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Pourquoi l’Université est-elle un milieu de précarité financière étudiante ?

Eya Ben Nejm
9 octobre 2022

Crédit visuel : Nicholas Monette – Directeur artistique 

Article rédigée par Eya Ben Nejm – Journaliste

La précarité financière des étudiant.e.s n’est pas une problématique isolée ni nouvelle. L’explosion de l’inflation, l’augmentation constante des frais de scolarité ou encore la suppression de la bourse au mérite ont accentué un problème déjà existant. Cette grande précarité pousse parfois les étudiant.e.s à prioriser le travail à leurs études.

Les études postsecondaires coûtent de plus en plus cher : cette année encore, l’Université a augmenté les prix pour les étudiant.e.s internationaux.ales et ceux.elles issu.e.s d’autres provinces que l’Ontario. Elle a aussi supprimé la bourse au mérite pour les étudiant.e.s arrivant.e.s. Les coûts changent, mais les salaires n’augmentent pas à la même échelle. Néanmoins, il existe des programmes d’aide financière dans chaque province pour contrer ces difficultés, comme le Régime d’aide financière aux étudiantes et étudiants de l’Ontario (RAFÉO).

Travail ou études ?

Nicolas Michaud, étudiant de troisième année en histoire et science politique à l’Université d’Ottawa (U d’O), dénonce des failles dans la RAFÉO. En effet, cette année, contrairement aux deux dernières années, Michaud a reçu un prêt de la part du programme. Il explique que ce changement est dû à l’augmentation salariale de ses parents : pour être admissible au programme de bourse, il faut que le salaire annuel des parents combinés soit inférieur au montant suggéré par la RAFÉO.

Pour Yannick Meredith, étudiant de première année en art général à l’U d’O, le coût des manuels scolaires devrait être compris dans les prêts. Selon Michaud, le faible montant des prêts pousse les étudiant.e.s à travailler au détriment de leur santé mentale ou de leurs études.

Étudier demande en effet de l’effort et de l’énergie, affirme Sylvie Lamoureux, professeure titulaire à l’Institut des langues officielles et du bilinguisme (ILOB) et à la Faculté des arts et spécialiste de l’expérience étudiante en milieu universitaire. Elle déclare : «étudier sans bien manger ne fonctionne pas, étudier sans bien dormir ça non plus, ni étudier quand tu es en précarité financière, ta tête pense à autre chose, toutes ces choses-là ont un impact sur la qualité de succès».

Lamoureux s’inquiète de voir des étudiant.e.s travailler plus de 15 heures par semaine. Pour elle, il ne s’agit pas pas seulement d’une question de classe sociale, car parfois, les étudiant.e.s issus de familles aisées peuvent aussi être dans la contrainte de se responsabiliser seul.e.s. Il est cependant impossible pour ces dernier.e.s d’obtenir des bourses de la RAFÉO.

Elle ajoute que l’accès à l’université est de nos jours plus « démocratisé». Pourtant, pour Michaud, les personnes aisées continuent d’y avoir plus d’accès que les personnes défavorisées. Il affirme qu’une personne qui a les moyens a le temps de participer à la vie étudiante et de faire partie de clubs universitaires, alors que ceux.elles qui travaillent pour financer leurs études ne le peuvent pas. Il déclare aussi que certain.e.s étudiant.e.s doivent travailler durant les heures où ils.elles ont cours afin de ne pas se faire renvoyer. Une opinion partagée par Meredith, qui témoigne de la situation de ses ami.e.s, qui sont «constamment dans le travail, ils n’ont pas le temps d’étudier».

Vers une université privée ?

Professeur Lamoureux explique qu’avant, «une grande partie des budgets universitaires provenait de l’État, mais que cela a diminué. Aujourd’hui, il faut aller chercher des fonds par les frais étudiants». Elle précise qu’il y a cependant aussi plus d’aides financières qu’auparavant. Lamoureux ajoute qu’il est important de comprendre comment sont financées les universités. D’après elle, le gouvernement ontarien ne finance plus assez celles-ci. D’ailleurs, Michaud considère qu’aujourd’hui «le monopole du privé devient la solution à tout». Il suppose que le gouvernement pourrait un jour se tourner vers une perspective encore plus libérale, en rendant les universités totalement privées.

L’étudiant en histoire et science politique exprime aussi son point de vue sur la relation université-étudiant.e.s : pour lui, «l’université considère les étudiant.e.s comme étant une ressource financière». Il prend l’exemple du retour obligatoire en personne, qui a servi selon lui à remplir les résidences universitaires. Néanmoins, la professeure Lamoureux apporte une nuance, étant elle-même ex-vice-doyenne, elle rappelle que c’est une priorité pour les doyens de trouver des moyens d’aider financièrement les étudiant.e.s.

Elle mentionne aussi l’importance de s’informer. Il est important de connaître les services proposés par l’Université, tels que le régime travail-étude et les bourses qui existent. Michaud ajoute qu’il existe à l’U d’O le régime coop, bien qu’une moyenne minimum de 80 % soit nécessaire pour y accéder. Il présente la situation comme un cercle vicieux, car pour avoir de bonnes notes, il considère qu’il faut avoir le temps d’étudier, mais pour ceux.elles qui travaillent, la situation semble compliquée. La professeure Lamoureux appelle à trouver des solutions ensembles, en évoquant le rôle de la société, qui doit elle aussi soutenir l’Université pour que celle-ci puisse aider à son tour les étudiant.e.s précaires.

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