitée par la population étudiante à la suite de l’annonce de la fermeture de la patinoire du canal Rideau quatre jours après son ouverture. Ce bijou touristique ainsi que les espaces verts dont « regorge » la ville font depuis longtemps partie de la stratégie publicitaire de l’Université d’Ottawa.

La réaction la plus fréquente semble tout de même être l’étonnement. Après la saison moite que nous connaissons et l’état de notre planète, le canal a été ouvert…

Comme une horloge biologique, la patinoire du canal Rideau a offert une constance pour les étudiant.e.s sur les campus ottaviens pour plus d’un demi-siècle. Les deux dernières années peuvent être perçues comme étant aberrantes, certes, mais elles s’inscrivent également dans une tendance de raccourcissement des saisons de patinage. Les changements climatiques provoqués par l’être humain nous rattrapent plus rapidement qu’on ne l’anticipait, et nous sommes mal équipé.e.s physiquement et peut-être même émotionnellement pour y faire face.

Sans l’apercevoir de manière quotidienne, l’environnement reprend son contrôle sur nos activités, nos habitudes et nos modes de vie qui ont généralement cherché à plier la nature à notre volonté. Comme un fantôme des hivers passés, mère nature nous rappelle de manière bouleversante et parfois brutale que nous faisons partie intégrante d’un écosystème que nous ne pourrons jamais maîtriser malgré nos efforts futiles.

Entre économie et écologie

Dans cette quête visant à prolonger la saison de patinage sur le canal, la bataille semble être « perdue d’avance », souligne le professeur de génie, Ousmane Seidou, que nous avons eu en entrevue l’an dernier. Les recherches menées en collaboration avec l’Université Carleton ont identifié des solutions telles que les canons à neige, les thermosiphons et le déneigement par robot, mais soulignent également les impacts environnementaux que celles-ci peuvent avoir.

Tout comme la construction du canal au début du 19e siècle, l’entretien de cette patinoire artificielle répond à des objectifs purement capitalistes. L’impact économique pèse lourdement sur la CCN et les contribuables, qui ont déboursé plus d’un million de dollars pour tenter d’ouvrir la patinoire l’année dernière. Les commerçant.e.s locaux.ales, dépendant.e.s du canal pour leurs affaires, soulignent la vulnérabilité de l’économie locale face à la fermeture du site. N’est-il pas temps de diversifier l’offre touristique à Ottawa pour soutenir ces entreprises et préserver l’environnement ?

Malgré nos sentiments de nostalgie et d’engouement face au canal, sa fermeture n’est pas la fin du monde, comme nous l’a affirmé le professeur Seidou. Ce dernier, plus préoccupé par l’accès à l’eau potable et des mesures d’adaptation aux changements climatiques auprès des populations autochtones, nous démontre à quel point nos priorités sont mal placées.

D’un point de vue écologique, polluer l’environnement pour quelques jours de patinage semble paradoxal dans une ère axée sur la lutte contre les changements climatiques. Il faut considérer que toute solution légitime pour assurer la longévité de la patinoire commence par des mesures destinées à améliorer la santé de notre planète sur le long terme.

Solutions locales, impact global

Et quelle meilleure façon de commencer qu’au niveau local ?

À la lumière des politiques de notre leader suprême Mark Sutcliffe concernant les transports en commun, il est devenu impératif d’aller au-delà des changements superficiels. En plus des autobus zéro émission, il est nécessaire d’augmenter le nombre d’autobus, de réduire les tarifs et d’améliorer la régularité des trajets pour stimuler l’utilisation du transport en commun, mais surtout réduire l’empreinte carbone liée à la circulation automobile.

La transmutation de la ville d’Ottawa en un véritable écosystème urbain durable doit être au cœur de notre réflexion. En nous inspirant d’initiatives telles que les jardins le long de la rue Stewart, nous pouvons intégrer des solutions innovantes au niveau de cet écosystème. Plutôt que de simplement accroître le nombre d’arbres plantés, nous devrions penser notamment à retirer l’asphalte de l’espace du Marché By, pour permettre l’absorption naturelle de l’eau de pluie tout en préservant notre patrimoine historique.

La pensée novatrice doit également guider notre approche envers l’étalement et l’intensification urbaine. Le fait d’avoir un corridor pour camions qui longe presque le canal Rideau et coupe le centre-ville en deux est « irrationnel et néfaste » à notre santé. Les principes de « walkable cities », appliqués correctement dans le Glebe, offrent un modèle pour des quartiers plus durables.

En mettant enfin l’accent sur la prévention plutôt que sur des politiques réactionnaires, la capitale nationale peut non seulement répondre aux défis climatiques, mais aussi mettre en place une ville plus saine, dynamique et durable pour les générations futures. De cette manière, la préservation du canal Rideau s’inscrira dans une vision globale de ville écologiquement responsable et tournée vers l’avenir.

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