Inscrire un terme

Retour
Actualités

Bâtir une ville durable : entre pragmatisme et utopie

Emily Zaragoza
13 mars 2024

Crédit visuel : Courtoisie

Article rédigé par Emily Zaragoza – Journaliste

Du 26 février au 4 mars 2024, la Semaine de la sociologie et d’anthropologie se tenait à la Faculté des sciences sociales (FSS) à l’Université d’Ottawa (U d’O). Parmi les évènements organisés, l’Association étudiante des cycles supérieurs en sociologie et anthropologie (SAGSA) a animé la conférence « Futurs verts et ouverts » afin d’échanger avec trois panélistes sur les enjeux d’une urbanité durable.

Voir la ville en vert : un futur durable et social

Myriam Gemme est coordinatrice en adaptation aux changements climatiques dans l’équipe « Urbanité durable » du Conseil régional de l’environnement et du développement durable de l’Outaouais (CREDDO). Ces dernières années, elle dit avoir constaté l’impact direct du changement climatique en Outaouais. « En 2017 et 2019, des inondations dévastatrices ont entraîné la destruction de maisons devenues inhabitables », a relaté la coordinatrice.

Selon Gemme, la situation va empirer dans les années à venir : « Aujourd’hui, la région connaît six jours de chaleurs extrêmes ; entre 2040 et 2070, il y en aura entre 21 et 36. » À son avis, une telle réalité impose un passage à l’action pour limiter la nuisance d’îlots de chaleur urbains dont souffrent particulièrement les populations plus défavorisées. Lors du panel, elle a présenté la campagne « Vivre en vert » menée par le CREDDO depuis 2020, et grâce à laquelle 1 450 arbres ont été plantés. Avec ces projets de verdissement, la campagne entend aider 18 communautés prioritaires.

Stéphanie Plante, conseillère municipale dans le secteur Rideau-Vanier, a partagé que son district abrite de nombreux jeunes défavorisé.e.s qui souffrent du manque d’espaces verts. Depuis son élection en 2022, la circulation a causé trois décès, a-t-elle rapporté. Plante a ajouté qu’elle est convaincue que la piétonnisation attirera de nouveaux.elles habitant.e.s. À l’occasion d’Halloween, la conseillère est parvenue à restreindre l’accès aux voitures du marché By, afin que les enfants puissent y faire du porte-à-porte. Pour autant, les trois panélistes se sont accordé.e.s à dire que les complications sont nombreuses pour faire d’Ottawa une ville verte.

Les défis du réaménagement urbain

Khalil Habrih, doctorant en anthropologie à l’U d’O, s’intéresse au renouvellement urbain de la ville de Paris et, plus spécifiquement, du 18e arrondissement. Même si son terrain d’étude se trouve de l’autre côté de l’Atlantique, l’étudiant a affirmé que certains enjeux et obstacles transcendent les frontières lorsqu’il s’agit d’urbanisation. Il a notamment pointé du doigt la bureaucratie, parfois violente envers les plus défavorisé.e.s, et qui empêche des changements rapides pour verdir la ville. Des propos qui ont fait écho à ceux de la conseillère Plante, selon lesquels la bureaucratie n’aide pas la créativité et la proposition de solutions innovantes. La coordinatrice a renchéri sur la difficulté de mettre en place des actions concrètes. Elle a précisé que la tâche est d’autant plus lente et compliquée puisque les résultats des élections peuvent bouleverser la donne.

Le doctorant regrette que le cadre légal puisse nuire aux expérimentations spontanées des habitant.e.s. Il prône une approche par le bas, plutôt que des politiques verticales imposées depuis les ministères. D’après lui, les communautés défavorisées et marginalisées sont les perdantes des projets de réaménagement urbain venu du haut. Leur environnement se métamorphose sans même qu’elles n’aient été consultées, et elles sont parfois contraintes de partir vivre ailleurs, a-t-il estimé.

« Vert » l’avenir et au-delà : quel idéal ?

Habrih espère qu’à l’avenir, la région d’Ottawa-Gatineau deviendra un espace de rencontre entre les communautés. Il rêve que les personnes stigmatisées, elles aussi, puissent « bien vivre ». Il imagine un futur où se déplacer à pied serait une possibilité, voire une évidence, et où les bus circuleraient à l’heure. La coordinatrice aimerait que la région accorde plus de place aux vélos et aux autres modes de transports actifs.

La conseillère municipale croit à une « ville amie des enfants », loin de la réalité actuelle de certains quartiers où les jeunes n’ont pas de parcs où jouer. Dans le district 12, elle a soutenu que seulement 32% des habitant.e.s possèdent une voiture. C’est la preuve, selon elle, que le monde de demain doit être « marchable » afin de promouvoir l’accessibilité. Alors que son secteur abrite l’U d’O, Plante est convaincue que les jeunes ont beaucoup à dire et se soucient de la construction d’une ville plus responsable.

Présente à la conférence, Skylar Johnson, étudiante en quatrième année en communication et sociologie, a affirmé s’intéresser à la question du « développement durable ». Elle a retenu de l’intervention des panélistes l’importance de réfléchir à la manière dont les espaces sont utilisés afin de concevoir, par des politiques publiques, des villes plus vertes. Johnson a jugé particulièrement « intéressante » leur réflexion autour de l’utopie, une perspective qui essaye de sortir de l’optique pratique et qui a le mérite, selon elle, de n’être pas très courante.

Sur le campus, d’autres étudiant.e.s font le choix d’une approche plus concrète en devenant bénévoles au sein du Conseil du développement durable.

Inscrivez-vous à La Rotonde gratuitement !

S'inscrire