Inscrire un terme

Retour
Sports et bien-être

Reconquérir la jeunesse : quatre nouveaux sports pour les JO 2024

Lucy Malaizé
19 novembre 2023

Crédit visuel : Jurgen Hoth – Photographe

Entrevue rédigée par Lucy Malaizé — Cheffe du pupitre Sport et bien-être

Quatre nouveaux sports ont été annoncés à l’approche des Jeux olympiques (JO) 2024 qui se dérouleront à Paris cet été. Le breakdance, l’escalade, le surf et le skateboard ont été retenus par le Comité international olympique (CIO) qui a validé leur intégration dans les programmes officiels des JO. La Rotonde a pu s’entretenir avec Milena Parent, professeure titulaire à l’Université d’Ottawa et experte en gouvernance du sport et des évènements, pour discuter avec elle de la pertinence de ces choix et des nouveaux défis d’organisation qu’ils représentent.

La Rotonde (LR) : Comment les sports pour les JO de 2024 ont-ils été choisis ?

Milena Parent (MP) : Il y a toute une procédure à suivre pour le choix des sports chaque saison. Pour être sélectionné, un sport doit notamment répondre à des critères de popularité, de caractéristiques techniques, d’image, de potentiel de croissance et de développement dans le futur. Pour ce qui est des sports additionnels, leur popularité est notamment testée aux Jeux olympiques de la jeunesse (JOJ) qui sont déterminants pour leur sélection.

LR : Dans quelle perspective s’est positionné le CIO cette année, selon vous ?

MP : L’un des objectifs du CIO pour les JO 2024 est de rajeunir le public et d’améliorer leur image. Ces disciplines ont été sélectionnées, car elles sont innovantes, urbaines — notamment le skateboard et le breakdance. Elles sont surtout de plus en plus populaires dans le monde auprès des jeunes. Le.la spectateur.rice moyen.ne des JO vieillit ; les jeunes ne sont pas intéressé.e.s à regarder les JO à la télévision, car ils ne s’identifient pas nécessairement à des sports traditionnels tels que le biathlon ou le tir à l’arc… Le CIO doit donc trouver de nouvelles manières de les attirer.

LR : Des revendications ont été faites quant au non-choix et au non-renouvellement de certains sports. Quel est votre avis ?

MP : Si l’on se penche sur l’âge moyen du.de la spectateur.rice de la pétanque, par exemple, cela permet d’expliquer partiellement pourquoi ce sport, bien que très installé en France, n’a pas été retenu. Pour d’autres sports comme le squash, qui essaye de rentrer depuis des années, les raisons sont moins évidentes. Il ne faut pas oublier qu’au niveau des sports qui ne sont pas permanents, il faut qu’un sport parte pour qu’un autre le remplace. En outre, le lieu d’accueil des JO a une influence : s’agissant du karaté, ce sport avait été retenu à Tokyo, car les arts martiaux sont très populaires en Asie. C’est moins le cas en France, donc cela pourrait expliquer pourquoi il n’a pas été retenu cette fois.

LR : En comparaison aux disciplines choisies lors des éditions précédentes, trouvez-vous que ces quatre sports incarnent une suite logique ou bien qu’ils démontrent une nouvelle appréhension du sport ?

MP : Il s’agit d’une évolution logique à mes yeux. Le vrai bouleversement a eu lieu en 2010, lorsque les JOJ sont devenus l’évènement test. Le basketball trois contre trois testé à Singapour fait maintenant partie des disciplines permanentes des JO. Le choix de ces quatre nouveaux sports est une réponse du Mouvement olympique au changement démographique et à l’intérêt des nouvelles générations. Il est nécessaire pour continuer à recevoir les financements des commanditaires de démontrer une pertinence d’audience. Cette dernière passe en outre beaucoup par les nouvelles plateformes de streaming sportif, ainsi que les médias sociaux d’aujourd’hui. Cela explique le choix d’un sport très visuel comme le breakdance, par exemple.

LR : Existe-t-il un critère subjectif dans l’évaluation du breakdance absent des autres sports, selon vous ?

MP : C’est une critique qui a été émise contre le patinage artistique, la natation synchronisée ou tout autre sport comprenant une composante subjective. En principe, cette composante ne doit être jugée qu’à un certain point. Malheureusement, des problèmes de notation ont été révélés plusieurs fois dans ces disciplines. Il faut espérer que le breaking se serve des erreurs commises pour éviter cet écueil. Le système de notation juge la partie technique pour 60 % de la note, la créativité pour 40 %.

LR : L’épreuve du surf aura lieu à Tahiti. Comprenez-vous ce choix ?

MP : Il est courant que plusieurs sports soient présentés à l’extérieur du centre principal des JO. Dans ce cas précis, il aurait été dommage de créer des infrastructures proches de Paris uniquement à cette occasion. Par contre, outre le fait que des infrastructures étaient déjà présentes, le choix d’un territoire aussi éloigné que Tahiti peut aussi s’expliquer par la volonté de tisser des liens plus serrés entre le territoire français métropolitain et les territoires outre-mer. Le fait d’être présentés à l’extérieur du centre peut en revanche représenter un désavantage pour les athlètes, car ils n’auront pas l’expérience d’être dans le village olympique avec tous les autres sportif.ive.s. Il va donc être intéressant de voir leur satisfaction à cet égard et si les spectateur.rice.s vont faire le déplacement malgré la distance.

LR : De votre avis, le budget des JO 2024 aurait-il pu être investi ailleurs ?

MP : Le choix d’un pays d’accueillir les JO est une critique émise chaque saison. Tout d’abord, il faut différencier les budgets opérationnels des Jeux, qui sont financés par le privé, et le budget capital qui touche au gouvernement. L’idée est de se servir d’enveloppes déjà existantes et non de lever des fonds qui pourraient avoir une autre utilité. Il s’agit d’une importante nuance à comprendre car lorsqu’un pays accueille les Jeux, il reçoit des fonds qu’il n’aurait pas reçus en temps normal.

LR : Pensez-vous que le Canada va s’illustrer dans l’une de ses disciplines ?

MP : Le Canada a reçu la médaille d’or en breaking aux Jeux panaméricains, donc on peut s’attendre à des victoires dans cette discipline. Globalement, c’est un pays qui a tendance à faire bien dans les nouveaux sports. À la lumière des résultats de la fin de semaine dernière, je suis optimiste.

Inscrivez-vous à La Rotonde gratuitement !

S'inscrire