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Entrevue avec Cyril Bassil : qu’est-ce que le storytelling ?

Eya Ben Nejm
12 avril 2023

Crédit visuel : Eya Ben Nejm – Journaliste

Entrevue réalisée par Eya Ben Nejm – Journaliste

Cyril Bassil, producteur de cinéma et chargé de communication avec de nombreuses organisations non gouvernementales, était l’invité d’honneur du panel des étudiant.e.s gradué.e.s sur les médias, l’identité et la diversité le jeudi 6 avril. Originaire du Liban et survivant de l’explosion du port de Beyrouth en 2020, Bassil fait découvrir à La Rotonde le rôle du cinéma indépendant, ainsi que son parcours, qui l’a poussé à s’intéresser à différentes minorités et diverses histoires.

La Rotonde (LR) : En quoi le cinéma indépendant se distingue-t-il des autres ?

Cyril Bassil (CB) : Dans les productions indépendantes, il y a beaucoup plus de liberté, donc plus de nuances et d’opportunités de représenter les différentes communautés. Somme toute, il y a une plus grande liberté d’expression dans le cinéma indépendant et dans les médias indépendants en règle générale. Cela peut se voir au niveau de l’écriture et de la conception des projets.

LR : Quels outils utilisez-vous pour attirer votre audience ?

CB : Je crois vraiment que les réseaux sociaux ont ouvert une grande porte pour les projets indépendants. Ce sont des moyens gratuits de distribution. Il y a aussi le bouche-à-oreille qui aide beaucoup. Avec la viralité, c’est beaucoup plus facile de partager son travail et de montrer son originalité.

Avec le mouvement #MeToo, le mouvement Black Lives Matter, les mouvements queers et féministes, il y a une audience de plus en plus grandissante qui est assoiffée de contenus nuancés. Je crois qu’on est en train d’entrer dans l’ère des médias non traditionnels, où ce type de contenus prend davantage de place.

LR : Vous êtes originaire du Moyen-Orient, plus spécifiquement du Liban. Est-ce que vos origines ont impacté votre travail ?

CB : C’est une question à multiples réponses. La narration internationale autour du Liban est fortement liée à la guerre, à la violence, à des représentations racistes et qui manquent de nuances et d’humanité. En tant que producteur, il est important pour moi de présenter des histoires plus diversifiées et plus intéressantes. Il m’arrive aussi de produire des projets en France qui parlent des droits des femmes et qui sont montés par des artistes françaises. Je ne suis pas une femme et je ne suis pas français, mais ça ne m’empêche pas d’avoir de l’empathie et beaucoup d’intérêt pour ces histoires et de vouloir accompagner ces artistes afin de mettre en avant leur histoire.

Plus on travaille ensemble et plus on est conscient de l’importance des choses. J’ai un grand intérêt pour les représentations nuancées libanaises, mais je me considère aussi comme un citoyen du monde. Je ne regarde pas les choses autour de mon nombril et je cherche à travailler avec des réalisateur.ice.s, par exemple afro-américain.ne.s, qui ont des histoires à raconter.

LR : Comment vos productions arrivent-elles à déconstruire les clichés sur le monde arabe à l’international ?

CB : En mettant en avant la vulnérabilité et en mettant en avant l’humain. Avec des histoires humaines et en luttant contre les clichés, on permet aux personnes de s’exprimer au-delà de leur cause ou de leur identité première. On découvre que ce sont aussi des gens qui aiment manger, danser, faire la fête. Ce sont des êtres humains comme tout le monde. On a tendance à catégoriser les gens. Mon objectif est de montrer les personnes sous leurs multiples facettes. Quand le public voit ce genre de représentations, même s’il ne fait pas partie de cette communauté, il peut s’identifier aux simples gestes. Ça permet de casser le racisme et la peur de l’autre.

LR : Vous étiez au Liban lorsqu’a eu lieu l’explosion du port de Beyrouth. Comment est-ce que cela a impacté votre travail et qu’est-ce que vous aimeriez que l’on retienne de cet événement ? 

CB : Je dirais qu’il est impossible de survivre à la troisième plus grande explosion de l’humanité et de vivre comme je vivais avant. Le statu quo a explosé avec l’explosion. Ça a changé ma vie personnelle. Dès qu’on a une immense conscience de la mort, on se rend compte que tout peut s’arrêter en six secondes, tout devient beaucoup plus urgent. Bien que le format de mon travail n’ait pas changé, le fond est complètement différent.

J’ai surtout fait des films, mais là pour la première fois je vais faire une installation, parce que j’ai envie de jouer avec la narrativité. J’encourage les lecteur.ice.s à aller découvrir d’autres horizons et à aller vers l’autre. Ils.elles vont se rendre compte que l’autre n’est pas si inconnu.e que cela, et qu’on a beaucoup plus en commun que ce que l’on peut penser.

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