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Éditorial

La pandémie en petite culotte, chaussettes sales, ou à poil ?

Rédaction
19 octobre 2020

Crédit visuel : Nisrine Nail – Directrice artistique 

Par Caroline Fabre – Rédactrice en chef

Que ce soit mentalement, socialement, ou économiquement, la pandémie de COVID-19 continue de faire des ravages sur les individu.e.s à de nombreux niveaux. Alors que le temps des remboursements a sonné, les étudiant.e.s peinent à joindre les deux bouts ; il est maintenant le temps de la survie.

Le monde subit sa plus vaste crise économique depuis 150 ans, constatait la Banque mondiale, et l’économie du Canada peine à remonter la pente. Parmi les parties de la population les plus touchées figurent les étudiant.e.s. Comme si nous, la communauté étudiante, n’avions déjà pas assez de choses auxquelles penser ces derniers temps.

Selon un rapport publié en juillet par la Banque canadienne impériale de commerce, plus connue sous le nom de CIBC, deux étudiant.e.s sur trois ont subi des pertes de revenus liées à la pandémie. Ces chiffres sont si importants, que la moitié d’entre elles et eux craignaient d’être incapables de continuer leurs études postsecondaires cet automne. Il s’annonce doré l’avenir du Canada si nous ne pouvons même plus nous permettre d’y étudier.

La Pres­ta­tion Cana­dienne d’Ur­gence Étudiante, le mora­toire de six mois concer­nant le rembour­se­ment des prêts d’études cana­diens et autres aides pour soutenir la population estudiantine sont désormais terminées. C’est donc à nous de nous débrouiller seul.e.s. Mais bon, n’avons-nous pas l’habitude d’un gouvernement qui nous fait défaut à longueur de temps ? Jusqu’où devons-nous aller pour qu’il daigne nous accorder à nouveau des prestations d’urgence, et permettent à quelques-un.e.s de survire ?

Aux grands maux…

De nombreux secteurs se sont vus obligés de fermer en raison des mesures sanitaires ; réduisant, ou même supprimant certains travails habituellement occupés par des étudiant.e.s. Serveur.euse.s, barmen.aids ou entraîneur.euse.s sportif.ve.s ont vu leurs sources de revenus baisser drastiquement, voir disparaitre totalement. Ce sont 47,3 % des jeunes Canadien.ne.s qui occupaient un emploi à temps partiel et qui l’ont perdu, affichait Statistique Canada.

Selon le rapport du mois d’octobre, le site de statistiques relate que « le taux d’emploi chez les jeunes de 15 à 24 ans était de plus de 10 % plus faible qu’en février. » Ce triste pourcentage démontre la précarité dans laquelle est plongée une bonne partie de la population étudiante. 

Face aux dettes, aux frais de scolarité, et aux besoins nécessaires à la survie, nous avons été obligé.e.s de devenir plutôt créatif.ve.s. De la vente de photos de pieds, à l’envoi de sous-vêtements portés et non nettoyés, en passant par les photos dénudées ; de véritables business ont vu le jour. 

… les grands moyens

Si vous traînez sur les réseaux sociaux, vous avez forcément eu l’occasion de voir des profils OnlyFans, ou Seeking Arrangements. Nombreux.euses sont celles et ceux à se vanter d’avoir pu payer leurs études grâce à leur corps. Et ce n’est pas sans envie que nous avons parfois observé des relevés de comptes affichant des rentrées de plusieurs milliers de dollars. Avec la pandémie, ces sites ont explosé. 

OnlyFans a enregistré plus de 3,5 millions d’inscriptions au cours des six derniers mois, rapporte le rédacteur en chef de The Daily Beast. Alors certes, ce ne sont pas 3.5 millions d’étudiant.e.s au Canada, mais ce chiffre donne tout de même le vertige, sachant que « le nombre d’étudiant.e.s universitaires à la recherche de Sugar Daddies et Sugar Mommas a augmenté de 44 % par rapport à l’année passée », comme l’indique un rapport de Seeking Arrangements.

Selon le site internet Daily hive, Ottawa se classe en quatrième position dans le prestigieux palmarès du top dix des sugar cities au Canada, après Toronto, Montréal et Calgary. Cette tendance semble dater quelque peu, puisque « les deux insti­tu­tions univer­si­taires d’Ot­tawa, l’Uni­ver­sité Carle­ton et l’Uni­ver­sité d’Ot­tawa, se retrouvent respec­ti­ve­ment en 5e et 3e place du palma­rès des univer­si­tés les plus popu­laires chez les utili­sa­trices de Seeking Arran­ge­ments. », écrivait en 2017 une ancienne rédactrice en chef de La Rotonde, Frédé­rique Maze­rolle. Chiffres mis à jour l’an passé par The Charlatan, le journal de l’Université Carleton qui classe uOttawa 9e, avec 414 membres. 

Nous n’avons peut-être pas eu l’occasion de gagner le Match Panda, ni le Classique Colonel By, ou le Classique de la capitale cette année, mais nous conserverons peut-être le trophée des sugar babies.

Conséquences de la crise

Si ces faits ont pu vous faire esquisser un sourire l’espace un instant, prenez en compte les autres dimensions qui se cachent derrière ces chiffres. C’est une véritable aberration que certain.e.s aient à en arriver là, ne serait-ce que pour  pouvoir se payer un logement, ou à manger. 

Ne vous méprenez pas, chacun.e dispose de son corps comme il ou elle l’entend, et il n’y a absolument aucune honte à avoir si la personne a choisi d’avoir recours à ces applications. Mais l’importance de la question réside dans la notion de choix. Qu’elles soient considérées comme des services de prostitution (le débat fait encore rage) ou non, ces applications engendrent des conséquences sur de nombreux aspects.

Que ce soit le fardeau émotionnel que leur utilisation implique, ou la peur des fuites de ces photos, le fait de devoir se mettre en danger pour arrondir ses fins de mois est inacceptable. Et si vous pensez que les usager.ère.s de ces sites sont protégé.e.s, il vous suffit de taper OnlyFans Leaks sur notre bon vieux Google, pour tomber sur des forums Reddit ou Twitter, et des applications permettant de débloquer du contenu exclusif.

Si le gouvernement a, et à maintes reprises, répété que le sort des étudiant.e.s lui tenait à coeur, il serait peut-être temps de commencer à le prouver. Mais ça, c’est peut-être trop demander.

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