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Éditorial

Luttons pour l’abolition du racisme anti-asiatique

Rédaction
6 avril 2021

Crédit visuel : Nisrine Nail – Directrice artistique

Éditorial rédigé par Caroline Fabre – Rédactrice en chef

Le coronavirus n’est pas la seule pandémie à être apparue à travers le monde au courant de l’année 2020. Sa propagation s’est accompagnée par une vague d’intolérance, de discrimination, et de racisme, qui a déferlé sur le monde entier. Alors qu’elles devraient plus que jamais être solidaires, les populations se fragmentent et laissent place à des actes de haine, comme en témoigne la tuerie d’Atlanta, ayant eu lieu le 16 mars dernier aux États-Unis.

S’il est habituel de blâmer notre voisin nord-américain et ses ressortissant.e.s pour le racisme quotidien qui sévit au sein de ses frontières, il est également nécessaire de ne pas tomber dans l’hypocrisie, et de nous pencher le cas du Canada. Depuis le début de la pandémie, les violences perpétrées à l’égard des communautés Asiatiques ont en effet explosé.

Urgence d’agir 

Un rapport du Conseil national des Sino-Canadien.ne.s (CCNC) à Toronto a déclaré que « le Canada a un nombre plus élevé de rapports de racisme anti-asiatique par habitant.e que les États-Unis ». Entre le 10 mars 2020 et le 28 février 2021, ce sont en effet près de 1150 incidents racistes anti-asiatiques qui ont été recensés, selon un rapport de regroupement d’organisations communautaires. Et tenir les provinces éloignées de la Capitale pour coupables de ce phénomène ne servira pas à grand-chose étant donné que 40 % de ces incidents ont eu lieu dans la province de l’Ontario, la plaçant en seconde position après la Colombie-Britannique et ses 44 %.

Selon le CCNC, entre 2019 et 2020, les crimes haineux contre les communautés Asiatiques ont augmenté de 600 % à Ottawa. Conformément à la déclaration émise par la Ville, « en 2020, l’Unité des crimes haineux et préjugés du Service de police d’Ottawa a reçu 15 signalements d’actes haineux envers des personnes d’origine asiatique, contre 2 en 2019. Et l’on ne parle ici que des cas signalés, beaucoup d’incidents restant sous silence. » Ces actes de haine ne se passent pas seulement dans les autres pays, mais sont bien présents chez nous : il est grand temps de regarder la situation en face, et d’agir en conséquence.

Phénomène omniprésent

Derrière ces statistiques se tiennent les visages de millions de personnes qui subissent un racisme ancestral au Canada, qui a même été encouragé par l’État. Sous forme de blagues, de questions insistantes, ou de commentaires désobligeants, il est banalisé et bien ancré dans notre société. Nous le côtoyons tous les jours, parfois sans même nous en apercevoir ; il a seulement été exacerbé par la pandémie. 

Comme il a été rapporté dans une lettre à l’éditeur publiée par The Fulcrum, le racisme est présent sur le campus et dans les salles de cours de l’Université d’Ottawa. L’établissement, qui dit vouloir un environnement sécuritaire et plus inclusif, ne s’est, non sans surprise, pas prononcé sur le sujet.

Les témoignages sont nombreux, à l’instar des cas de racisme. Le photojournaliste Sino-Canadien Justin Tang, partageait à CBC avoir été menacé de mort au Centre Rideau, un homme ayant clamé vouloir tuer des Asiatiques. Rebecca Ng témoignait, dans une entrevue pour La Presse, de la violence physique et verbale qu’elle subit régulièrement à Montréal, et dénonce la diabolisation des Asiatiques en raison du coronavirus.

