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Sports et bien-être

Ottawa peut-elle devenir une « ville marchable » ?

Lucy Malaizé
4 mars 2024

Crédit visuel : Jurgen Hoth — Photographe

Entrevue rédigée par Lucy Malaizé — Cheffe du pupitre Sports et bien-être

Malgré son importance pour la santé physique et mentale, la majorité des Canadien.ne.s n’atteignent pas les niveaux d’activité physique recommandés. Selon des études complémentaires, le caractère propice aux activités physiques d’un quartier s’évalue à l’aide de son potentiel piétonnier. Titulaire d’un doctorat en géographie et études environnementales, Gary Martin se spécialise dans la durabilité urbaine et l’industrie du logement. La Rotonde s’est entretenue avec lui pour cerner les enjeux propres à la ville d’Ottawa pour accroître son potentiel piétonnier et améliorer le bien-être de sa communauté.

La Rotonde (LR) : Quels sont les axes principaux sur lesquels le bien-être d’une population urbaine repose ?

Gary Martin (GM) : À mon sens, le bien-être d’une population urbaine repose sur l’aptitude d’une ville à être piétonne, un paysage urbain qui laisse place à la nature ainsi qu’un réseau de transports publics efficace.

LR : Au Canada, quels sont les défis majeurs auxquels font face les villes pour s’inscrire dans une logique de durabilité et de bien-être ?

GM : Il y a environ 1,4 milliard de véhicules à moteur dans le monde, dont plus de 26,3 millions de voitures au Canada. Le Canada est grand et en raison de cela, nous parcourons souvent de longues distances.

Les voitures créent un développement urbain dispersé et des modes de vie de consommation qui l’accompagnent. Les déplacements en voiture dans les villes, à raison d’une personne par véhicule, empêchent la sérénité de l’environnement et poussent les Canadien.ne.s à passer beaucoup de temps à faire la navette. Les villes sont embouteillées, les temps de trajet s’allongent, tandis que la position assise est « le nouveau cancer ». En plus de coûter cher aux contribuables et à l’environnement, les voitures nous rendent paresseux et antisociaux. Les infrastructures automobiles, telles que les routes et aires de stationnement, occupent des espaces qui pourraient être utilisés pour le logement et la culture de denrées alimentaires. En outre, les allées, les parkings et les garages représentent 10 à 20 % du coût des logements. Nous dépensons donc plus en infrastructures pour nos voitures qu’en logements sociaux, par exemple.

LR : ll existe un top 10 des villes les plus accessibles à pied du Canada. Pourquoi la ville d’Ottawa n’y figure-t-elle pas, selon vous ? 

GM : La première cause est l’étalement urbain. Ottawa est entourée de terres agricoles plates, défrichées et drainées, sur lesquelles il est facile de construire. Les promoteurs de logement affirment que la demande de logements des consommateur.rice.s a conduit à la construction de bâtiments au-delà de la ceinture verte. La demande est-elle le moteur du développement ou les promoteurs construisent-ils.elles ce qui leur est le plus facile et le plus familier ? Je pense que c’est les deux. Par ailleurs, les urbanistes et les décideur.euse.s politiques ont favorisé pendant des décennies un zonage séparant les habitations des commerces et des emplois. Néanmoins, cette situation est en train de changer.

LR : Comment peut-on remédier aux problèmes d’inefficacité du transport public à Ottawa ?

GM : Je ne comprends pas vraiment ce qu’il est advenu des transports en commun à Ottawa. Le réseau est aujourd’hui compliqué et désordonné. Il s’agissait, au départ, de trolleys électriques sur un réseau quadrillé au début du 20e siècle, et d’un développement à faible densité en périphérie. Puis, les voitures et les bus à essence ont pris le relais. Je crains que le transport en commun ne puisse servir qu’un développement urbain dense et non éparpillé. Il est trop tard pour cela à Ottawa, et c’est le problème.

LR : Quelles sont, à l’heure actuelle, les stratégies pertinentes mises en place par la Ville d’Ottawa pour tendre vers un modèle de ville plus moderne et durable ?

GM : Une grande partie du régime de planification et des réglementations d’Ottawa est conçue pour rationaliser les dépenses liées au fonctionnement d’une grande ville. Un développement urbain dense est beaucoup moins coûteux qu’un développement dispersé pour construire et mettre en place des canalisations d’eau et d’égouts, des routes, des réseaux électriques et de communication et des services d’urgence.

Les quartiers existants s’opposent souvent aux tentatives de densification, c’est-à-dire à l’augmentation du nombre de logements et d’emplois par hectare. Il est donc plus difficile d’encourager la modification des quartiers existants plutôt que l’investissement dans de nouveaux aménagements. C’est pourquoi le plan officiel de la Ville promeut et encourage un développement plus dense et à usage mixte.

LR : Quels sont les autres types d’initiative qui devraient voir le jour, selon vous ?

GM : Je pense que le développement urbain et la durabilité sont des questions nationales, mais que le gouvernement fédéral n’a qu’une influence limitée en raison des limites constitutionnelles de la fédération canadienne. Le gouvernement canadien pourrait peut-être trouver des moyens de contourner les politiques provinciales et municipales pour influencer un développement « sur le terrain » dans les villes canadiennes. C’est très compliqué, car le développement urbain est hautement rentable. Il est difficile d’éviter la politique, comme on le voit avec l’ingérence du gouvernement Ford dans les affaires urbaines au cours des deux dernières années.

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