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Parler de l’intersectionnalité pour le meilleur de la communauté

Nisrine Nail
20 février 2024

Crédit visuel : Jürgen Hoth — Photographe

Article rédigé par Nisrine Nail — Cheffe du pupitre Actualités

Le 12 février dernier, des étudiant.e.s de l’Université d’Ottawa (U d’O) ont organisé un panel sur l’intersectionnalité de la communauté noire. Cet évènement s’est déroulé au pavillon Desmarais de l’U d’O. La discussion a porté sur la complexité de l’identité noire et les divers facteurs qui la rendent multidimensionnelle.

Les organisateur.rice.s de l’évènement ont d’abord rendu hommage à tous les peuples autochtones, les gardiens traditionnels du savoir et les leaders « courageux du passé, du présent et de l’avenir » du Canada. Les étudiant.e.s ont rappelé que les communautés noires et autochtones ont été affectées par les pratiques de la suprématie blanche, du colonialisme et du racisme. Ces dernier.ère.s ont souligné la nécessité d’aborder les questions d’équité, de diversité et d’inclusion et de dénoncer le racisme pour changer les enjeux affectant disproportionnellement la population noire.

L’intersectionnalité, c’est quoi ?

Myriah MacIntyre, doctorante en psychologie clinique et membre du Centre pour les disparités en matière de santé mentale (CMHD) à l’U d’O, a expliqué que le terme « intersectionnalité » a été créé par Kimberlé Williams Crenshaw, une avocate en droit civil et activiste féministe américaine. Selon MacIntyre, ce concept est un outil pour analyser la situation d’un individu à travers divers facettes de son identité. « C’est une lentille qui permet de voir la réalité de manière plus inclusive », a développé la doctorante. Elle a ajouté qu’en employant l’intersectionnalité comme cadre d’analyse, il est possible d’observer les identités privilégiées et opprimées d’une personne.

Toyo Ukwat, conseiller à la clientèle de la banque RBC, a renchéri que la perspective intersectionnelle a comme objectif de comprendre la marginalisation et les formes de discrimination d’un certain groupe partageant une identité similaire. D’après César Ndéma-Moussa, président de l’organisme Nord-Sud développement, Racines et Culture Canada (NSDRCC), l’intersectionnalité ne prend pas seulement en considération la race, la classe et le genre. Il a affirmé qu’il est important de parler d’autres facteurs « oubliés par la communauté noire » comme la spiritualité, le statut d’immigrant ou de réfugié et les orientations sexuelles.

Être noir.e : un croisement de défis

Ketcia Peters, entrepreneuse et consultante en bilinguisme organisationnel, a concédé que la couleur de la peau « est ce qui nous unit » en ce qui concerne la communauté noire. Elle a précisé que, malgré la marginalisation en lien avec la race, l’oppression des personnes noires diffère en fonction du statut économique et du genre. « Ça dépend aussi à quel point nous sommes proches de la “blanchité” [whiteness] », a relaté la panéliste.

Ndéma-Moussa a fait savoir qu’il est un « africaniste » et qu’il observe que la réalité dans laquelle nous vivons « est un monde de suprématie blanche ». Le président du NSDRCC a insisté sur le fait que la couleur de la peau est le premier facteur identitaire que l’on voit. Selon lui, c’est ce qui différencie la race aux autres identités. « Même dans notre communauté, il existe un enjeu qui est le colorisme », a révélé Ndéma-Moussa.

La doctorante en psychologie clinique a constaté que les personnes noires vivent souvent des micro-agressions. « Il y a des disparités au niveau de l’accès aux services de santé mentale, mais aussi au niveau du traitement », a déploré MacIntyre. La membre du CMHD a dénoncé les barrières systémiques dans les procédures d’inscription aux programmes d’études supérieures dans les universités.

Parler de la race : pas facile, mais nécessaire

« La raison pour laquelle nous, les Noirs, devons parler de la race, c’est que nous ne pouvons pas nous permettre l’illusion qu’en tant qu’êtres humains, nous sommes une unité », a déclaré le président du NSDRCC. Il a attesté que les membres de la communauté noire ont été historiquement traité.e.s de manière différente en raison de leur couleur de peau. Ndéma-Moussa a proféré que la race, un construit social, est un outil qui a été institutionnalisé afin de maintenir des relations de pouvoir. « C’est pourquoi plusieurs d’entre nous [individus noir.e.s] croient être inférieurs », a convenu le panéliste.

Peters a ajouté que le racisme systémique et les traumatismes des Noir.e.s sont liés. Les agressions vécues créent de l’anxiété, a averti la consultante en bilinguisme organisationnel. Elle a témoigné que la société est basée sur une hiérarchie dont les normes sont eurocentriques. Peters a pris l’exemple des biais racistes dans les systèmes de santé, comme le préjugé que les personnes noires endurent la douleur, et le profilage racial par la police et les agent.e.s de sécurité. « On ne peut ignorer l’abus. On ne peut pas oublier les expériences perturbantes vécues si on veut pouvoir aller de l’avant », a soutenu l’entrepreneuse.

Le président du NSDRCC a reconnu que, pour être un ensemble « fort », il faut aborder des sujets tabous comme le traitement des femmes et des groupes LGBTQ+ dans la communauté noire, le sexe, les maladies qui se développent à travers les interactions sexuelles et la pauvreté. « Il faut qu’on soit honnête entre nous », a-t-il jugé.

Le 20 février, la Faculté de médecine de l’U d’O tiendra virtuellement une série de séminaires sur la mise en œuvre d’un programme formel de lutte contre le racisme pour la médecine familiale.

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