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Arts et culture

Assister à un spectacle, mais à quel prix ?

Daphnée-Maude Larose
3 novembre 2023

Crédit visuel : Nisrine Abou Abdellah — Directrice Artistique

Chronique rédigée par Daphnée-Maude Larose — Journaliste

Pour l’année 2022, les revenus de l’industrie de la musique en direct sont estimés à 26,2 milliards de dollars. Ticketmaster joue un rôle majeur dans cette réalisation. Ses opérations s’étendent sur plusieurs pays dans le monde, ce qui fait de lui un géant international de cette industrie. Si cette entreprise s’en met plein les poches, c’est en raison des dépenses excessives des acheteur.euse.s de billets.

Dans les dernières années, il est devenu impossible pour le commun des mortels d’assister à un spectacle. En effet, les coûts des billets sont exorbitants, même pour les sièges les plus éloignés. Le modèle d’affaires de l’industrie culturelle a totalement été transformé depuis l’avènement des services de diffusion musical en continu.

Les artistes gagne maintenant leurs revenus à l’aide des concerts et des tournées, puisqu’il n’est plus question d’acheter des albums, qu’ils soient matériels ou électroniques. Cela semble plus acceptable si les artistes sont ceux.celles qui bénéficient de ces hausses de prix. En revanche, il n’est pas clair qui reçoit ces sommes supplémentaires avec Ticketmaster.

Comment les tarifs sont-ils fixés ?

Selon un communiqué de Ticketmaster publié le 1er septembre 2022, les organisateur.rice.s des évènements sont ceux.celles qui décident des prix d’entrée à leurs spectacles. La compagnie en question ne fait qu’assister l’exécution des ventes. Puis, les choix de ces organisateur.rice.s sont basés sur la tarification dynamique. De cette façon, comme pour les billets d’avion et les chambres d’hôtel, si un grand nombre d’individus partagent leur intérêt, le coût du produit concerné augmente.

Ticketmaster affirme ne pas établir les prix des billets, mais près de 27 % du coût d’un siège provient de frais administrés par ce géant de l’industrie du spectacle. Autour de la moitié de ses revenus est issue de cette facturation. Ainsi, le conglomérat ne fixe peut-être pas les tarifs, mais il en tire manifestement profit…

La stratégie de Ticketmaster

Selon l’Office de la protection du consommateur du Québec, « la loi interdit la revente de billets de spectacle […] à un prix supérieur au prix qu’autorise le producteur du spectacle ou de l’évènement. Les revendeurs ont le droit [d’offrir] des billets à un prix plus élevé s’ils ont eu l’autorisation du producteur ». En revanche, ce type d’autorisation est assez rare. Si on se fie aux réactions des musicien.ne.s, les organisateur.rice.s ne semblent pas avoir offert cette permission.

En Ontario, la loi stipule que « quiconque revend un billet à un prix supérieur à sa valeur nominale sans système de vérification ou sans garantie de remboursement viole la loi ». Le gouvernement ontarien a mis ce règlement en place puisque dans de grands évènements, en moyenne 50 à 60 faux billets sont vendus.

De ce fait, s’il faut pointer du doigt, les revendeur.euse.s sont en grande partie à blâmer pour cette augmentation illégale des coûts. Ceux.celles-ci achètent un lot de billets à un prix courant et les remettent sur le site web à un tarif excessif.

Ticketmaster n’intervient pas sur ces actions pour deux raisons.

Tout d’abord, lors de l’achat d’un billet électronique sur Ticketmaster, sa revente se fait sur ce même site web. Ainsi, lors d’une revente, les frais de service sont payés une seconde fois. La compagnie est donc gagnante dans ce processus. En 2018, Radio-Canada a dévoilé que Ticketmaster engageait lui-même des revendeur.euse.s pour encourager la hausse des tarifs. Puis, en mars 2023, une demande collective a été effectuée contre ce conglomérat. Marissa Groghué, journaliste pour La Presse rapporte que : « Ticketmaster est accusé de recourir à des pratiques illégales de mise en vente et d’induire intentionnellement ses clients en erreur. »

Sans oublier la méthode de « Fan certifié » ! Ce système permet aux « vrai.e.s fans » d’accéder en avance à la vente de billets. Cependant, la manière employée pour choisir ces individus et la quantité sélectionnée n’est pas divulguée. Ainsi, il est totalement possible que pour une représentation dans un stade siégeant 60 000 personnes, plus du trois quarts reçoivent un accès à la prévente.

Selon moi, ce système n’est que partiellement mis en place pour les fans. Je crois qu’il est davantage créé pour rapporter encore plus de revenus à Ticketmaster. En organisant une prévente, il est possible pour l’entreprise d’avoir une idée de la demande, mais cela lui permet surtout d’artificiellement raréfier les billets dès le début. Par la suite, puisque les places sont déjà très recherchées, les revendeur.euse.s recruté.e.s par Ticketmaster peuvent vendre leurs sièges beaucoup plus chers.

Et le rôle des artistes ?

Les artistes ne tirent pas profit de leur association avec Ticketmaster, puisqu’ils.elles ne bénéficient pas de la hausse des prix. Ainsi, ils.elles devraient boycotter cette compagnie et encourager les collaborations avec des entreprises de ventes légales et éthiques.

Actuellement, il n’est pas abordable d’assister à plus d’un spectacle par année, et cela pour ceux.celles qui peuvent se le permettre. Si les fonds d’un individu sont entièrement dépensés sur un.e musicien.ne, ce dernier n’aura plus les moyens d’assister aux représentations des autres exécutant.e.s. Les prix démesurés des billets favorisent une centralisation des revenus vers un petit groupe de célébrités internationales. Ceci porte préjudice à tous autres artistes puisqu’un.e seul.e d’entre eux est avantagé.e au détriment de leur semblable.

Il est nécessaire que les gros noms du domaine musical, tels que Taylor Swift, Drake et Beyoncé, prennent position et cessent leurs activités avec Ticketmaster à titre d’exemple. Le bien-être financier de l’entièreté de l’industrie musicale et de ses fans en dépend.

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