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Sports et bien-être

Les cèdres du Liban : quand le sport réunit et répare

Dawson Couture
23 mars 2023

Crédit visuel : Marie-Ève Duguay – Rédactrice en chef 

Critique rédigée par Dawson Couture – Chef du pupitre Sports et bien-être

Pour un pays aussi centré sur l’intégration, le sport hivernal du Canada est certainement l’un des plus onéreux et homogène au monde. Selon La Presse, pratiquer le hockey sur glace coûte en moyenne entre 650 à 6 500 dollars par année. Malgré cela, le réalisateur libano-canadien Frédéric Nassif cherche à montrer l’autre côté de la médaille dans son nouveau documentaire, Les cèdres du Liban. Sorti cette année gratuitement sur TOU.TV, il présente de manière émouvante et réfléchie l’histoire vraie d’une équipe fondée sur l’amour des membres pour leur mère patrie, leur terre d’accueil et le hockey.

Réalité derrière le spectacle

Au même moment que plusieurs Canadien.ne.s, j’ai été introduit au récit de l’équipe nationale de hockey du Liban. En 2017, j’ai côtoyé plusieurs camarades de classe libanais, dont mon meilleur ami, qui avaient lacé leurs patins dès leur enfance pour compétitionner sur la patinoire. C’est alors que nous avons entendu parler du premier match international pour l’équipe libanaise et haïtienne de hockey à Saint-Laurent, au Québec. 

Le réalisateur débute le documentaire en racontant de manière un peu décousue les péripéties qui ont mené à cette première victoire de 7-4 pour les « Cèdres ». L’équipe est composée de joueurs de double nationalité (libanaise et canadienne, américaine ou française) qui ont décidé de se réunir pour représenter le Liban sur la scène internationale. On nous explique en moins de deux minutes comment ce groupe a créé sa propre fédération, a obtenu la reconnaissance de la Fédération internationale de hockey sur glace (FIHG), ainsi que du comité olympique, sans pour autant avoir une aréna fonctionnelle sur son territoire.

Nassif n’approche pas cette histoire comme plusieurs d’entre nous l’auraient fait, c’est-à-dire comme un phénomène exotique ou un objet de curiosité. Plutôt, le jeune réalisateur jette un regard intime sur la vie des entraîneurs et des joueurs, afin de montrer les intersections entre l’immigration, le nationalisme, la religion, la guerre, l’intégration et le sport. 

Ceci est donc loin d’être un documentaire sportif comme on en a l’habitude, avec par exemple Ice Guardians ou The Last Dance. À ma déception, l’auditoire n’est exposé que brièvement à des séquences de match de l’équipe, y compris ce célèbre match contre l’Haïti. Certes, dans sa courte durée d’exécution, cela ne pouvait pas être une priorité. Le message que tente de transmettre le réalisateur par rapport à l’existence de cette équipe n’a en réalité rien à voir avec sa performance sur la patinoire.

Intégration par le sport ?

Le film est en quelque sorte une lettre d’amour de Nassif au hockey, surtout comme mode d’intégration des immigrant.e.s. On comprend à travers le film l’importance que ce sport a eue dans la vie de plusieurs nouveaux.elles arrivant.e.s, dont plusieurs qui ont fui la guerre au Liban. C’est cependant le témoignage d’un des entraîneurs assistants qui met l’importance du hockey en perspective. Le documentaire excelle lorsque celui-ci ainsi que l’entraîneur-chef montrent leur vulnérabilité en abordant leur passé traumatisant et en aspirant toujours retourner au Liban. Le réalisateur réussit avec grand succès à véhiculer le pouvoir du hockey pour rapprocher les gens et les inciter à se dédier à quelque chose de plus grand qu’eux.

La réalité n’est évidemment pas aussi colorée : la culture du hockey contribue encore aujourd’hui à la discrimination et à la violence dont font face ceux.celles qui ne correspondent pas aux normes. Tout récemment, des allégations d’initiations violentes ont fait surface dans la ligue junior québécoise. Le film ne semble pas vouloir éviter délibérément d’aborder ces thématiques, vers la fin de la projection, un des joueurs partage son dégoût d’avoir été victime de discriminations lors de son premier jour d’école au Canada. Il est évident toutefois qu’en s’accrochant aux membres de l’équipe libanaise, le réalisateur oublie naturellement les immigrant.e.s que le hockey a délaissé.

Identités meurtrières

La force de ce documentaire vient de son exhibition de divers points de vue au sein d’un même groupe sur des sujets comme l’intégration et l’identité. Cette diversité de perspectives et d’opinions enrichit notre compréhension des enjeux liés à l’immigration et suscite naturellement une empathie pour ces individus. 

La question de l’identité, qu’elle soit canadienne, libanaise ou québécoise, est au centre des discussions qu’entament les personnages les uns avec les autres. En une si courte durée de temps d’écran (52 minutes), le réalisateur réussit à contraster efficacement les diverses conceptions des membres de l’équipe, tout en illustrant comment leurs expériences personnelles ont contribué à l’identité qu’ils expriment. Les scènes au Liban, où les personnages revivent en quelque sorte leur jeunesse en situation de guerre, sont particulièrement émouvantes.

Cette capacité de mettre en relief des visions contrastantes de l’identité permet d’explorer des thèmes de manière beaucoup plus approfondie que ce à quoi on aurait pu s’attendre. Le débat souverainisme-fédéralisme qu’entretiennent des membres de l’équipe illustre l’importance, mais surtout la complexité de l’identité chez l’être humain. Si la majorité des individus mis en scène se sentent tiraillés entre deux identités, la conclusion du documentaire apporte un certain soulagement à cette crise identitaire.

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