Des milliers de vidéos exposant des crimes perpétrés contre des Asiatiques sont disponibles en ligne, incluant notamment la destruction de matériel, des graffitis, des actes de vandalisme, mais aussi des insultes verbales, ou encore des attaques physiques. En résulte alors une détresse mentale, des préjudices physiques ou encore émotionnels des communautés touchées par le phénomène. Or, en raison du triste « mythe de la minorité modèle », la communauté Asiatique a tendance à intérioriser et minimiser ses sentiments, quelle que soit leur nature.

Histoire qui dure

Il est important de reconnaître que le racisme envers les personnes d’origine asiatique est profondément ancré dans le passé colonial, les politiques et les lois canadiennes, et s’illustre notamment par les multiples réglementations qui ont parsemé l’histoire du pays. Ces événements historiques sont souvent invisibilisés ; il est aujourd’hui nécessaire de les reconnaître.

Pensons par exemple à la Taxe d’entrée imposée aux immigrant.e.s chinois.e.s pour restreindre leur immigration au Canada entre 1885 et 1923, ou à la Loi de l’immigration chinoise de 1923 qui leur interdisait l’entrée sur le territoire jusqu’en 1947. Pensons également à la déportation et l’internement des Nippo-Canadien.ne.s durant la Seconde Guerre mondiale, ou au surnom de « péril jaune » donné aux communautés. Rappelons aussi que Mackenzie King, ancien Premier ministre du Canada, écrivait en 1945 être soulagé que la première bombe atomique visant des civil.e.s ait été utilisée « contre les Japonais plutôt que contre les races blanches d’Europe. »

De tels propos sont choquants, surtout émanant d’un homme ayant été à la tête d’une si grande nation. Alors pourquoi ne pas nous insurger en l’entendant de la part d’une personne lambda dans la rue ? Les temps ont peut-être changé, mais le racisme anti-asiatique, lui, est toujours bien présent.

Action collective

Il est grand temps de laisser de la place aux voix des populations marginalisées, tout comme il est temps d’arrêter blâmer une population en raison de l’origine du virus. Non, parler du « virus chinois » n’est pas acceptable. Si vous ne vous rendez pas compte de la dimension profondément réductrice et insultante de ce propos, vous faites partie du problème.

Pour lutter contre cela, la plateforme internet Covid Racism se consacre au suivi et au signalement du racisme et de la xénophobie anti-asiatiques au Canada. Elle a pour objectif de « valider la gamme d’expériences vécues dans les communautés Asiatiques canadiennes, et utiliser la documentation afin de guider les actions entreprises collectivement contre le racisme et la xénophobie anti-asiatiques dans l’avenir. » L’interface propose une carte interactive ainsi qu’une frise chronologique recensant les incidents racistes.

Le site Elimin8hate propose quant à lui d’« utiliser les données signalées pour obtenir des changements concrets, notamment une meilleure représentation dans les médias [et] de consolider les ressources publiques dans un format accessible aux victimes ». Son objectif est de mettre au point un environnement anonyme et sécuritaire, permettant aux Canadien.ne.s d’origine asiatique de signaler toute attaque raciale.

À l’instar du racisme perpétré contre les communautés noires ou autochtones, il est de notre devoir de mettre un terme au racisme à l’encontre des communautés Asiatiques. Un premier pas vers son abrogation a été effectué le 22 mars, alors que le « Parlement du Canada a adopté à l’unanimité une motion présentée par le chef du Nouveau Parti démocratique, Jagmeet Singh, visant à condamner et à s’engager à faire davantage pour mettre fin au racisme anti-asiatique », partageait Radio-Canada.

Il est de notre devoir de lutter, aujourd’hui et à l’avenir, contre le racisme afin de construire une société plus égalitaire. Jamais personne ne devrait avoir peur de sortir et d’interagir avec le monde extérieur, et les témoignages des victimes de tels actes brisent le cœur. Comment croire et évoluer dans une société où les concitoyen.ne.s sont ouvertement xénophobes et racistes ? Car en plus d’entraver la vie, ces actes l’enlèvent aussi, comme en témoignent les huit victimes de la tuerie d’Atlanta aux États-Unis.

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