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Les études postsecondaires francophones : entrevue avec Pierre Ouellette, recteur de l’UOF

Nisrine Nail
27 novembre 2023

Crédit visuel : Université de l’Ontario français — Courtoisie

Entrevue réalisée par Nisrine Nail — Cheffe du pupitre Actualités

L’Université de l’Ontario français (UOF) a été inaugurée en 2021, après des années de revendications des franco-ontarien.ne.s. La Rotonde s’est entretenue avec Pierre Ouellette, recteur de l’UOF, pour discuter, entre autres, des stratégies de recrutement de son Université, de ses états financiers, de la structure des programmes, ainsi que de l’avenir de l’UOF en Ontario.

La Rotonde (LR) : Depuis votre entrée en poste, le nombre de demandes d’admission et d’inscriptions augmente. Quelle en est la cause ? 

Pierre Ouellette (PO) : L’UOF commence à être plus connue. On a du travail à faire avant de se comparer aux autres universités qui existent depuis des décennies, voire plus d’un siècle, mais on recrute plus rapidement et plus activement. On fait de la promotion dans les écoles et on développe des programmes axés sur les besoins du marché du travail. On reçoit aussi beaucoup de demandes de l’international.

LR : En vue des discussions au niveau fédéral sur le plafonnement des étudiant.e.s internationaux.ales, comment l’UOF serait-elle affectée s’il était mis en place ?

PO : Cela pourrait avoir un impact, mais on ne l’a pas mesuré. L’année dernière, on a reçu plus de 1000 demandes d’admission de l’international. Il y a beaucoup d’intérêt chez les étudiant.e.s internationaux.ales à venir étudier ici, surtout en raison de notre emplacement à Toronto. Avant l’année dernière, on n’avait pas fait de recrutement international. On commence à en faire un peu, surtout pour être mieux connu par le personnel des ambassades et faciliter les demandes de permis d’études des étudiant.e.s africain.ne.s. Ce n’est pas anormal d’avoir un très haut pourcentage d’étudiant.e.s internationaux.ales dans les universités et les collèges. L’important, c’est d’avoir les structures pour bien les accueillir.

LR : Selon vos états financiers, les frais pour les bourses et l’aide financière étaient de 740 737 $ en 2022, alors qu’en 2023, la charge totale est de 77 061 $. Qu’est-ce qui explique cette baisse ?

PO : On a changé notre façon de faire. Plutôt que d’offrir des bourses pour la première année d’études, on a baissé les droits de scolarité pour les étudiant.e.s internationaux.ales, et ce, pour les quatre années d’études au baccalauréat. Notre objectif est de faciliter l’accès aux études postsecondaires des personnes provenant des pays francophones étrangers. Maintenant, les droits de scolarité sont passés de 27 000 $ à 11 000 $ par an pour ces étudiant.e.s. Seules les bourses au mérite ont été conservées pour le moment.

LR : François-René Lord, professeur à l’Université du Québec à Trois-Rivières, a noté que le modèle universitaire ontarien bilingue « ne semble convenir que bien imparfaitement aux besoins des Franco-ontariens », prenant l’exemple de l’Université d’Ottawa et de l’Université Laurentienne, dont les coupes budgétaires touchent particulièrement les étudiant.e.s francophones. Quel est votre avis sur les universités bilingues en Ontario ?

PO : Ce ne serait pas chic de ma part de commenter. C’est sûr que je peux faire le relais de commentaires que j’ai entendus à plusieurs reprises. Cela a été mon cas quand j’ai étudié à l’Université Laurentienne : on était contraint à suivre des cours en anglais vers la fin de notre baccalauréat, parce qu’il y a moins de cours offerts en français ou même aucun. Ce sont des cours à très petits effectifs, alors des fois, on a de la difficulté à les maintenir pour des raisons financières. Il faudrait alors demander à ces universités comment elles pourront — ou peut-être qu’elles font déjà des efforts — pour régler cette situation.

LR : Nous avions discuté, en 2021, de la transdisciplinarité des cours et de l’organisation non traditionnelle de votre Université. Comment est-ce que l’UOF est structuré ?

PO : On n’a pas de départements ou de structure de décanat, on a des pôles d’études et de recherche. Aujourd’hui, ce que la société valorise, c’est une approche par compétences transversales. On a commencé par quatre programmes d’études : cultures numériques, économie et innovation sociale, environnements urbains et pluralité humaine. Le cinquième est celui en éducation. L’UOF a un nouveau programme en administration des affaires, qui sera logé dans notre pôle en économie et innovation sociale en septembre prochain. Présentement, on développe un programme en santé mentale qu’on espère ajouter en septembre 2025. Donc, on ajoute des programmes aux pôles existants et cela fonctionne. Les étudiant.e.s disent qu’ils.elles apprécient beaucoup cet aspect de la signature pédagogique de l’Université.

LR : Certain.e.s avaient questionné l’emplacement de l’UOF à Toronto, affirmant que c’est une ville anglophone. En quoi la situation géographique de l’UOF est-elle un avantage ou un désavantage ?

PO : On est situé en plein cœur du centre-ville, dans un quartier branché qui se développe rapidement. C’est sûr que le logement est un enjeu important. On continue à travailler pour trouver des solutions à la question du coût du logement à Toronto. On a un partenariat avec une résidence privée, Parkside, où les étudiant.e.s peuvent avoir une chambre très proche du campus. Puis, Toronto devient le pôle de francophonie, ce qui est dur à percevoir quand on vit à l’extérieur de la ville. C’est également ici que les nouveaux.elles arrivant.e.s s’installent, donc c’est l’endroit idéal pour une université.

LR : Selon vous, pourquoi l’UOF est-elle considérée comme une victoire franco-ontarienne et quel est son avenir au sein de l’Ontario ?

PO : Je suis originaire du nord de l’Ontario, j’ai fait mes études et mon parcours professionnel en français et en Ontario. J’ai eu un bel emploi à Radio-Canada que j’ai décidé de quitter pour devenir le recteur de l’UOF. Je l’ai fait parce que c’est un projet extrêmement mobilisateur pour la communauté franco-ontarienne : une université par et pour les francophones. Puis, c’est important que les francophones de la région et les nouveaux.elles arrivant.e.s aient accès à des études universitaires en français à Toronto. Selon moi, c’est un des meilleurs moyens d’assurer la vitalité de la communauté francophone dans le Centre Sud-Ouest ontarien et le reste de la province. Dans mon cœur, c’est le projet le plus vital pour l’avenir de l’Ontario.

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