De la course aux données : l’ère de la technologie dans le sport
Crédit visuel : Nisrine Abou Abdellah — Directrice Artistique
Article rédigé par Hai Huong Le Vu — Journaliste
Le ballon connecté, le hors-jeu semi-automatique, la technologie de reconnaissance faciale et l’intelligence artificielle : la Coupe du monde de football 2022 au Qatar a été marquée par l’utilisation de la haute technologie. Comment ces dernières ont-elles révolutionné le domaine sportif en général ? Quels sont les enjeux liés à celles-ci ?
« Les technologies se sont réellement incrustées dans les dernières années », remarque Christian Duval, professeur des sciences de l’activité physique à l’Université du Québec à Montréal. Duncan McNaughton, entraîneur-chef de l’équipe de rugby féminin à l’Université d’Ottawa (U d’O), se rappelle qu’« il y a 20 ans, nous avons dû deviner ce que chaque entraînement faisait subir au corps des athlètes ». Joey Kwasniewski, entraîneur principal de performance pour les Gee-Gees, admet qu’aujourd’hui, la technologie est utilisée pour la surveillance des performances, la préparation à la compétition et la communication entre entraîneur.se.s et athlètes.
Implication actuelle chez les Gee-Gees
Kwasniewski explique que des dispositifs évaluent les données des athlètes, aidant ainsi les entraîneur.euse.s à donner des conseils personnalisés. « Les deux programmes de hockey de l’U d’O utilisent des moniteurs de fréquence cardiaque pour mesurer l’intensité d’entraînement », divulgue Kwasniewski. Il renchérit que « l’équipe de soccer féminin des Gee-Gees utilise le GPS pour mesurer la distance totale parcourue par joueuse ». En dehors de ces outils, l’entraîneur ajoute que les Gee-Gees se servent d’autres technologies telles que le dynamomètre pour suivre la préparation quotidienne.
Du côté de l’équipe de rugby féminin, le coach McNaughton explique que les sportives profitent des films pour examiner leurs performances à l’entraînement et en match, y compris la distance qu’elles parcourent et leur vitesse. Cette méthode, d’après lui, facilite l’analyse individuelle ou collective de différents aspects tels que les forces et les faiblesses des athlètes des Gee-Gees, ainsi que les possibilités et les défis à venir face aux équipes adverses. « Ces mesures servent à s’assurer que l’athlète est au mieux de sa forme le jour du match ! », s’exclame Kwasniewski.
Concernant l’amélioration de la communication, Kwasniewski met l’accent sur l’application Team Buildr qui permet de sauvegarder les séances d’entraînement des athlètes et de suivre les progrès réalisés par les sportif.ve.s chaque jour. Cependant, l’entraîneur remarque que de tels instruments exigent beaucoup de dévouement et de constance afin d’obtenir un tableau fidèle de l’évolution de l’athlète.
Et dans le monde de l’arbitrage ?
Le professeur Duval souligne que la technologie d’assistance d’arbitrage joue un rôle « important » notamment dans l’ère des réseaux sociaux et de conflits croissants entre partisan.e.s. Il avance que celle-ci facilite le fait de déterminer si un but a été marqué au hockey, ou si une balle de tennis a franchi correctement la ligne. D’après lui, des ressources technologiques, telles que les reprises de caméra ou les capteurs dans les filets, jouent le rôle de soutien et permettent d’alléger la pression sur les arbitres face à des situations « très difficiles » à juger.
Il prévoit l’installation de caméras assistées par l’intelligence artificielle (IA), autour d’un terrain pour différentes analyses, par exemple « s’il y a une faute ou pas, si le ballon est sorti des lignes ou pas, si le but est bon ». Le professeur signale la rapidité de l’avancée de la technologie dans ce domaine. Pourtant, il insiste sur le maintien de l’équilibre entre l’intervention humaine et l’utilisation de la technologie. « Le sport est fait par des humains, il doit être aussi arbitré par des humains », affirme-t-il.
Futur fait de promesses et d’obstacles
Professeur Duval décrit l’IA comme une « clé de succès » de l’avenir de l’intégration technologique dans le sport. Selon lui, celle-ci va aider les entraîneur.euse.s dans la gestion de l’abondance des données des athlètes et dans l’élaboration d’un plan d’entraînement « cohérent ». Il atteste notamment qu’elle permet la personnalisation de ce dernier, au moyen des informations acquises telles que la fréquence cardiaque et la mesure de glucose. D’après le professeur, si des indicateurs comme la performance diminuent, l’IA va suggérer à l’athlète de prendre une journée de repos. Selon lui, grâce aux statistiques fournies, l’IA « va être un outil extrêmement puissant pour déterminer les meilleurs trios » concernant les sports d’équipe tels que le hockey.
Toutefois, Duval questionne le partage des données des sportif.ve.s : il remarque que des sites de partage de performance tels que Strava recueillent des informations telles que les lieux d’entraînement et la fréquence des séances. Il dénonce un manque de transparence de la part de ces applications, qui ne permettent pas à ses utilisateur.rice.s de garantir la confidentialité de leurs données.
Kwasniewski, quant à lui, confie que le coût est un facteur limitatif dans l’acquisition de nouvelles technologies chez les Gee-Gees. « Un outil comme les plaques de force de Hawkin pourrait fournir des informations utiles, mais son coût le rend irréaliste pour notre budget », déplore-t-il. Ainsi, il souhaite une « meilleure » accessibilité à ces outils, qui permettra le recueil des données et la construction de l’historique et du processus des athlètes de l’U d’O.
Le coût important de ces technologies révèle un autre enjeu dans le monde sportif : celui des inégalités socioéconomiques qui semblent persister au sein de ce milieu.