Crédit visuel : Dereck Bassa – Photographe
Chronique rédigée par Marie-Ève Duguay – Cheffe du pupitre Arts et culture
Depuis quelques semaines, le jeu en ligne Wordle fait fureur. Le site a été conçu en octobre dernier par l’Américain Josh Wardle, dans l’espoir de divertir son épouse amatrice de jeux de mots. Wordle est un témoignage d’amour : entre le créateur et son épouse, certes, mais aussi entre les joueur.euse.s et leur rapport à la langue.
La prémisse de Wordle et de son équivalent francophone Le Mot est très simple : les joueur.eus.e.s sont invité.e.s, une fois par jour, à deviner le mot à cinq lettres quotidien. Non pas de manière dissimilaire au jeu de société Mastermind, le.la joueur.euse a six essais pour trouver le bon mot — après le premier essai, le jeu indique quelles lettres sont dans le mot secret et lesquelles sont à la bonne place, et ainsi de suite. Mon record personnel est de deux essais, et j’en suis très fière !
Accessibilité notable
La simplicité de Wordle le distingue des autres jeux en ligne. L’accès est complètement gratuit, et le site est dépourvu de publicités ou de pop-ups qui rendraient la navigation déplaisante. Puisque Wordle se retrouve en ligne, il n’est pas nécessaire de télécharger une application pour pouvoir y jouer — idéal pour les gens qui, comme mes parents, ont peut-être plus de difficultés avec un téléphone intelligent.
De même, le jeu rejoint plusieurs types de populations. Contrairement aux mots croisés du New York Times, qui ont également connu une hausse de popularité, une connaissance de références culturelles précises n’est pas requise pour jouer à Wordle. Les mots utilisés sont juste assez communs pour que tout le monde puisse les trouver mais posent tout de même un défi considérable. C’est sans doute en partie grâce à son accessibilité que le site est autant consulté.
Redéfinir le langage
En plus de divertir — le jeu est d’ailleurs devenu un point culminant de ma journée — Wordle offre une façon de repenser les langues. Le défi qui y est présenté nous force à voir les mots d’une manière différente ; en jouant, les mots deviennent une série de lettres, et non un ensemble. Il y a également de grands débats concernant les meilleures façons de commencer le jeu. Personnellement, j’y vais toujours avec « adieu », puisque cela élimine plusieurs voyelles.
Wordle permet aussi à plusieurs joueur.euse.s de découvrir et de promouvoir des langues autres que l’anglais et le français. C’est d’ailleurs le cas du linguiste Aidan Pine, résident de Vancouver, qui a développé une version de Wordle adaptée en Gitksan, langue autochtone surtout parlée en Colombie-Britannique. Pour Pine et pour plusieurs autres joueur.euse.s, Wordle est une façon de faire renaître son rapport à la langue.
Jouer et se rassembler
Le jeu procure non seulement un sentiment de fierté avec sa dimension de résolution de problème, mais il permet également une connexion sociale de masse. Il y a quelque chose de réconfortant dans le fait de savoir qu’alors que j’essaye de trouver un mot de cinq lettres qui se termine par les lettres h-a-c-k (la réponse était en fait whack), plusieurs centaines de personnes autour de la planète sont également en train de faire la même chose.
À ses débuts, le jeu comptait environ 90 utilisateur.ice.s. À ce jour, le créateur rapporte des millions de joueur.euse.s. Alors que plein de choses nous divisent en ce moment, il y a au moins cela qui nous rapproche un peu.
Partager mes résultats à ma famille et à mes ami.e.s par l’entremise de textos composés de petits carrés verts et jaunes est devenu pour moi une source de bonheur, aussi simple et banale soit-elle. Il reste à espérer, maintenant que le jeu a été acheté par le New York Times, qu’il restera gratuit et tout autant accessible qu’à ses débuts.