Crédit visuel : Dereck Bassa – Photographe
Entrevue réalisée par Dawson Couture – Journaliste
Après deux ans de pandémie, le mois de Ramadan, qui se déroule tout au long du mois d’avril, est l’occasion pour plusieurs personnes de confession musulmane de se retrouver et de raviver certaines traditions culturelles et religieuses. C’est le cas de Salma Haji, étudiante de troisième année en sciences de la santé à l’Université Simon Fraser, qui partage à La Rotonde son expérience avec ce pilier de l’islam.
La Rotonde (LR) : Quelle est la signification du mois de Ramadan pour les individus de confession musulmane, et pourquoi y participez-vous ?
Salma Haji (SH) : Le Ramadan est le neuvième mois du calendrier islamique, au cours duquel les versets du Coran ont été révélés au prophète Mahomet – que la paix soit avec lui – il y a plus d’un millénaire. En commémoration de ce mois sacré, les musulman.e.s jeûnent du lever au coucher du soleil tout au long du mois. Pour les adultes en bonne santé, la participation au Ramadan est obligatoire, car il s’agit de l’un des cinq piliers de la religion.
La nuit où les versets ont été révélés est connue sous le nom de Laylat al-Qadr. Bien que la date de cet événement soit inconnue, nous savons qu’elle a eu lieu pendant les dix derniers jours du mois de Ramadan. Ce mois sacré est donc censé être un temps de contemplation de notre relation avec Dieu, de prière supplémentaire et de charité.
Lors du premier Ramadan auquel j’ai participé, je me souviens m’être sentie si proche de ma famille, de ma communauté et surtout de ma religion. C’est pourquoi j’attends avec impatience le mois de Ramadan chaque année.
LR : À quoi ressemblent le Ramadan, ses pratiques, ses traditions et ses rituels dans votre communauté, votre foyer et votre vie en général ?
SH : Chaque jour, les musulman.e.s se réveillent avant le lever du soleil pour prendre leur premier repas de la journée, appelé le sahur. Dans mon foyer, le sahur est généralement constitué des restes de la nuit précédente où nous avons rompu le jeûne après le coucher du soleil. C’est ce que l’on appelle l’iftar. Toute la famille cuisine ensemble, et nous rompons le jeûne collectivement. La première chose que nous mangeons est une datte, car elle est considérée, dans l’islam, comme une sunna, c’est-à-dire qu’elle est conforme au mode de vie du prophète Mahomet – que la paix soit avec lui.
Au coucher du soleil, il y a des prières nocturnes à la mosquée (tarawih). Elles sont extrêmement importantes pour les musulman.e.s, car tous les bons gestes entrepris pendant le mois de ramadan sont multipliés. Les musulman.e.s qui font ces prières nocturnes peuvent également se voir pardonner leurs péchés antérieurs.
Les musulmans paient également la zakât pendant le mois de Ramadan, un don aux moins fortuné.e.s, qui est obligatoire pour tous les musulman.e.s qui peuvent se le permettre. À la fin du mois, nous célébrons la fin de notre jeûne avec une grande fête, Aïd el-Fitr.
LR : Quelles valeurs sont encouragées pendant le mois de Ramadan ?
SH : Les principales valeurs promues sont la patience, l’autodiscipline, la gentillesse et, surtout, le renforcement de notre relation avec l’humanité. Il n’est jamais recommandé d’entamer le Ramadan sans d’abord régler ses conflits interpersonnels.
Par exemple, il y a une semaine, un membre de notre communauté a rappelé à ma famille et moi de renouer nos liens avec un individu suite à une dispute qui nous avait divisés l’an dernier. En tant que communauté, nous nous tenons ainsi mutuellement responsables.
LR : Qu’appréciez-vous le plus de cette période de commémoration et de célébration ?
SH : L’un des principes que j’ai appris pendant ce mois est l’importance des liens interpersonnels. À l’heure actuelle, avec la technologie et les horaires de travail chargés, il peut être très difficile de se sentir vraiment connecté.e à sa famille, à sa communauté et même à sa religion.
Le mois de Ramadan est un temps de l’année où ma famille et moi mettons l’école et le travail de côté afin de privilégier nos relations et notre foi. Ce que j’apprécie le plus, c’est de pouvoir exprimer davantage mes émotions et d’avoir le temps de réfléchir sur ma vie.
LR : Existe-t-il des idées fausses ou des malentendus dans la société canadienne au sujet du mois de Ramadan ?
SH : Au fil des ans, j’ai entendu beaucoup d’informations erronées à ce sujet. Certaines personnes semblent penser que tous les individus de confession musulmane sont obligé.e.s de jeûner, alors que seules les personnes adultes en bonne santé doivent le faire. De nombreuses personnes sont exemptées du jeûne, dont les femmes enceintes et les femmes qui menstruent. Ceux et celles qui ont des problèmes de santé et pour lesquels le jeûne augmenterait les risques sont aussi exempté.e.s.
L’une des questions les plus récurrentes posées aux personnes musulmanes pendant le mois du Ramadan est « Même pas d’eau ? ». J’ai d’ailleurs entendu des personnes qualifiant cette pratique de « dangereuse » ou de « barbare ». Je tiens à souligner que le jeûne est totalement sécuritaire et ne met pas notre santé en danger. Il est extrêmement important de surveiller sa consommation de nourriture et d’eau pendant le sahur et l‘iftar, mais là encore, le jeûne en soi peut se faire en toute sécurité.
LR : Que peuvent apprendre les non-musulman.e.s sur les pratiques islamiques lors de cette occasion ?
SH : Avant tout, les non-musulman.e.s devraient respecter le fait que les individus de confession musulmane prient cinq fois par jour. Il est donc extrêmement important de respecter nos heures de prière dans les universités et dans les lieux de travail, entre autres. Il est aussi essentiel de reconnaître, comme ma mère me le rappelle souvent, que le mois de Ramadan est une période pour se rassembler, se soutenir mutuellement et démontrer notre amour les uns pour les autres. Chaque aspect du Ramadan facilite cet échange. J’espère que tout le monde pourra s’en inspirer.